Soudan: la guerre entre deux généraux fait une centaine de morts

Publié

Soudan«On est déjà dans le scénario du pire»

Après trois jours de combat, une centaine de civils ont été tués dans la guerre désormais ouverte entre les deux généraux aux commandes du pays. Des experts font un point de la situation.

Tirs et explosions secouaient Khartoum sans discontinuer lundi matin. Au moins 97 civils ont perdu la vie.

Tirs et explosions secouaient Khartoum sans discontinuer lundi matin. Au moins 97 civils ont perdu la vie.

AFP

Depuis des semaines, les Soudanais regardaient, anxieux, le fossé se creuser entre le commandant de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane, et son numéro deux, Mohamed Hamdane Daglo, dit «Hemedti», patron des Forces de soutien rapide (FSR). Samedi, leurs hommes se sont lancés dans une bataille rangée. Et depuis, Khartoum et d’autres villes tremblent sous les tirs et les raids aériens. Les deux belligérants se renvoient la responsabilité du déclenchement des hostilités et ne cessent d’annoncer de nouvelles victoires sans qu’aucune source indépendante puisse confirmer ou infirmer.

Comment en est-on arrivé là?

En octobre 2021, les deux généraux ont fait front commun pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019. «Un mariage de raison» pour le putsch, explique le chercheur Hamid Khalafallah. «Ils n’ont jamais eu de partenariat sincère mais des intérêts communs face aux civils». Et les brèches de l’union sacrée sont rapidement apparues au grand jour: Hemedti a plusieurs fois dénoncé l’«échec» d’un putsch qui a réinstauré «l’ancien régime» de Béchir, selon lui.

Puis le conflit s’est intensifié quand il a fallu signer les conditions d’intégration de ses hommes aux troupes régulières, dans le cadre de l’accord avec les civils qui devait relancer la transition démocratique. Pour les experts, cet accord a ouvert la boîte de Pandore: en laissant les militaires négocier entre eux, «Hemedti est passé du statut de second à celui d’égal de Burhane», affirme Kholood Khair, qui a fondé le centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum.

Se sentant «plus autonome face à l’armée», Hemedti a vu une opportunité de réaliser «ses très grandes ambitions politiques», abonde auprès de Alan Boswell, en charge de la Corne de l’Afrique à l’International Crisis Group.

Qui sont les FSR?

Créées en 2013, les FSR regroupent des milliers d’anciens Janjawids, ces miliciens arabes recrutés par Omar el-Béchir pour mener la politique de la terre brûlée au Darfour. En 2015, les FSR ont rejoint la coalition emmenée par les Saoudiens au Yémen. Et selon des experts, certains de ses hommes combattent aussi en Libye, renforçant les réseaux internationaux de leur patron. En 2019, les FSR ont été accusées d’avoir tué une centaine de manifestants pro démocratie à Khartoum. Mais malgré tout, «elles ont continué à renforcer leur pouvoir», assure Alan Boswell.

Et après?

Les combats actuels sont «une lutte existentielle pour les deux belligérants», poursuit l’expert. Et selon Kholood Khair, «aucune des parties ne sortira indemne». «Il est hautement improbable qu’ils retrouvent la table des négociations avant que l’un ou les deux subissent de lourdes pertes», abonde la spécialiste. Des pertes humaines et financières, mais aussi en popularité, car les Soudanais n’oublieront pas les guerres de rues et les civils fauchés par des balles perdues.

«Les deux camps sont assez forts pour qu’une guerre entre eux soit très coûteuse, très meurtrière et très longue», assure Alan Boswell. Et surtout, même si l’une des deux parties l’emporte notamment à Khartoum, «la guerre continuera ailleurs dans le pays», créant des bastions rivaux. «On est déjà dans le scénario du pire et on ira vers des événements plus dramatiques encore», avec des répercussions possibles dans toute la région, prévient-il.

États-Unis et Royaume-Uni inquiets

Les chefs de la diplomatie américain et britannique, réunis au Japon pour un sommet du G7, ont appelé lundi à la «cessation immédiate» des violences au Soudan. «Il y a une forte inquiétude partagée au sujet des combats, de la violence qui sévit au Soudan, de la menace que cela représente pour les civils, pour la nation soudanaise et même potentiellement pour la région», a déclaré le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, à l’issue d’un entretien avec son homologue britannique James Cleverly.

(AFP)

Ton opinion