«Qatargate»L’immunité de deux élus levée par le Parlement européen pour corruption
Dans le scandale de corruption présumée au profit du Qatar et du Maroc, deux eurodéputés n’ont plus d’immunité. Un des deux a voté pour une telle mesure, pour pouvoir se défendre.
Le Parlement européen a levé, jeudi, l’immunité de deux eurodéputés visés par la justice belge dans le scandale de corruption présumée au profit du Qatar et du Maroc, le «Qatargate», ouvrant la voie à leur audition par les enquêteurs. Votant à main levée, les eurodéputés réunis à Bruxelles ont donné leur feu vert à la levée d’immunité du Belge Marc Tarabella et de l’Italien Andrea Cozzolino.
Les deux élus, temporairement exclus du groupe des Socialistes&démocrates (S&D), nient toute malversation. Mais Marc Tarabella, présent dans l’hémicycle, a voté pour la levée de sa propre immunité. «C’est à la justice que je livrerai les informations sur les questions que les enquêteurs voudront me poser. Je souhaite que la justice fasse son travail», a déclaré l’eurodéputé belge à sa sortie, niant par ailleurs avoir reçu «argent ou cadeaux en échange» de ses opinions politiques.
Désormais, «tout sera possible, cela ne veut pas forcément dire qu’il y aura des mesures coercitives, mais la justice se donne tous les moyens de pouvoir travailler comme pour n’importe quel justiciable», a expliqué Éric Van Duyse, porte-parole du Parquet fédéral belge.
Des appuis en échange d’argent liquide?
Selon le rapport parlementaire sur la levée de l’immunité de Marc Tarabella, rédigé par l’eurodéputée française Manon Aubry (LFI), «il ressortirait de l’enquête en cours que ce dernier, au cours des deux dernières années, est soupçonné d’avoir appuyé certaines positions au sein du Parlement européen en faveur d’un État tiers, en échange de récompenses en argent liquide».
Le rapport fait état du témoignage à son encontre de l’Italien Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste devenu dirigeant d’ONG, qui fait figure de personnage central dans cette affaire. Il a affirmé, en décembre, avoir versé «entre 120’000 et 140’000 euros», en plusieurs fois, à Marc Tarabella pour son aide dans les dossiers liés au Qatar.
Pier Antonio Panzeri, inculpé et placé en détention provisoire comme trois autres suspects, a conclu, en janvier, un accord avec la justice, s’engageant à livrer des informations sur le système de corruption auquel il admet avoir participé, en échange d’une peine de prison limitée à un an.
Faire barrage à des textes nuisant aux intérêts d’un État
Selon le rapport parlementaire concernant Andrea Cozzolino, qui était jusqu’en janvier président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Maghreb, ce dernier «est soupçonné d’avoir participé à un accord avec d’autres personnes, qui prévoyait une collaboration afin de protéger les intérêts d’États étrangers au Parlement européen». Et ce, «notamment en empêchant l’adoption de résolutions parlementaires qui pourraient nuire aux intérêts de ces États, en échange de sommes d’argent».
Le scandale, qui a provoqué une onde de choc au Parlement européen, a conduit la présidente de l’institution, la Maltaise Roberta Metsola (PPE, droite), à annoncer des réformes. Mais pour Manon Aubry, rapporteuse sur les demandes de levée d’immunité des deux élus et coprésidente du groupe GUE-NGL (gauche radicale) au Parlement, «le compte n’y est pas». «La justice avance, c’est une bonne chose. Maintenant, charge au politique de faire son travail, et de ce point de vue-là, c’est au point mort.»
Accusés d’«appartenance à une organisation criminelle»
Dans cette rocambolesque affaire, les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d’euros en liquide, saisis aux domiciles de Pier Antonio Panzeri et de l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, ainsi que dans une valise transportée par le père de celle-ci. Comme Pier Antonio Panzeri, Eva Kaili est écrouée, de même que son compagnon, l’Italien Francesco Giorgi, assistant parlementaire, et un autre Italien, Niccolo Figa-Talamanca, responsable d’ONG. Ils sont inculpés d’«appartenance à une organisation criminelle», «blanchiment d’argent» et «corruption». Eva Kaili a par ailleurs été déchue, à la mi-décembre, de ses fonctions de vice-présidente du Parlement.