Tour de Romandie: Valère Thiébaud: «Jamais sur une course pour se faire taper dessus»

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Tour de RomandieValère Thiébaud: «Jamais sur une course pour se faire taper dessus»

Le Neuchâtelois de 23 ans a appris dans la douleur, sur sa première boucle romande. Récit d’une course pas comme les autres pour lui, qu’il risque bien de se rappeler toute sa vie.

Robin Carrel Villars
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Robin Carrel Villars
Le Suisse en plein effort, dans la montée vers Villars.

Le Suisse en plein effort, dans la montée vers Villars.

Pascal Muller/freshfocus

Valère Thiébaud a logiquement terminé très loin, lors du contre-la-montre final du Tour de Romandie. La veille, il avait terminé au courage, quelque 6 minutes avant l'expiration des délais, et avec plus de 8 minutes de retard sur l'avant-dernier. Le Neuchâtelois avait été lâché très tôt lors de l'étape en direction de Zinal et a eu l'immense mérite d'aller au bout de son pensum. Interview d'un jeune cycliste qui a terminé lanterne rouge de l’épreuve, mais qui a engrangé sans doute une immense expérience en une petite semaine, au sein du peloton des meilleurs.

Comment c'était, aujourd'hui?

C'était un contre-la-montre vraiment de spécialiste. Il y avait six kilomètres de plat vent de dos, donc on allait très, très vite. Puis après une bosse d'Ollon à Villars, de dix kilomètres. Donc vraiment quelque chose pour grimpeur. J'ai choisi de changer de vélo en haut d'Ollon, parce qu'on gagne quand même beaucoup avec la roue pleine, la position et tout. Je ne pensais pas que ça irait aussi bien ce changement de vélo... J'ai appelé mon frère, hier, car on n'avait pas assez de staff pour qu'il y ait deux personnes derrière chaque coureur. Il n'avait pas le temps de redescendre à Aigle! Du coup, c'est mon frère qui a fait le mécano et m'a changé le vélo.

Et les jambes?

C'était comparable aux jours précédents... J'ai eu de la peine à récupérer de l'échappée du premier jour. Je dormais aussi de moins en moins bien. Oui, ça peut paraître un peu bizarre. Mais plus on est fatigués, exténués, moins on dort paisiblement et aussi bien que les premiers jours. Il y avait aussi un peu ma blessure qui me faisait mal. J'ai donné mon maximum tout le long de la montée. Je pensais que ça irait un peu plus vite quand même... Mais voilà, c'est fini.

Quel bilan pouvez-vous faire de votre première course à ce niveau?

Déjà, c'était magnifique de faire le Tour de Romandie. Je pense que ça va beaucoup me servir pour la suite. Malheureusement, notre point faible avec Swiss Cycling, c'est qu'on a encore peu de courses de ce niveau et aussi longues. C'est pour ça que, pour ma part en tout cas (mais je crois aussi un peu pour les autres), on a de la peine à récupérer de nos efforts. C'est vraiment la grosse différence avec les autres qui courent ici. Je pense à ça va beaucoup me servir aussi du point de vue physique. Quand j'aurais récupéré de ces charges, je me réjouis de voir ce que ça va donner.

«Mais avec tous les gens qui nous supportent, c'est quand même plus facile.»

Valère Thiébaud

Ce Tour, c'est donc un bon mélange de plaisir et de souffrance...

Exactement, il y a de tout. Il y a eu la peur avec la chute, de la joie extrême lors de l'échappée... Après, c'était un peu plus dur les autres jours. Et puis, comme Julian (ndlr: Cerviño, star de la presse neuchâteloise) l'a écrit hier dans le journal: la galère samedi. Mais avec tous les gens qui nous supportent, c'est quand même plus facile. Et puis non, j'ai vécu des jours nettement pire sur le vélo. Ça, c'était vraiment du plaisir.

Qu'est ce que vous retenez en particulier de cette aventure?

Ben, surtout être vraiment à l'intérieur du Tour de Romandie. Parce qu'on en tant que Romand, on le vit toujours de l'extérieur chaque année! Mais en tant que cycliste, qui n'a pas rêvé de le faire? C'est ça de pouvoir faire partie du truc. Et quelques fois dans le peloton, je me disais que ben voilà, «on y est»! Et puis ça n'est quand même pas une fin en soi. J'aurais quand même espéré être un petit peu plus performant, surtout sur la fin. Mais les objectifs étaient quand même remplis avec avec l'échappée, donc c'est cool.

Antoine Debons disait qu’il était très surpris par l'intensité.

Oui. On s'est fait un peu la réflexion. C'est un peu cru, mais il n'y a pas de nuls! C'est-à-dire que même quand ça monte très vite, il y a personne qui explose. A ce niveau, il y a moins de coureurs qui ont de mauvais jours. Et puis même quand ils ont un mauvais jour, ils arrivent quand même à suivre! Et moi, c'est ça qui m'impressionne... Parce que quand on court en France ou dans un niveau plus bas, on est très rarement le moins bon. Et là, samedi vers Zinal, ça a été mon cas. Bon, après, il y en a pas mal qui avaient abandonné et moi je voulais à tout prix finir. Mais c'est vrai que le niveau général est déjà hyper élevé. Et puis ceux qui sont tout devant, c'est quand même à un autre niveau, c'est clair.

A Zinal, in extremis dans les délais.

A Zinal, in extremis dans les délais.

DR

Qu'est-ce que cette expérience va vous faire changer?

Il n'y a pas de miracle. Je pense que c'est de la «caisse», c'est de courir à haut niveau. Après, il y a les gênes aussi, un peu, mais c'est de courir à haut niveau toutes les semaines, tous les mois qui permettent de progresser. De faire des courses comme ça, forcément, on prend de la caisse et puis on arrive à mieux encaisser les charges de travail.

Ça donne envie ou ça fait un peu peur?

Un peu les deux! C'est clair que ça donne envie. C'est des super belles courses. Il y a du travail, mais c'est avant tout de l'envie.

C'est quand même beau de finir?

Oui, même si on ne vient jamais sur une course pour se faire taper dessus. Non mais après, il y en a beaucoup qui ont abandonné. Je pense que j'ai montré ce que j'avais. Je voulais faire honneur à ma sélection et au maillot suisse et je pense que je me suis bien battu. C'est le principal. C'est une fierté d'avoir réussir à finir dans les délais à Zinal. Après, dernier ou pas... C'est un détail.

Et la suite?

Pour la suite, je vais déjà me reposer. Après, je verrai.

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