Emeutes de Sainte-Soline: Une «volonté délibérée de ne pas porter secours au plus vite»

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Émeutes de Sainte-SolineUne «volonté délibérée de ne pas porter secours au plus vite»

Un rapport publié lundi par la Ligue des droits de l’Homme pointe la responsabilité de l’État français lors de la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline contre les méga-bassines.

Le 25 mars dernier, la manifestation contre les réservoirs d’eau de Sainte-Soline  (Deux-Sèvres) avait dégénéré en un affrontement entre militants et forces de l’ordre.

Le 25 mars dernier, la manifestation contre les réservoirs d’eau de Sainte-Soline  (Deux-Sèvres) avait dégénéré en un affrontement entre militants et forces de l’ordre.

AFP

«Sainte-Soline est très emblématique de la période que nous vivons en matière d’atteinte aux libertés et de répression des mobilisations sociales», a déclaré lundi en conférence de presse le président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Patrick Baudouin. «La volonté politique était claire: la manifestation de Sainte-Soline ne devait pas avoir lieu» et toute personne qui bravait l’interdiction préfectorale «s’exposait à des risques pour son intégrité tant physique que morale», soulignent dans leur rapport plusieurs observatoires des libertés publiques et des pratiques policières.

Le compte-rendu de 150 pages s’appuie sur le travail de terrain des observateurs présents lors de la mobilisation, qui avait donné lieu à de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. «La priorité donnée à des enjeux de maintien de l’ordre sur toute autre considération a révélé son absurdité lors des entraves aux secours», étrillent les auteurs.

«La responsabilité des pouvoirs publics et notamment de l’État, est manifestement engagée du fait de l’absence d’anticipation, puis de la volonté délibérée de ne pas porter secours au plus vite, cela en plus des responsabilités pénales liées aux conséquences d’une possible non-assistance à personne en danger», ajoutent-ils.

Une grenade tirée par seconde

La manifestation avait rassemblé de 6000 à 8000 personnes selon les autorités, 30’000 d’après les organisateurs. Ces derniers ont fait état de 200 blessés, dont 40 graves, côté manifestants.  D’après les chiffres officiels, 5015 grenades lacrymogènes ont été tirées, soit environ une par seconde. La gendarmerie a eu recours aussi à 89 grenades de désencerclement de type GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR et 81 tirs de LBD.

Dans deux rapports, préfecture et gendarmerie défendent une riposte ciblée et proportionnée face à 800 à 1000 manifestants «radicaux». Les observateurs dénoncent au contraire les «nombreuses blessures causées par l’usage disproportionné et à plusieurs reprises non nécessaire des armes» par les forces de l’ordre.  Parmi eux, deux manifestants grièvement blessés, Serge D. et Mickaël B., lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, ont passé plusieurs semaines dans le coma.

«Réécriture alarmante»

Le délai de prise en charge de Serge D. à Sainte-Soline est dénoncé par les organisateurs et des observateurs pour qui les autorités ont entravé l’intervention des secours. «Ces derniers se sont rendus auprès du blessé et n’ont pu confirmer le diagnostic que 46 minutes après le premier appel au secours», souligne le rapport. Les autorités justifient le délai d’intervention des secours par la nécessité, pour les gendarmes, d’assurer leur sécurité.

Par ailleurs, les auteurs du rapport affirment que la zone a été le théâtre d’un «déploiement massif de moyens de surveillance, comprenant des mesures de renseignements prises à l’encontre de personnalités du mouvement opposées aux méga-bassines et de certains élus». Ils déplorent aussi la communication officielle sur le déroulé de la manifestation, alimentée par une «rhétorique guerrière et fallacieuse, alimentée par le ministère de l’Intérieur».

Ou encore les «déclarations hâtives» de Gérald Darmanin qui ont contribué «à la divulgation de fausses informations» et constitue une «réécriture alarmante des événements». M. Darmanin avait déclaré en conférence de presse le 27 mars – deux jours après la manifestation – qu’aucune arme de guerre n’avait été utilisée et que les gendarmes n’avaient pas lancé de LBD en quad.

«Nos équipes d’observation ont constaté l’usage de GM2L, GENL, ASSD, lanceur Cougar et de LBD, autant d’équipements classés comme armes de guerre», précise le rapport. «Partout en France, (...) on assiste à un nombre croissant d’arrêtés d’interdiction de manifestation, à une répression tant policière que judiciaire des manifestants et à de nombreux cas de blessés en manifestation», déplore le document.

(AFP)

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