«The Crown»Scandales à Buckingham: entre fiction et réalité
Le drama royal de Netflix défraye plus que jamais la chronique. Le point sur la situation alors que la 5e saison arrive ce mercredi sur Netflix.
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La série dépeignant le règne d’Elisabeth II est devenue l’une des séries phares de la plateforme de streaming.
NetflixOn a coutume de dire que toute publicité est bonne à prendre. Mais la 5e saison de «The Crown» n’en demandait peut-être pas tant! Alors que celle-ci débarque sur Netflix ce mercredi 9 novembre, toute la série est en pleine tourmente depuis quelques semaines, fustigée notamment par deux ex-Premiers ministres du Royaume-Uni – John Major et Tony Blair – mais également par dame Judi Dench en personne, l’une des actrices anglaises les plus respectées du pays.
En six ans, depuis ses débuts en 2016, la série de Peter Morgan dépeignant le règne d’Elisabeth II est devenue l’une des séries phares de la plateforme de streaming, saluée autant pour l’intelligence de son écriture que pour sa somptueuse direction artistique. Mais ses détracteurs lui reprochent aussi de faire passer ses scénarios pour une vérité historique.
Annus horribilis
Ce qui cristallise aujourd’hui les critiques tient en deux temps. D’abord la mort de Sa Majesté, survenue il y a à peine deux mois. Et même si la série a pris toutes les précautions pour ne pas entacher sa mémoire, l’émotion reste palpable quand on retrouve la souveraine à l’écran, cette fois sous les traits d’Imelda Staunton (Dolores Ombrage dans la saga «Harry Potter»), par exemple dans une scène où elle s’inquiète de sa santé, lors d’une visite de routine chez le médecin. Mais ce qui effraye surtout le palais de Buckingham, c’est que cette 5e saison, l’avant-dernière de la série, s’attaque à une période particulièrement compliquée par la famille royale – les années 90 – marquées par une série d’événements qui ont longtemps fait la une des tabloïds: l’incendie du château de Windsor, le divorce des trois aînés de la reine (la princesse Anne, le prince Andrew et bien entendu le futur roi d’Angleterre), mais aussi l’interview choc de Diana à la BBC ou encore l’affaire du «tampongate», la retranscription de cet échange téléphonique entre Charles et sa maîtresse, Camilla Parker Bowles, se livrant à des plaisanteries douteuses autour de tampons hygiéniques.
Judi Dench monte les tours
Il y a quelques jours, la bande-annonce de cette nouvelle saison avait notamment déclenché l’ire de Judi Dench, qui s’était fendue d’une lettre ouverte au Times: «Plus le drame se rapproche de notre époque actuelle, plus il semble prêt à brouiller librement les frontières entre l’exactitude historique et le sensationnalisme grossier. Étant donné certaines des suggestions blessantes apparemment contenues dans la nouvelle saison, c’est à la fois cruellement injuste pour les individus concernés et préjudiciable envers l’institution qu’ils représentent». Elle concluait en exhortant les créateurs de la série à placer une clause au début de chaque épisode spécifiant que celui-ci est une fiction. Et pourtant, selon le témoignage d’une source dans le Times le mois passé, la comédienne avait un temps été pressentie pour incarner la souveraine, précisément dans cette saison, elle qui a déjà campé la reine Elizabeth 1re (dans «Shakespeare in Love») et à deux reprises la reine Victoria (dans «La Dame de Windsor» et «Confident Royal»). Mais voilà, l’actrice est aussi une proche de la famille royale – elle présente parfois quelques événements pour celle-ci, comme cette année le jubilé de platine marquant les 70 ans de règne d’Elizabeth II – et elle n’a probablement pas souhaité se mettre la famille à dos.
Netflix bon prince
Alors la comédienne n’a pas eu gain de cause sur la question de l’avertissement sur les épisodes, mais quelques jours plus tard, le streamer apportait tout de même une petite concession en indiquant dans la description de la bande-annonce sur YouTube: «Inspirée d’événements réels, cette dramatisation fictive raconte l’histoire de la reine Elizabeth II et les événements politiques et personnels qui ont façonné son règne». Rares sont ceux qui y prêteront attention mais ce n’est pas grave, Netflix a fait un geste pour calmer les esprits. Il faut dire que la plateforme marche sur des œufs puisque la saison s’apprête aussi à aborder de plain-pied la liaison entre le roi Charles III et sa maîtresse de l’époque, Camilla, alors qu’il était encore marié à Diana. Shocking!
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Et pour relâcher la pression autour de la mort de Lady Di, qui sera au cœur de la saison suivante, actuellement en tournage, la production a déjà laissé fuiter des informations expliquant qu’elle fera preuve de sobriété à ce sujet et que l’accident dans le tunnel du pont de l’Alma ne sera pas montré à l’écran. Objectif: faire profil bas côté sensationnalisme, sachant que c’est justement ce que reprochent à la série ses détracteurs.
Des ex-Premiers ministres fâchés
Le mois passé, c’est John Major, premier ministre de 1990 à 1997, qui s’offusquait contre celle-ci, ayant eu vent de scènes montrant le prince Charles faire pression sur son personnage pour forcer l’abdication de sa mère. «Un tonneau d’absurdité colporté pour avoir un maximum d’impact dramatique, avait-il lâché dans un communiqué de presse. Il n’y a jamais eu de discussion entre nous à ce sujet». Aujourd’hui, c’est au tour de Tony Blair, premier ministre de 1997 à 2007, de s’exprimer, notamment en regard d’une scène où il est lui-même impliqué avec le prince Charles, qui lui annonce vouloir épouser sa maîtresse. «Comme vous vous en doutez, ce sont des foutaises absolues», soulignait Tony Blair au Daily Telegraph, le week-end passé. Quant à William Shawcross, auteur d’une biographie de la reine mère, il a déjà qualifié la série d’«odieuse» et «pleine de mensonges et de demi-vérités».
Alors face à ce bashing, ce sont aujourd’hui les acteurs de cette saison qui montent au créneau pour défendre le travail des scénaristes. Notamment Imelda Staunton, dans le rôle d’Elizabeth II. Elle rappelait au magazine Deadline que «Peter Morgan écrit sur la reine depuis que Helen Mirren a joué dans «The Queen». Il adore manifestement cette famille et il montrera les deux facettes des personnages, pour le meilleur ou pour le pire, sans porter de jugement, en laissant cela au public».
La duchesse d’York est fan
De son côté, le porte-parole de la série rappelait dans Variety que «la série a toujours été présentée comme un drame basé sur des événements historiques. La 5e saison est une dramatisation fictive, imaginant ce qui aurait pu se passer à huis clos pendant une décennie importante pour la famille royale – une décennie qui a déjà été examinée et bien documentée par des journalistes, des biographes et des historiens».
Il y a pourtant au moins un membre de la famille royale qui a apprécié la série: Sarah Ferguson, ex-épouse du prince Andrew. En 2021, la duchesse d’York avait déclaré à US Weekly avoir trouvé la série «magnifiquement filmée» et «parfaitement réalisée», en ajoutant même «j’ai adoré la façon dont ils ont inclus mon mariage». Est-ce à la suite de ces déclarations qu’elle aurait été approchée par la production? Le Daily Mail affirmait en effet récemment qu’elle avait été à plusieurs reprises en contact avec l’équipe et leur avait fourni des informations sur elle-même ainsi que sur le fonctionnement interne de la famille royale. Une information toutefois démentie par le porte-parole de Sarah Ferguson qui précisait que si «la duchesse avait effectivement été en contact avec l’un des producteurs de la série, c’était au sujet de l’adaptation de son livre, «Her Heart for a Compass», et non pas à propos de «The Crown».
Bref… Mais peut-être est-il simplement bon de rappeler que «The Crown» est avant tout une immense série, actuellement l’une des plus passionnantes, et qu’à l’image du conte de fées brisé de la princesse Diana, le show runner Peter Morgan s’est approprié la vie de la famille royale pour en tirer une fable moderne flamboyante. Et comme chacun le sait, dans toute fable, il y a une part importante de fiction…