ÉgypteEt si Néfertiti était bien enterrée avec Toutânkhamon?
L’égyptologue Nicholas Reeves a découvert des hiéroglyphes cachés qui laissent penser que le tombeau de la reine est dissimulé à côté de celui du jeune pharaon.
- par
- Michel Pralong
En 2015, l’égyptologue britannique avançait une hypothèse extraordinaire: le tombeau de la reine Néfertiti, jamais découvert, serait en fait caché dans une chambre secrète de la tombe de Toutânkhamon. Il s’était basé sur des lignes sur les murs, révélées par un scanner, qui seraient en fait les contours d’une possible porte menant à une autre pièce.
Mais 3 ans plus tard, suite à des analyses géophysiques, le ministère égyptien des antiquités déclarait qu’il n’y avait pas de vide derrière les murs du tombeau de Toutânkhamon et donc pas de tombe de Néfertiti. Sauf que Nicholas Reeves n’est pas homme à abandonner et, celui qui est l’ancien conservateur du département des antiquités égyptiennes du British Museum, revient aujourd’hui avec de nouveaux éléments accréditant sa thèse, qu’il présentera en détail dans une édition mise à jour de son célèbre livre paru il y a 30 ans, «The Complete Toutânkhamon», qui sera publié par Thames & Hudson le 28 octobre.
Changement de noms
Il a toutefois déjà expliqué une partie de sa nouvelle théorie au «Guardian». Il a découvert que le cartouche indiquant que les personnages représentés sur les murs étaient Toutânkhamon, enterré par son successeur Aÿ avait été peint sur un précédent cartouche. «Une inspection minutieuse des cartouches d’Aÿ révèle des traces claires et sous-jacentes d’un nom antérieur: celui de Toutânkhamon. Dans sa version originale, cette scène montrait Toutânkhamon exécutant le rituel funéraire pour le propriétaire d’origine de la tombe, son prédécesseur immédiat… Néfertiti».
La peinture en question est celle de droite sur le mur nord du tombeau. On y voit un personnage tenant l’herminette, sorte d’outil biscornu servant à ouvrir la bouche de la momie. Le texte indique que la momie est Toutânkhamon et le personnage avec l’outil Aÿ. Mais selon Reeves, un précédent texte indiquait donc que la momie était Néfertiti et le personnage Toutânkhamon.
Reeves s’était déjà étonné à l’époque de la représentation des personnages et il réitère ses dires: «Cette conclusion trouve une confirmation absolue dans les profils faciaux des personnages: le nez retroussé et le double menton potelé du personnage actuellement décrit comme Aÿ, c’est précisément le contour facial standardisé adopté pour les représentations officielles de Toutânkhamon au tout début de sa royauté. Le visage de la momie porte les traits incontestables de Néfertiti. De toute évidence, la scène avait d’abord été peinte pour montrer Toutânkhamon officiant à l’enterrement de son prédécesseur». Et si c’est bien cela, elle n’aurait rien eu à faire dans le tombeau de Toutânkhamon: dans une tombe, on montre le pharaon qui y est enterré avec son successeur. Les noms auraient donc juste été changés dans l’urgence.
Inhumation dans la hâte
Cela conforterait la thèse que Toutânkhamon, étant mort subitement à l’âge de 19 ans, a dû être enterré à la hâte et qu’il n’y avait donc pas de tombeau pour lui. On l’aurait alors placé dans l’entrée du tombeau, bien plus grand, de celle qui l’a précédé, Néfertiti et on aurait muré ce dernier. «Nous avons toujours été intrigués par la tombe de Toutânkhamon à cause de sa forme étrange. C’est très petit, et pas ce que nous attendons d’un roi» a expliqué Nicholas Reeves.
Mais que faire des analyses qui disent qu’il n’y a rien derrière les murs du tombeau? «Alors que les relevés radar qui filtrent le «bruit» superflu ont déclaré qu’ils ne voient rien, d’autres, traitant les données de manière plus poussée, perçoivent la moitié est du mur nord comme une construction plutôt que de la roche». Il pourrait donc s’agir d’un mur bloquant l’entrée de la tombe de Néfertiti. «S’il y a une structure, cela signifie que quelqu’un l’a construite, et vous ne construisez pas des choses dans la vallée des Rois sans raison», appuie George Ballard, l’un des principaux spécialistes des enquêtes radar et géophysiques.
Reste maintenant à savoir si l’Égypte est prête à entreprendre de nouvelles analyses, car pas question de démolir un mur du tombeau de Toutânkhamon sans être certain de trouver quelque chose derrière.