EspaceLa crise des lanceurs spatiaux européens se poursuit
La fusée italienne Vega-C, victime d’une anomalie de son moteur, ne revolera pas avant fin 2024.
La fusée italienne Vega-C, clouée au sol depuis l’échec de son premier vol commercial en décembre, ne revolera pas avant le quatrième trimestre 2024, a annoncé lundi l’Agence spatiale européenne (ESA). Une commission d’enquête indépendante a recommandé de revoir le design de la tuyère du moteur Zefiro 40 qui propulse le deuxième étage du lanceur léger, et de procéder à deux mises à feu au sol pour s’assurer de sa viabilité, a-t-elle indiqué, dans un communiqué. L’échec du premier tir commercial de Vega-C était dû à la défaillance d’une pièce du col de tuyère, un insert en composite de carbone sous-traité à l’ukrainien Youjnoye, avait établi une commission d’enquête en mars. Décision avait été prise de la remplacer par un insert fourni par Arianegroup.
Mais en juin, lors d’un essai de mise à feu statique, «la tuyère du moteur avait subi des dommages importants», note l’ESA, pour qui l’anomalie ne semblait pas due au nouvel insert en composite de carbone («carbone-carbone»). Dans ses conclusions dévoilées lundi, la commission d’enquête indépendante affirme que «dans la conception actuelle de la tuyère, la combinaison de la géométrie de l’insert du col et des différentes propriétés thermomécaniques du nouveau matériau, ont provoqué un endommagement progressif d’autres pièces adjacentes de la tuyère et une dégradation progressive conduisant finalement à sa défaillance».
«Nous devons modifier le design» de la tuyère du Zefiro 40, a résumé Giulio Ranzo, le patron d’Avio, constructeur de la fusée, lors d’une conférence de presse. Avio doit également établir des modèles numériques pour prévoir son comportement et conduire «deux essais statiques de mise à feu pour vérifier les performances, afin d’assurer un retour en vol fiable», selon la commission d’enquête. Le surcoût lié à la remise en vol de Vega-C devrait s’élever entre 25 et 30 millions d’euros (entre environ 24 et 29 millions de francs), compris dans le financement de l’ESA voté l’an passé par les États membres, selon le directeur du Transport spatial de l’Agence, Toni Tolker-Nielsen.
Pénurie de lanceurs
L’accès autonome de l’Europe à l’espace, essentiel pour pouvoir y déployer des satellites, est donc encore compromis pour les prochains mois. L’ESA ne peut plus lancer depuis février 2022 la fusée russe Soyouz depuis Kourou, en Guyane en raison de la guerre en Ukraine, Ariane 5 a fini sa carrière en juillet et le premier vol de sa successeure Ariane 6 est désormais prévu en 2024, les essais ayant pris du retard. Les Européens n’ont plus à tirer que deux fusées Vega, une version antérieure à Vega-C qui n’est pas affectée par le problème du Zefiro 40: un lancement sera effectué cette semaine et le dernier au deuxième trimestre 2024.
«L’Europe est aujourd’hui dans une situation difficile avec ses lanceurs», a reconnu le directeur général de l’ESA, Joseph Aschbacher, rappelant que «l’accès indépendant à l’espace est une priorité absolue pour l’Europe». Sur les six premiers mois de l’année, Arianespace a lancé pour le compte de l’ESA une unique fusée Ariane 5 (la dernière l’a été début juillet) quand l’américain SpaceX effectuait 43 lancements de sa Falcon 9 – soit près de deux par semaine – et la CASC chinoise 18.
L’indisponibilité de Vega-C, conçue pour déployer des satellites en orbite basse, complique notamment les plans de la Commission européenne pour déployer les prochains satellites de la constellation Copernicus d’observation de la Terre. L’un d’eux, Sentinel-1C, est particulièrement attendu pour remplacer Sentinel-1B, victime d’une défaillance en décembre 2021.