Afghanistan - A Kaboul, le départ des étrangers tourmente les marchands

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AfghanistanÀ Kaboul, le départ des étrangers tourmente les marchands

Si certains vendeurs estiment que «les affaires ne vont pas bien dans tout l’Afghanistan», d’autres veulent rester «optimistes».

Chicken street était très populaire dans les années 60 et 70.

Chicken street était très populaire dans les années 60 et 70.

AFP

Les marchands de tapis, d’antiquités et de souvenirs, installés Chicken street, à Kaboul, se lamentaient dimanche de l’absence de clients depuis le départ d’Afghanistan de la grande majorité des étrangers, presque tous évacués après le retour des talibans. Ce quartier autrefois en pleine effervescence, où employés des ONG et touristes audacieux déambulaient à la recherche d’un tapis, d’un bijou ou d’un souvenir typiques, est désormais vide, au grand dam des marchands.

«Les affaires ne sont plus du tout les mêmes depuis que nous n’avons plus beaucoup d’étrangers ici à Kaboul», regrette Abdul Wahab, marchand de tapis dont le magasin reste désespérément vide. «Cela a affecté nos ventes de tapis, de bijoux ou de tous les souvenirs venant des tribus afghanes», ajoute-t-il. La plupart de ses clients étaient des experts occidentaux, employés des ONG ou diplomates, dont la plupart ont été évacués fin août, deux semaines après le retour au pouvoir des talibans, dans la capitale afghane.

Les tapis les plus anciens peuvent atteindre des milliers de dollars, une somme que seuls des étrangers et les Afghans les plus riches peuvent débourser, soit la clientèle que vise précisément Abdul Wahad. Résultat, interrogé sur le nombre de tapis qu’il vend désormais chaque semaine, il répond: «Maintenant, c’est zéro».

Les tapis les plus anciens peuvent se vendre des milliers de dollars.

Les tapis les plus anciens peuvent se vendre des milliers de dollars.

AFP

Chicken street était très populaire dans les années 60 et 70 lorsque hippies et routards occidentaux s’y arrêtaient pour acheter des vêtements ou du haschich. Leur nombre a considérablement diminué après l’invasion soviétique en 1979, mais la rue a connu un certain regain après l’arrivée des Américains en 2001.

Et en dépit de la baisse significative de ses clients, Abdul Wahab affirme rester «très optimiste». Un autre marchand, Qadir Raouf, 64 ans, propriétaire d’un magasin de tapis, ne dit pas autre chose. «À l’avenir, quand il y aura la paix, nous pourrons faire des affaires», affirme-t-il. Pour le moment, «il n’y a pas d’étrangers, mais j’espère que la situation sera calme et que les gens reviendront, pour relancer les affaires», ajoute-t-il.

Originaire d’Herat dans l’ouest de l’Afghanistan, Raouf explique travailler depuis plus de 45 ans dans son magasin à Kaboul, où il vend des tapis neufs ou anciens en provenance de tout le pays. «Ce sont nos trésors nationaux», assure-t-il. «Nous les montrons au monde entier», pour une bonne raison: «Les Afghans savent faire des tapis», ajoute-t-il.

«Les affaires ne vont pas bien»

Haji Jalil, 65 ans, vend de la porcelaine, parfois vieille de plus de 300 ans, depuis près de 30 ans. «Les affaires n’ont pas été bonnes ces deux dernières années», regrette ce marchand, accusant l’épidémie de Covid-19. «La rue est totalement dépendante de la bonne marche de l’économie», explique-t-il à l’AFP. «Si la situation financière des gens est bonne, alors ils viennent acheter des objets décoratifs comme des tapis, de l’artisanat ou des pierres précieuses ou semi-précieuses», assure Haji Jalil.

Mais pour le moment, «les affaires ne vont pas bien dans tout l’Afghanistan», regrette-t-il, sans toutefois avoir la moindre intention de partir. «Je veux servir les habitants de mon pays. Nos affaires peuvent reprendre en dehors de l’Afghanistan et les étrangers revenir pour acheter nos produits», espère-t-il.

Les affaires ne vont pas bien dans tout l’Afghanistan.

Haji Jalil, vendeur de porcelaine

Un peu plus bas sur Chicken street, des hommes vendent du jus de grenade frais, des bananes ou des pastèques, observés par un groupe de talibans en armes.

Pour Haji Niyaz, les affaires semblent bonnes pour sa boulangerie, à cette heure du déjeuner, même s’il reconnaît que son commerce est lui aussi menacé. «L’économie ne va pas bien et les prix du gaz et de la farine ont augmenté», explique ce boulanger, âgé d’une quarantaine d’années. «On mettait au four jusqu’à 4000 tranches de pain chaque jour, mais maintenant c’est à peine 2000. Je ne pense pas qu’on pourra continuer comme ça», regrette Haji Niyaz. «Si la situation reste comme elle est pendant encore dix jours, alors tout sera fini en Afghanistan», assure-t-il.

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