Barrage détruit en Ukraine«Vous ne pouvez survivre qu’en vous mettant sur le toit»
Après la destruction du barrage de Kakhovka, la ville de Kherson s’est retrouvée sous les eaux. Les secouristes évacuent les civils qui ont dû se réfugier en hauteur, avec leurs animaux et leurs maigres biens.
À la recherche de civils pris au piège des inondations après la destruction du barrage de Kakhovka, les secours ukrainiens s’aventurent sur leurs pneumatiques jusqu’à la rive gauche du fleuve Dniepr, en territoire occupé par Moscou et malgré les bombardements alentour.
«On continue de sauver les gens. Et cela inclut les personnes qui se trouvent en zone occupée», explique simplement, à l’AFP, Serguiï Sergueïev. «Nous savons qu’il y a des soldats russes perchés sur des toits, et personne ne vient les sauver», avance-t-il, sans apporter toutefois de preuve. «Mais la priorité, ce sont nos gens.»
Le fleuve Dniepr fait office, depuis plusieurs mois, de ligne de front naturelle entre les forces ukrainiennes, situées sur sa rive droite, et les troupes de Moscou, en face, qui occupent une partie de la région de Kherson.
Milliers de civils évacués à la hâte
Reprise aux mains des Russes à l’issue d’une contre-offensive réussie en novembre dernier, la ville de Kherson, située le long du fleuve, reste la cible de bombardements russes réguliers depuis l’autre rive. Au milieu: un nombre important de bouts de terre, des îles plus ou moins grandes, qui constituent une zone grise de cette ligne de front bien différente de celle faite de tranchées et de défenses fixes autour de Bakhmout, dans le Donbass.
La situation s’est compliquée depuis mardi et la destruction, à 70 km en amont, du barrage de Kakhovka. Kiev et Moscou se rejettent la responsabilité de l’attaque, mais les conséquences sont déjà dévastatrices pour les zones environnantes: de nombreux villages ont été inondés, des milliers de civils évacués à la hâte et les autorités craignent également une catastrophe écologique.
Selon Serguiï Sergueïev, «les évacuations à Kherson prennent du temps compte tenu des tirs», qui continuent malgré la situation.
Plus de cinq mètres d’eau
Dans la ville, l’eau a atteint un niveau de 5,6 mètres, selon les estimations des autorités, et plus de 600 km2 ont été inondés, soit la superficie de la ville de Madrid. Six personnes ont trouvé la mort dans ces inondations à ce stade, selon les autorités ukrainiennes et celles d’occupation russe, et un nombre inconnu de personnes ont fui la montée des eaux par leurs propres moyens, souvent avec très peu d’affaires sous le bras.
«L’eau va jusqu’au deuxième étage des bâtiments, vous ne pouvez survivre qu’en vous mettant sur le toit», témoigne une employée de l’agence météorologique locale, Laura Moussiïane, qui, de l’eau jusqu’à la taille, estime toutefois que sa montée semble avoir ralenti. «Si cette tendance se poursuit, ce sera une bonne nouvelle pour les habitants.»
À un point d’évacuation, les conversations s’animent pour essayer de savoir quand l’eau va arrêter de monter et de menacer les habitants de la ville. Selon des responsables locaux, il faudra encore attendre au moins trois jours avant que cela ne se produise, une période pendant laquelle l’eau pourra encore causer d’importants dégâts matériels.
«Comment pouvons-nous continuer à vivre?»
En attendant que l’eau baisse, certains habitants espèrent apercevoir leur animal de compagnie dans les bras des sauveteurs qui font des allers-retours sur leurs petits bateaux pneumatiques. «Ma chatte se trouve dans mon appartement depuis trois jours, sans nourriture. Elle doit être en train de mourir de faim», se lamente Elena, une femme de 59 ans en larmes.
Une autre habitante, Tatiana Olmechenko, 65 ans, dit avoir dû s’extirper par une fenêtre brisée pour rejoindre le bateau des secours, après deux jours d’attente. À terre, elle demande aux bénévoles de vérifier sa pression artérielle et de donner à manger à son chat, Klioucha. «Mon appartement à Kherson a été détruit l’année dernière par un bombardement», raconte-t-elle. «J’ai déménagé dans un nouvel appartement, et là, il est inondé, déplore-t-elle. Comment pouvons-nous continuer à vivre?»