France36 ans après la disparition d’une jeune femme, enfin la vérité?
Le meurtrier présumé d’une secrétaire disparue en 1986 sera jugé cette année.
Le meurtrier présumé de Martine Escadeillas, portée disparue à Toulouse en 1986, va être jugé courant 2022. Tombée aux oubliettes, cette affaire a rebondi quand les enquêteurs ont réorienté leurs investigations vers un admirateur de la jeune femme.
Joël Bourgeon, ami de la disparue et de son compagnon Thierry, avait été entendu par les gendarmes quelques jours après la disparition. Mais comme il ne correspondait pas à la description faite par une voisine de Martine Escadeillas, seul témoin, sa culpabilité avait été écartée.
Cette femme, vivant à l’étage au dessus, a dit avoir entendu des cris alors qu’elle s’apprêtait à accompagner ses enfants à l’école. Puis elle avait aperçu un homme d’une quarantaine d’années, crâne dégarni, vêtu d’une veste démodée, accroupi près d’une femme, sur le palier du 3e. «Ce témoignage a pollué l’enquête», regrette l’avocat de la famille Escadeillas, Frédéric David.
Traces de sang
Le lundi 8 décembre 1986, Martine Escadeillas, secrétaire de 24 ans, devait reprendre son travail après un arrêt maladie. Ce jour-là, elle dépose son compagnon à l’arrêt de bus vers 08 h 30, retourne chez elle, puis ne se présente pas à son travail.
Des traces de sang ont été retrouvées dans la cage d’escalier et la cave de son immeuble, situé à Ramonville, banlieue résidentielle de Toulouse. La veille, elle avait invité Thierry et Joël Bourgeon à un déjeuner chez ses parents. Les deux amis, adeptes de virées à moto, jouaient aussi ensemble au football.
L’hypothèse du féminicide a été envisagée par les enquêteurs. Elle a vite été écartée, le compagnon ayant un alibi. Plusieurs autres pistes, dont une menant au tueur en série Patrice Alègre, ont également été examinées, en vain.
Enquête relancée
En 2016, c’est un courrier adressé au parquet par une connaissance de la disparue, s’étonnant de l’abandon de la piste Bourgeon, qui a relancé l’enquête. Quelques semaines après la disparition, il était contre toute attente parti s’installer à Lyon, alors qu’il venait d’être titularisé comme agent technique dans un lycée de Toulouse. Plus surprenant, selon les enquêteurs, il disparaît sans se manifester auprès de la famille ou des proches de Martine.
«Il quitte Toulouse car il a une relation amoureuse dans la région lyonnaise et il part pour la rejoindre», indique son avocat, Eric Mouton. Elle a 16 ans, lui 23. Il l’a connue six mois plus tôt lors d’un séjour à la mer. «Il n’est pas non plus parti au Guatemala, il n’a pas changé d’identité, et revenait régulièrement à Toulouse», met en avant son défenseur.
La compagne lyonnaise relatera aux enquêteurs que Joël Bourgeon lui parlait souvent de Martine en termes admiratifs, lui demandait de se coiffer et de s’apprêter comme elle. Et qu’il lui avait offert une montre, semblable à celle que portait la jeune femme au moment de sa disparition. Après quelques années, elle le quitte, se plaignant de son caractère violent.
Des aveux puis une rétractation
Interpellé à Lyon en janvier 2019, puis placé en garde à vue à Toulouse, Joël Bourgeon avoue le meurtre, donnant aux gendarmes de la section de recherche de Toulouse des détails que seul le meurtrier pouvait connaître, selon l’accusation. Il admet aussi qu’il était à l’époque secrètement amoureux de sa victime.
Une semaine plus tard, il se rétracte, affirmant que les aveux lui avaient été dictés pendant sa garde à vue. Il est depuis lors en détention préventive à la prison de Seysses, près de Toulouse.
«Il nous tarde que ce procès ait lieu. L’accusation est en grande difficulté pour apporter des éléments concrets. Ce dossier ne repose que sur des impressions, des sentiments, qu’il ne clamerait pas assez fort son innocence», plaide Me Mouton. L’a-t-il tuée après avoir été éconduit? «Il n’y a jamais eu l’ombre d’une ambiguïté, d’une coloration sentimentale, il conteste avoir nourri des sentiments pour Martine», dit son avocat.
«Sûr et certain que c’est lui»
«On n’a pas besoin des aveux de Bourgeon dans ce dossier. Il y a suffisamment d’indices graves et concordants allant dans le sens de la culpabilité de Bourgeon», assure pour sa part Me David. Il rappelle que l’accusé «était très présent dans la vie du couple, avait une clé de l’appartement de Martine. Thierry et lui réparaient les motos en bas de l’immeuble».
«On est sûrs et certains que c’est lui, souligne René Saint-Blancat, beau-frère de Martine Escadeillas, maintenant, qu’il nous dise où est le corps, pour enfin lui donner une sépulture».