FranceNestlé pourrait annoncer ce jeudi la fermeture de l’usine Buitoni
Un an après le scandale des pizzas contaminées, la multinationale suisse a convoqué ses 200 employés ce matin pour leur annoncer sa décision sur le site de Caudry.
Un an après le scandale des pizzas contaminées, Nestlé pourrait annoncer jeudi la fermeture définitive de son usine Buitoni de Caudry (Nord), laissant sur le carreau près de 200 salariés qui disent n’avoir «rien à se reprocher».
Le site est au cœur du scandale pour avoir produit les pizzas surgelées à pâte crue de la gamme Fraîch’Up, qui pourraient avoir provoqué la mort de deux enfants et l’intoxication de dizaines d’autres par la bactérie Escherichia coli. Une information judiciaire est ouverte depuis mai dernier à Paris pour homicide involontaire dans le cas de deux victimes et blessures involontaires pour 14 autres, selon une source judiciaire.
Selon une source syndicale, la direction de l’usine a donné rendez-vous aux représentants des salariés à 9 h, puis à l’ensemble des employés à 11 h 15, pour leur annoncer sa décision sur l’avenir du site, dont l’activité est déjà suspendue depuis début mars en raison, selon Nestlé, d’une chute des ventes.
Des pneus brûlés
Une centaine d’employés se sont réunis au petit matin devant l’usine, dont les grilles ont été recouvertes de croix noires avec le nom de chacun, sa date d’embauche et le 30 mars 2023 comme fin symbolique. «Nestlé rassasié, salariés accablés», pouvait-on lire sur une banderole à l’entrée. Les lieux ont en partie été recouverts d’une épaisse fumée noire de pneus brûlés, visible à des kilomètres à la ronde.
Si l’usine fermait, «on ne perdrait pas seulement un boulot, mais une famille», déplore sur place Christophe Dumez, 49 ans, dont 30 chez Buitoni. «On dort très mal, on fait des cauchemars, on est inquiets. Moi, c’était mon premier boulot en sortant de l’armée. J’ai bientôt 50 ans, c’est pas le bon âge.»
«Toutes les options sont sur la table. Mais notre enjeu majeur, c’est d’agir en responsabilité vis-à-vis de nos collaborateurs», avait déclaré, énigmatique, une porte-parole de Nestlé France à l’AFP mi-mars. Mais sur le site, la fermeture définitive est redoutée.
Des élus et habitants devraient se mobiliser à leurs côtés, pour défendre un site qui reste le deuxième pourvoyeur local d’emplois derrière L’Oréal. Ils étaient jusqu’à un demi-millier lors d’une manifestation le 13 mars.
«C’est tendu!»
«C’est tendu. On sent que l’échéance arrive», confie à l’AFP Stéphane Derammelaere, délégué Force ouvrière. «Si ça part là-dessus (une fermeture définitive, ndlr), je pense que ça va mal se terminer», prévient-il, évoquant de nombreux salariés de plus de 50 ans et des couples dont les deux membres sont employés par Buitoni. «J’ai des collègues qui sont très remontés, parce qu’ils vont perdre leur emploi, qu’ils ont des familles à nourrir», alors qu’ils n’ont «rien à se reprocher».
Contacté par l’AFP, Nestlé n’a pas souhaité faire de commentaires avant la réunion. Le groupe avance «une contamination de la farine» comme explication «la plus probable» de la présence de la bactérie sur ses pizzas.
Mais d’autres causes possibles sont évoquées: selon la préfecture, des inspections des autorités sanitaires avaient mis en évidence «la présence de rongeurs» et le «manque d’entretien et de nettoyage des zones de fabrication» dans l’usine.
Chute des ventes
L’affaire remonte à février 2022, quand Santé publique France (SPF) et la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF) sont alertées d’une recrudescence de cas d’insuffisance rénale chez des enfants, liés à une contamination par E. coli.
Le 18 mars, Nestlé rappelle ses pizzas et ferme les deux lignes de production. La préfecture interdit dans la foulée toute activité, les autorités sanitaires ayant établi un lien entre la consommation des pizzas et plusieurs cas graves de contamination.
L’usine rouvre partiellement mi-décembre, après neuf mois d’arrêt, seule la ligne de pizzas à pâte cuite, non concernée par le scandale étant autorisée à redémarrer. Mais la réouverture ne tient que deux mois et demi: le groupe annonce début mars la suspension de l’activité en raison d’une chute des ventes de pizzas surgelées, qui «a d’autant plus impacté la marque Buitoni».
«On ne transforme pas une usine en un claquement de doigts»
Le ministre délégué à l’Industrie Roland Lescure et le maire divers-droite de la ville Frédéric Bricout ont suggéré que Nestlé produise autre chose que des pizzas sur le site, une hypothèse qui semble avoir été balayée par le géant de l’agroalimentaire.
«On ne transforme pas une usine comme ça en un claquement de doigts», avait commenté mi-mars la porte-parole de Nestlé France, jugeant cette solution «très complexe».