Commentaire – Les Prix Nobel ont raté le coche

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CommentaireLes Prix Nobel ont raté le coche

En ne récompensant pas les vaccins contre le coronavirus, le comité a manqué une splendide occasion de montrer son soutien à ceux qui luttent contre la pandémie.

Michel Pralong
par
Michel Pralong
Les Prix Nobel récompensent des découvertes qui ont bénéficié à l’humanité et rien ne l’a autant fait cette année que les vaccins.

Les Prix Nobel récompensent des découvertes qui ont bénéficié à l’humanité et rien ne l’a autant fait cette année que les vaccins.

Nobel Media/Alexander Mahmoud.

On l’attendait lundi, lors de l’annonce du Prix Nobel de médecine. Raté! Il restait toutefois un espoir que le comité récompense les vaccins à ARNm ce mercredi, dans le cadre du Prix Nobel de chimie: encore raté! Et c’est très, très regrettable. Car s’il y a bien une découverte qui correspond aux critères définis par Alfred Nobel, c’était celle-ci,

Lorsque l’inventeur de la dynamite légua sa fortune pour créer ces prix, il souhaitait ainsi «récompenser chaque année des personnes qui auront rendu de grands services à l’humanité, permettant une amélioration ou un progrès considérable dans le domaine des savoirs». Une découverte qui a soit permis d’ouvrir des portes et d’aborder un problème sous un nouvel angle, soit qui change carrément notre vision du problème.

Une recherche scientifique sans précédent

Jamais auparavant l’humanité n’avait dû affronter une pandémie qui s’est répandue aussi rapidement sur toute la planète. Mais jamais non plus les efforts scientifiques conjoints n’avaient permis de trouver une parade aussi rapide et efficace que l’ont été les vaccins et notamment ceux à ARN messagers. Alors certes, on peut regretter qu’il faille que toute l’humanité soit menacée, pays riches compris, pour que les nations débloquent des moyens colossaux pour trouver une solution. On aurait rêvé qu’elles le fassent aussi rapidement pour Ebola ou le sida, mais au moins cette fois, elles l’ont fait.

Alors oui, il fallait saluer cet événement exceptionnel, en récompensant par exemple la Hongroise Katalin Kariko et l’Américain Drew Weissman, pionniers des vaccins à ARN messager. Ou toute autre recherche qui a permis la création de ces vaccins. Cela aurait en outre été un message clair de soutien à la communauté scientifique, rarement aussi attaquée et mise en doute que durant cette pandémie.

Jamais pressés

Hélas, on pouvait s’attendre à un tel «oubli». Déjà (et surtout) parce que, depuis la remise du premier Prix Nobel il y a 120 ans, jamais le comité n’a récompensé une découverte de l’année précédente. Un signe de prudence, sans doute, pour être bien sûr que la découverte soit valable. Mais cette attitude a déjà suscité ce dessin d’humour, où l’on voit le comité des Nobel utiliser le vocabulaire des antivax: «On manque de recul».

L’institution fait d’ailleurs nettement moins preuve de recul lorsqu’il s’agit d’attribuer le prix de la paix, quitte à ensuite s’apercevoir qu’on a récompensé un fauteur de troubles, voire un faiseur de guerre. Certes, le sujet est bien plus subjectif mais justement, la science étant basée sur des faits, le doute devrait moins être de mise lorsqu’il s’agit de la récompenser. Tout ceci montre peut-être que l’institution Nobel a un train de retard. On aura au moins pu se réjouir cette année qu’elle récompense des travaux liés au réchauffement climatique, mais encore une fois, pourquoi si tard? Dans un pays qui a donné naissance à Greta Thunberg, ce manque de vision est un peu inquiétant. Il ne faut certes pas céder aux cris de la rue, mais que les Nobel n’aient toujours pas créé un prix récompensant l’écologie démontre qu’il règne une certaine frilosité du côté de Stockholm.

Allez, les vaccins, ce sera peut-être pour l’an prochain. À moins que les firmes pharmaceutiques ne soient récompensées vendredi avec le Nobel de la paix… ce qui semble improbable et serait surtout maladroit.

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