FootballCette équipe de Suisse manque de contrôle
Le 2-2 concédé au Kosovo samedi n’est pas une affaire de malchance ou de négligence. Le mal semble cette fois plus profond.
- par
- Valentin Schnorhk Pristina
Tout compte fait, ce Kosovo-Suisse n’avait rien d’un piège. Tout juste il pouvait être particulier pour Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri. Mais de là à justifier l’injustifiable, non. D’ailleurs, aucun des deux principaux acteurs de l’avant et de l’après-match n’a lié l’aspect émotionnel au résultat que la Suisse a concédé sur la pelouse de Pristina.
Ce 2-2 subi dans les dernières minutes pourrait furieusement rappeler celui du match contre la Roumanie à Lucerne en juin. Sauf que là, c’est plus qu’un oubli coupable. C’est un mauvais match, un vrai. Qui pose assurément d’autres questions. Notamment sur la capacité qu’a l’équipe nationale à faire preuve de maîtrise dans le jeu.
Les trois enseignements
Personne n’y croyait, mais elle est en train de le faire: l’équipe de Suisse trouve le moyen de ne pas survoler un groupe de qualification qui est le plus abordable qui soit. Elle peut évidemment encore dormir sur ses deux oreilles, parce que ses principaux concurrents se tirent dans les pattes, mais cela ne rend pas le parcours plus glorieux.
Il ne faut y voir qu’une malheureuse coïncidence. La Suisse a à nouveau perdu deux points en toute fin de match, mais l’équipe nationale a surtout fait montre de son incapacité à gérer et à contrôler un match qu’elle doit dominer. Elle ne se serait jamais retrouvée dans pareille situation si elle avait été capable d’imposer le rythme qu’on est en droit de lui demander.
Parce qu’on s’est habitué à ne jamais négliger ses déclarations, les mots de Granit Xhaka après la rencontre traduisent un certain malaise: en pointant la qualité des entraînements durant la semaine, le capitaine de l’équipe de Suisse dit d’une certaine manière qu’il n’est pas satisfait de l’impact de son sélectionneur. Les désaccords qui ont souvent opposé les deux hommes forts de la sélection sont à nouveau exposés au grand jour.
Le meilleur Suisse: Remo Freuler
Remo Freuler manquait de rythme. Depuis le printemps dernier, les seuls matches officiels qu’il a disputés étaient ceux avec l’équipe de Suisse en juin dernier. Avec Nottingham Forest, il était cantonné au banc, et il l’a à nouveau été en début de saison. D’où son départ à Bologne en fin de mercato. Ce déficit de compétition n’a pas sauté aux yeux samedi.
Au contraire, le milieu de 31 ans a bénéficié d’une liberté qu’il n’a que rarement eu en équipe nationale. S’il est impliqué directement sur les deux buts de la Suisse, le second ayant finalement été jugé comme étant un autogoal de Rrahmani après la frappe du Zurichois, ce n’est pas tout à fait un hasard. Parce que dans le triangle médian du 4-3-3 Suisse, Freuler a laissé le duo Zakaria-Xhaka donner de l’équilibre, pendant qu’il se baladait et se projetait beaucoup dans le demi-espace côté droit. Une activité qui lui a permis d’être décisif.
Le moins bon Suisse: Fabian Schär
Titularisé dans l’axe droit de la défense suisse à la place d’un Nico Elvedi sans temps de jeu depuis le début de la saison, Fabian Schär n’a pas rassuré. Certes, le défenseur de Newcastle est toujours très habile lorsqu’il faut faire basculer le jeu d’une longue passe diagonale. Mais son comportement défensif a laissé à désirer.
Un peu comme son acolyte Manuel Akanji, il a souvent laissé partir les attaquants kosovars dans son dos. Sauf que le Saint-Gallois n’est pas tout blanc sur les deux buts de Vedat Muriqi. Sur le premier, c’est lui qui laisse partir l’attaquant kosovar, au point d’être bien loin au moment de sa tête pour le 1-1. Et puis, sur le 2-2, il est au départ de l’action au marquage, avant de le négliger et d’en être totalement déconnecté au moment de la frappe.
Schär n’avait plus commencé un match de l’équipe de Suisse depuis celui contre le Portugal en 8es de finale de la Coupe du monde. Difficile pour lui de repasser devant Elvedi dans la hiérarchie.
La décla’
Le fait tactique
À la rigueur, si l’équipe nationale avait été prise par surprise, on aurait encore pu le nuancer. Sauf qu’après le match, Xherdan Shaqiri a concédé que les Suisses avaient vu «à l’analyse que le Kosovo ne pouvait être dangereux que sur des contre-attaques, et c’est ainsi qu’ils ont marqué».
Évidemment, ce n’est pas fondamentalement surprenant. Dans ce groupe de qualification, la Suisse a surtout vocation à dominer les matches, du moins sur le plan de la possession. Dans son 4-4-2 replié, le Kosovo a essentiellement laissé faire. La formation de Murat Yakin a eu le ballon les deux tiers du temps.
La question qui se pose à deux versants: comment l’utilise-t-elle? Il faut y comprendre deux aspects. D’abord, il y a la question de l’utilisation du ballon. Ce sont notamment les côtés qu’il faut voir à l’œuvre, d’autant plus vu la manière dont Zeki Amdouni était encerclé dans le cœur du jeu. Le côté gauche a terriblement manqué d’impact, notamment parce que Granit Xhaka n’avait pas pour objectif de venir y créer un surnombre ou de s’y projeter.
Au contraire de Remo Freuler, beaucoup plus offensif. «Cela dépend surtout de l’adversaire, estime-t-il. Il y avait plus d’espace à droite pour se projeter et amener le surnombre.» Il en a bien profité, mais cela a semblé le seul moyen de parfois déstabiliser le plan kosovar. Notamment, parce que le rythme mis avec le ballon a été proche du néant.
Ce n’est peut-être pas le pire. Vient là la deuxième partie: quel contrôle avait véritablement la Suisse dans ce match? Elle avait certes le ballon, elle devait même avoir de la stabilité dans l’axe avec Xhaka qui était proche de Zakaria, mais elle a subi passablement de contre-attaques. La raison? Cela tient déjà dans le pressing à la perte, trop souvent négligé dans le premier cercle. Mais il convient d’y ajouter un autre aspect: le déséquilibre avec le ballon, notamment dans la zone où celui-ci est joué.
Autrement dit, samedi, la plupart des pertes de balle offraient l’opportunité au Kosovo d’enchaîner une, deux ou trois passes avant d’être directement mis sous pression. Quand la structure n’est pas là, tout est plus complexe. Pour attaquer, et pour défendre.
La statistique
7%, soit la probabilité moyenne qu’une frappe suisse se termine en but samedi à Pristina, selon le modèle des Expected Goals. Ce que cela veut dire? Sur les 12 frappes tentées par la Suisse, la qualité moyenne de chaque occasion était beaucoup trop faible. Soit qu’elle a totalement pêché dans son animation offensive, malgré les deux buts qu’elle a inscrit. Le Kosovo, à l’inverse, avait le double de chance de marquer à chacune de ses 11 tentatives.
Une question pour penser l’avenir
Murat Yakin est-il vraiment l’entraîneur qu’il faut pour diriger une équipe qui doit par essence être régulièrement dominatrice?