Bienne - Un avocat déleste une paraplégique de 610 000 francs

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BienneUn avocat déleste une paraplégique de 610 000 francs

L’homme de loi est accusé d’avoir détourné à son profit une indemnité attribuée à une cliente victime d’un accident de voiture il y a 17 ans. Il écope d’une interdiction d’exercer.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
L’avocat n’est plus censé exercer sa profession au Tribunal régional du Jura bernois – Seeland.

L’avocat n’est plus censé exercer sa profession au Tribunal régional du Jura bernois – Seeland.

Lematin.ch/Vincent Donzé

Détourner une indemnité attribuée à une handicapée en chaise roulante, quand on est avocat, c’est une violation flagrante du code de déontologie. Victime d’un accident de voiture il y a 17 ans, une paraplégique avait refusé les 610 000 francs de l’assurance RC du conducteur fautif et demandé à son avocat de transmettre sa décision à l’assureur, mais l’homme de loi a fait verser cette compensation sur son compte privé.

Rien n’était correct dans les agissements de l’avocat dénoncé. Ainsi, pendant trois ans, l’avocat n’a pas informé sa cliente des sommes reçues par l’assureur RC, soit 610 000 francs d’indemnité de règlement et 55 000 francs à titre d’honoraires.

Il n’a rien reversé à sa cliente

Juridiquement, l’avocat a enfreint l’obligation d’informer sa cliente des modalités de facturation. Le dénoncé a retourné la convention d’indemnité en conservant le versement. «Il a utilisé cet argent à son propre profit, ne reversant rien à sa cliente», insiste l’Autorité de surveillance des avocats, à la Cour suprême bernoise.

Au vu de la gravité des manquements de l’avocat aux règles professionnelles, seule une interdiction de pratiquer peut entrer en considération, comme l’a relevé le «Bieler Tagblatt». L’avocat a adressé un recours auprès du Tribunal administratif cantonal

Grave accident de circulation

Dans les faits, D. a été victime d’un grave accident de la circulation qui l’a laissée paraplégique le 29 mai 2004. Elle a d’abord confié la sauvegarde de ses intérêts à un avocat qui a transmis le mandat à un ancien collaborateur, Me B.

Des discussions ont eu lieu dans le courant de l’année 2016, entre Me B., sa cliente et l’assurance. Depuis lors, le prévenu a toujours laissé entendre à son prédécesseur que son dossier en responsabilité civile suivait son cours, sans apporter davantage de précisions «malgré les innombrables relances de sa part».

Désabusée, l’accidentée a fini par s’adresser directement à l’assureur RC, qui lui a indiqué que le règlement final était intervenu en 2016, moyennant un versement pour solde de tout compte d’un montant de 610 000 francs.

Indemnité versée


Les investigations ont confirmé que l’indemnité a bel et bien été versée sur le «compte privé sociétaire» de Me B., sur sa directive expresse. D’autres montants importants ont été crédités sur ce même compte bancaire par des compagnies d’assurances.

Me B. réfute toute intention dolosive de sa part dans cette affaire, admettant tout au plus un manque de réactivité. Sa cliente est elle au bénéfice d’une assistance sociale par l’Association suisse des paraplégiques.

Appréhendé à l’aéroport


Selon une ordonnance du 8 octobre 2020, une instruction a été ouverte contre Me B. pour abus de confiance, éventuellement gestion déloyale. En partance pour Istanbul, l’avocat a été appréhendé l’hiver dernier par les gardes-frontières lors d’un contrôle à l’aéroport de Genève. Il voyageait avec quatre grandes valises et un bagage à main. «Il convient de relever qu’une hache a été retrouvée dans ce dernier, ainsi qu’un outil multitool avec scie», mentionne l’Autorité de surveillance des avocats.

Le prévenu a passé la nuit à l’Hôtel de police de Genève, puis il a été transporté à la Prison régionale de Berne, suite à quoi Me B. a été placé en détention provisoire pour un mois. Ses comptes personnels et professionnels ont été bloqués dans plusieurs banques.

Violation crasse


«Ce qui est reproché de manière vraisemblable au dénoncé constitue une violation si crasse des devoirs professionnels de l’avocat qu’il est difficile de se représenter un exemple plus crasse», a estimé le président de l’Autorité de surveillance des avocats en prononçant une interdiction provisoire de pratiquer

Par son comportement, l’avocat dénoncé a «bafoué l’essence même des devoirs de diligence de l’avocat et ce de manière intolérable». Inscrit au registre des avocats du canton de Berne, il exerçait au sein d’une étude qui s’annonce en qualité d’avocat au barreau et notaire, spécialisé en responsabilité civile et en droit des assurances.

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