Guerre en UkraineLe marché des céréales nerveux après les frappes sur le Danube
Mercredi matin, des drones russes ont attaqué des ports ukrainiens vitaux pour l’exportation des céréales. Mais pour l’instant, les prix ne rebondissent pas.
Les attaques de drones russes sur les sites portuaires ukrainiens du Danube, qui ont endommagé des dizaines de milliers de tonnes de grains mercredi matin, ont accru la nervosité sur le marché des céréales, sans toutefois entraîner de hausse des cours dans leur sillage.
«Les Russes ont frappé des entrepôts et des silos à grains, endommageant près de 40’000 tonnes de céréales attendues par les pays africains, la Chine et Israël», a affirmé Oleksandr Koubrakov, ministre ukrainien des Infrastructures.
Selon l’armée, c’est le port d’Izmaïl, près de la frontière roumaine, qui a été visé à l’aube. «La question est désormais de savoir si les bateaux arrivent à charger le grain ou s’il y a un vrai blocage des flux», générant de la volatilité sur le marché des céréales, a souligné Sébastien Poncelet, du cabinet Agritel.
Pas de rebond pour l’instant
Mais le cours du blé, «marqueur du conflit», ne rebondissait pas, mercredi, à 17h30: après une semaine de détente sur le marché européen, son prix baissait encore de près de 1% par rapport à la clôture, mardi soir, s’établissant à 233,50 euros la tonne pour livraison en septembre.
Après avoir gagné près de 5% mardi soir, après l’annonce de cette attaque, le prix du principal contrat sur le blé américain SRW (Soft Red Winter Wheat) reculait aussi, cédant 2,07% trois heures plus tôt.
Abondants stocks russes
«C’est un développement significatif, et il est remarquable de voir qu’une nouvelle censée soutenir les cours n’y parvient pas», a commenté Arlan Suderman, de la plateforme StoneX. Selon lui, les acteurs du marché sont «davantage concentrés» sur les abondants stocks de blé russe, qui inondent les marchés à l’exportation à des prix défiant toute concurrence.
Mercredi après-midi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde son homologue russe Vladimir Poutine, lui demandant «de ne prendre aucune mesure risquant de provoquer une escalade des tensions» en mer Noire. De son côté, la France a accusé Moscou de faire courir «délibérément» un risque pour la sécurité alimentaire mondiale.
Le Danube, principale voie de sortie
Le Danube, voie fluviale empruntée par des dizaines de cargos ces derniers jours, permet à la fois de rallier Constanta (Roumanie), au sud, pour reprendre la traditionnelle route du Bosphore, et le réseau ferré roumain, vers l’ouest.
Depuis que la Russie a claqué la porte de l’accord sur les céréales ukrainiennes, le 17 juillet, les deux petits ports fluviaux d’Izmaïl et Reni, dans la région d’Odessa, frontalière avec la Roumanie, sont devenus la principale voie de sortie du blé et du maïs ukrainien.
Bateau après bateau, entre 3,5 et quatre millions de tonnes de céréales peuvent être expédiées chaque mois par le fleuve, a précisé Damien Vercambre, courtier au cabinet Inter-Courtage. Mais depuis la fin du corridor maritime, Moscou a multiplié les frappes contre les infrastructures portuaires ukrainiennes, faisant grimper à nouveau le prix des céréales. «L’objectif de la Russie est d’étouffer l’Ukraine, et de toucher une de ses principales rentrées de devises.»
La réalité commerciale peut prendre le dessus
Depuis le début des frappes russes sur les silos ukrainiens, «entre 160’000 et 180’000 tonnes» de céréales ont été détruites, détaille le courtier Damien Vercambre, sur un total de 35 millions de tonnes que l’Ukraine va tenter d’exporter cette année.
Les opérateurs sont toutefois «moins inquiets» qu’auparavant au sujet de ce type d’attaques russes, «car ils estiment que l’Ukraine a le temps de trouver des solutions pour créer des corridors terrestres, avec le soutien financier de l’Union européenne», a estimé Arlan Suderman. «Si les dégâts sont limités ou localisés, c’est la réalité commerciale qui prend le dessus», et fait ainsi redescendre les cours, a abondé Sébastien Poncelet. Face au blé russe, abondant et peu cher, le prix du blé français ou américain est actuellement trop élevé pour les acheteurs. Depuis une semaine, son cours à la tonne baissait de ce fait d’environ «cinq euros tous les jours» sur le marché européen.