Polynésie françaiseVictoire électorale des indépendantistes
En Polynésie française, le parti Tavini huiraatira a remporté dimanche les élections territoriales, faisant vaciller les autonomistes et ouvrant la voie à un référendum d’autodétermination.

Le leader indépendantiste Oscar Temaru célèbre la victoire du parti indépendantiste Tavini huiraatira, à Tahiti, le 30 avril 2023.
AFPLes indépendantistes ont remporté dimanche les élections territoriales en Polynésie française, une victoire qui leur garantit les rênes de la collectivité du Pacifique Sud pendant cinq ans et ouvre la voie à un éventuel référendum d’autodétermination.
En position de force
La liste indépendantiste dirigée par l’ancien président de Polynésie française, Oscar Temaru, obtient 44,2% des voix contre 38,5% pour la liste du président sortant Edouard Fritch, selon les résultats provisoires publiés par le Haut-commissariat.
Cela donne aux indépendantistes la majorité absolue à l’Assemblée territoriale, avec 38 des 57 sièges, et les placent en position de force pour négocier un processus de décolonisation et un référendum d’autodétermination de ce territoire, grand comme l’Europe et qui regroupe cinq archipels à 17’000 km de Paris.
La troisième liste en présence, celle de l’ancien vice-président autonomiste Nuihau Laurey, a raflé 17,1% des voix, selon le Haut-commissariat.
Covid et inflation
Le parti Tavini huiraatira d’Oscar Temaru, 78 ans, doit présenter le 10 mai le député modéré Moetai Brotherson, 51 ans, à la présidence du futur gouvernement. Le parti a bénéficié d’une grande partie des reports de voix des partis éliminés au premier tour le 16 avril. Nettement battu, Edouard Fritch, 71 ans, fait d’abord les frais de la mauvaise communication de son gouvernement pendant la pandémie de Covid.
Malgré un bilan économique plutôt positif, la forte inflation subie par la Polynésie en 2022 (8,5%) lui a aussi été imputée par une partie de l’opinion, car il a instauré une nouvelle TVA pour préserver la Sécurité sociale locale.
M. Brotherson a fait campagne sur la suppression de cette taxe et plus généralement sur le pouvoir d’achat. «Nous n’allons pas être indépendants demain ni la semaine prochaine», a-t-il assuré après sa victoire sur la chaîne de télévision TNTV. «Je n’ai aucun problème à travailler avec l’Etat et ça ne va pas changer demain».
«Les Polynésiens ont voté pour le changement. Le Gouvernement prend acte de ce choix démocratique», a réagi sur Twitter le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin. «Nous travaillerons avec la majorité nouvellement élue avec engagement et rigueur, pour continuer d’améliorer le quotidien de nos concitoyens polynésiens». La France a toujours refusé d’organiser un référendum d’autodétermination dans cette collectivité.
Une solide majorité pour la première fois
C’est la première fois que les indépendantistes disposent d’une majorité solide en Polynésie. Renversés au gré des alliances et des ruptures entre 2004 et 2013, ils n’ont jamais conservé le pouvoir pendant un mandat complet. Depuis l’autonomie interne de 1984, les autonomistes ont exercé le pouvoir de manière quasi-continue en dehors de ces neuf années d’instabilité.
«Nous ressentons une déception car les Polynésiens sont majoritairement autonomistes alors que l’image de la future assemblée sera indépendantiste. Nous l’acceptons», a réagi devant la presse M. Fritch après sa défaite. «Notre pays est autonome et nous nous battrons pour qu’il reste ainsi au sein de la République».
Depuis Paris, la gauche a salué la victoire du camp indépendantiste. Jean-Luc Mélenchon (LFI) s’est réjoui qu’une «nouvelle époque commence». La Polynésie «avait besoin d’une alternative de gauche pour lutter contre la pauvreté et les inégalités», a souligné Olivier Faure (PS).
Les indépendantistes avaient déjà remporté les trois sièges de députés de la Polynésie aux législatives de juin 2022, infligeant aux autonomistes leur plus sévère défaite dans ce scrutin. Instauré en 2013 pour mettre fin à l’instabilité politique qui régnait depuis 2004, le mode de scrutin accorde une forte prime à la liste arrivée en tête qui lui assure les trois quarts des sièges.