EspagneL’exode rural, sujet numéro un dans les petits villages avant les municipales
Ce dimanche, l’Espagne vivra à l’heure d’élections, dans les villes comme à la campagne. Dans les petits villages, les habitants votent pour ceux en qui ils ont confiance plutôt que pour un parti.
Ignacio Martínez n’avait jamais imaginé devenir maire un jour, mais c’est en voyant son petit village, dans le nord-est de l’Espagne, s’étioler peu à peu, qu’il décida, il y a huit ans, de se présenter aux élections municipales. «Il y avait un sentiment de paralysie dans le village. L’école avait fermé ses portes plusieurs années auparavant», affirme ce cultivateur, qui avait 32 ans lorsqu’il devint, en 2015, maire d’Allepuz, un village d’une centaine d’âmes dans une zone montagneuse d’Aragón, région souvent présentée comme la plus touchée par l’exode rural.
«De nombreux villages sont au bord d’un effondrement démographique», poursuit-il, alors que les élections municipales et régionales auront lieu ce dimanche en Espagne.
Pas de commerces, peu de travail…
Comme à chaque scrutin, les partis politiques ne sont pas avares de promesses pour attirer les électeurs en milieu rural, d’Internet à haut débit à l’amélioration des transports publics, sans oublier les aides aux familles acceptant de s’installer dans ces petits villages.
Mais la campagne a suscité peu d’intérêt dans la province de Teruel, la moins peuplée d’Aragón avec moins de dix habitants par km², un des taux les plus bas d’Europe. «Juste avant les élections, tout le monde promet beaucoup de choses, et puis ils nous oublient», se lamente un homme de 74 ans, alors qu’il attend le camion venant, comme chaque jour, apporter le pain quotidien.
En l’absence de commerces, les 124 habitants d’Allepuz dépendent de marchands venus de l’extérieur pour leur approvisionnement en nourriture. «Le village aide pour le logement, ce qui est essentiel pour faire venir des familles, mais s’il n’y a pas de travail…», lâche le septuagénaire, sans finir sa phrase.
L’école, vitale pour Allepuz
Dans les petits villages, les candidats, à l’image d’Ignacio Martínez, ne veulent généralement pas être identifiés avec un parti, car les habitants votent pour des gens en qui ils ont confiance plutôt que pour une formation politique. «Je choisis des individus. Je me moque de savoir pour quel parti ils sont candidats. S’ils m’inspirent confiance, alors je voterai pour eux», commente Carmen Igual, une céramiste de 56 ans.
Après huit années comme maire d’Allepuz, Ignacio Martínez, lui, a décidé d’arrêter. Le temps fort de ses deux mandats, se souvient-il avec émotion, a été la réouverture de l’école. Sur un mur, le long de la rue principale du village, quelqu’un a peint un slogan qui veut tout dire: «Ecole ouverte = village en vie».
La moitié du pays, mais 15% de la population
C’est de cet exode rural et de la situation sociale qui en découle qu’est née, en 2016, l’expression «l’Espagne vidée», un terme qui se réfère à cinq régions (sur un total de 17) représentant à elles seules environ la moitié du pays, mais tout juste 15% de sa population.
L’Aragón, qui a une population de 1,3 million d’habitants et une densité démographique de 27,8 résidents par km², selon des statistiques de 2022, est l’une de ces cinq régions. En 1999, des gens du cru avaient créé l’association «Teruel existe!» dans le but de lutter contre l’exode rural dans la province. Vingt ans plus tard, elle participait aux élections législatives, obtenant un siège de député et mettant ce concept de l'«Espagne vidée» sur le devant de la scène politique.