Un Fribourgeois avait assassiné un père et son fils pour trois tracteurs

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JusticeUn Fribourgeois avait assassiné un père et son fils pour trois tracteurs

Cet agriculteur de 33 ans a massacré deux hommes en mars 2020 pour un mobile futile. Il a admis les faits. Il sera jugé début février.

Evelyne Emeri
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Evelyne Emeri
Pierre* comparaîtra les 6, 7 et 8 février prochains devant le Tribunal pénal d’arrondissement de la Gruyère qui siégera dans la salle Covid à Granges-Paccot (FR).

Pierre* comparaîtra les 6, 7 et 8 février prochains devant le Tribunal pénal d’arrondissement de la Gruyère qui siégera dans la salle Covid à Granges-Paccot (FR).

lematin.ch/Vanessa Lam

Un massacre et beaucoup d’acharnement. Ce jeune agriculteur de Sorens (FR), reconverti dans un commerce de machines agricoles d’occasion, a tué froidement et sans scrupule fin mars 2020 un père de 47 ans et son fils de 23 ans, résidant à Cugy (VD). Le mobile? Un conflit autour de trois tracteurs que le prévenu tardait à livrer à ses deux nouveaux «associés» macédoniens, morts pour avoir voulu récupérer 34 000 francs. L’acte d’accusation du procureur Marc Bugnon est massif et particulièrement glaçant, sachant que les experts psychiatres n’ont décelé chez Pierre* aucun trouble psychiatrique et, partant, retiennent une responsabilité pénale pleine et entière.   

Le piège de l’écurie

Pressé par les deux hommes qui exigeaient, soit de se faire livrer le matériel, soit de récupérer leur argent, le Fribourgeois endetté leur a fixé rendez-vous, le 24 mars 2020 à 20h, dans le chalet d’alpage de sa famille. Un lieu isolé, propice à commettre le carnage qui va suivre dans et aux abords de l’écurie. Au début du mois de mars 2020, avec le cash des futures victimes, l’accusé a notamment acheté un fusil de chasse de marque Beretta Silver Pigeon Sporting. Selon ses propres dires, Pierre avait imaginé deux scénarios pour cette rencontre piégeuse, n’ayant ni la somme due, ni les tracteurs: ou il obtenait un délai pour les rembourser; ou il les «éliminait» et les «planquait».

Préparatifs minutieux

Toujours selon l’accusation, le trentenaire s’est minutieusement préparé avant la sanglante confrontation. Il s’est muni d’une série d’outils destinés à soulever une plaque du caillebotis de l’écurie du chalet recouvrant la fosse à purin: un lien avec une gueule de vache, un accessoire en forme de T et un palan. Il s’est aussi procuré un couvercle de bouche d’égout en fonte pour lester les corps. Dans l’après-midi, il a non seulement transporté tout ce matériel dans l’écurie, mais a déjà mis tout en place pour perpétrer son double crime. Puis il est reparti chez lui et est allé travailler sur l’exploitation. Il n’a pas non plus hésité à élaborer une fausse quittance manuscrite indiquant qu’il avait rendu le montant dû aux Macédoniens.

Quatre balles

Juste avant de retrouver les deux individus, Pierre a munitionné son fusil de chasse Beretta de deux cartouches et en a laissé deux autres dans le vide-poche de son véhicule de type pick-up. À 20h, le trio est monté au lieu dit. Ne disposant pas de la somme, le prévenu aurait rapidement été pris à partie par le père et le fils. Selon lui, le père l’aurait alors projeté au sol. Le Fribourgeois aurait couru jusqu’à son pick-up pour prendre son arme et aurait tiré sur le père, qui serait tombé sur le dos. Alerté par le coup de feu, le fils aurait avancé vers le tireur, aurait été à son tour touché à une jambe et se serait écroulé sur le flanc droit. L’accusé affirme qu’à ce moment, les deux hommes étaient encore en vie et conscients. 

Violemment frappés

Pierre serait parti recharger son arme. Dans l’intervalle, le père aurait rampé à l’intérieur de l’écurie et aurait reçu une seconde balle dans l’omoplate, par-derrière, avant de s’effondrer. Son fils qui tentait de fuir en rampant vers l’extérieur aurait, lui aussi, reçu un second projectile, également au niveau du haut du corps. À court de munitions, l’agriculteur l’aurait frappé violemment au visage avec le canon de son fusil jusqu’à ce qu’il ne bouge plus. Il aurait ensuite rejoint le père à l’intérieur et lui aurait assené des coups sur le crâne avec la crosse du Beretta. La violence fut telle que l’arme s’est brisée et que le malheureux a cessé de réagir.

Immergé vivant

L’auteur de ce double homicide n’a visiblement pas perdu son sang-froid. Il serait allé chercher un filet à foin dans lequel il aurait enveloppé les deux victimes avec le couvercle de la bouche d’égout et aurait utilisé du fil de fer pour serrer cet atroce linceul. Il aurait ensuite précipité les corps dans la fosse à purin remplie d’eau. Pierre concède lui-même avoir vu des bulles remonter à la surface. Les médecins légistes attestent que le fils était encore vivant lors de l’immersion. Une fois son forfait commis et après avoir refermé la fosse, l’assassin aurait nettoyé la scène de crime avant d’aller cacher le véhicule des défunts et de retourner à son domicile. Il a également appelé le fils pour se constituer un alibi.

L’alibi avant les aveux

Arrivé chez lui, il a lavé ses habits tachés de sang, s’est douché et a mangé avec sa petite amie. Le lendemain, il a travaillé sur le domaine agricole familial. Son comportement n’avait rien d’anormal, précise le procureur. Les proches des deux Macédoniens ont alerté la police de cette disparition inquiétante. Contacté téléphoniquement par les forces de l’ordre, Pierre a commencé par certifier que ses «associés» n’étaient pas venus au rendez-vous la veille au soir. Il a procédé de la même manière avec la famille des disparus, venue le voir sur place. Le soir même à 21h15, la police cantonale l’interpellait à son domicile. Il a admis les faits dans la voiture de police qui l’emmenait pour être auditionné. Et indiqué où se trouvaient les corps qui gisaient au fond de la fosse à purin.

Nombreux plaignants

Le Fribourgeois de 33 ans comparaîtra dès le 6 février prochain devant le Tribunal pénal d’arrondissement de la Gruyère qui siégera dans la salle Covid à Granges-Paccot (FR), principalement pour assassinat et atteinte à la paix des morts. Les parties plaignantes sont nombreuses et représentées par l’avocate vaudoise Me Coralie Devaud. Il s’agit des épouses respectives du père et du fils décédés ainsi que de leurs quatre enfants/petits-enfants. Me Alexandre Dafflon aura la lourde tâche de défendre l’auteur de cette boucherie.

*Prénom d’emprunt

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