Rachat par UBS: Credit Suisse: la raison d’Etat contre la transparence

Publié

Rachat par UBSCredit Suisse: la raison d’Etat contre la transparence

Les circonstances du rachat de Credit Suisse par UBS font dorénavant l’objet de nombreuses spéculations. Mise en cause par le «Financial Time», la cheffe des Finances verrouille l’information.

Eric Felley
par
Eric Felley
Selon les informations du «Financial Times», Karin Keller-Sutter a été très tôt à la manœuvre pour obliger Credit Suisse à se vendre à UBS.

Selon les informations du «Financial Times», Karin Keller-Sutter a été très tôt à la manœuvre pour obliger Credit Suisse à se vendre à UBS.

AFP

Karin Keller-Sutter aurait pu espérer un début de mandat plus serein à la tête du Département fédéral des finances. Moins de trois mois après son entrée en fonction, la voilà au centre de l’attention politico-médiatique après le rachat forcé du Credit Suisse par UBS annoncé dimanche dernier. Selon le récit du très bien informé «Financial Times», cette option unique aurait été décidée mercredi dernier, jour de l’effondrement du titre de Credit Suisse. La suite, on en connaît les grandes lignes jusqu’à l’annonce du Conseil fédéral de dimanche, placée sous le signe de l’état de nécessité. Il en allait de la sauvegarde de la place financière helvétique.

À ce jour, plus de 200 milliards de garanties de fonds publics ont été engagées dans cette opération, qui demeure cependant largement opaque dans son déroulement. «Nous ne voulons pas faire de nouvelles suppositions, mais savoir concrètement qui savait quoi et à quel moment», déclare dans les médias alémaniques la coprésidente du PS Mattea Meyer (PS/BS). C’est la raison pour laquelle, les socialistes, mais aussi les autres groupes politiques du Parlement, devraient décider de créer une Commission d‘enquête parlementaire (CEP) lors de la session prévue entre le 11 et le 14 avril prochain.

«Un intérêt extraordinaire à garder le secret»

Comme il apparaît dans le récit du «Financial Times», le rôle de la cheffe du Département fédéral des finances, Karin Keller-Sutter, aurait été central. En raison de la loi sur la transparence, «Le Temps» a tenté d’obtenir des informations auprès de ce département sur les multiples questions que pose cette affaire. Il s’est fait rembarrer: «Il existe dans le cas présent un intérêt extraordinaire à garder le secret, lui a-t-on répondu, en particulier en raison des secrets d’affaires et des négociations en cours. (…) La loi sur la transparence entraverait ce processus».

Hier, lors de la conférence de presse de la Banque nationale suisse (BNS) à Zurich, un journaliste a demandé à quel moment les discussions du sauvetage de Credit Suisse avaient commencé. Il n’a pas obtenu non plus de réponse. Selon la version du «Financial Times», il semblerait donc que dès le mercredi, la messe était dite, contrairement à ce qu’on a voulu nous faire croire les deux jours suivants. Le président des Verts libéraux, Jürg Grossen, réagit dans les médias alémaniques: «Si ce qui est écrit est vrai, cela pourrait être un séisme politique majeur».

La curiosité est énorme

S’il est compréhensible à ce stade, ce verrouillage de l’information ne présage rien de bon pour la suite. Dans «Le Temps», le conseiller national Gerhard Andrey (V/FR) résume le malaise: «Ce manque de transparence est énormément frustrant pour le travail de parlementaire: nous ne sommes pas là juste pour valider le travail du Conseil fédéral». Et il n’y a pas que les parlementaires, qui voudront connaître la vérité. La reprise du Credit Suisse par UBS a fait de nombreuses victimes collatérales: les actionnaires, les détenteurs d’obligation, les fonds de pension, des milliers de collaborateurs et d’une manière générale tous les citoyens de ce pays. La curiosité est énorme.

Qui veut noyer son chien…

Étant donné les conséquences extraordinaires de cette opération extraordinaire, Karin Keller-Sutter et le Conseil fédéral auront de la peine à tenir sur la durée avec la raison d’État. Personne ne voudra se contenter de l’explication lénifiante du patron de la BNS, Thomas Jordan: «La priorité était de maintenir la stabilité financière, a-t-il répété jeudi à Zurich. Une faillite de Credit Suisse aurait eu des conséquences graves sur la stabilité financière en Suisse et dans le monde, et sur l’économie suisse. Il aurait été irresponsable de courir un tel risque».

Un proverbe dit que «lorsque l’on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage». Appliqué au Credit Suisse, cela donne: le chien était en bonne santé, mais on a dû le piquer quand même. Pourquoi? Parce que c’était dans l’intérêt de tous les chiens. Mais qui a décidé de l’intérêt de tous les chiens? C’est la suite d’un long feuilleton qui s’annonce.

Ton opinion

78 commentaires