Football: Analyse: La Suisse et le choix de la verticalité

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FootballAnalyse: La Suisse et le choix de la verticalité

En Tchéquie jeudi, malgré la défaite 2-1, l’équipe nationale a axé l’essentiel de son jeu avec ballon sur une approche directe par le cœur du jeu, en misant beaucoup sur Breel Embolo. Pertinent, mais pas décisif.

Valentin Schnorhk Lisbonne
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Valentin Schnorhk Lisbonne

Les mots sont venus de Breel Embolo jeudi soir, à la sortie de Tchéquie-Suisse. Une défaite 2-1 sans gloire, mais qu’il s’agissait de placer dans un contexte. «Nous voulions essayer quelque chose: un jeu plus agressif, tourné encore plus vers l’avant, où l’on évite les temps morts, décrivait à sa manière le numéro 7 de l’équipe nationale. Avec Noah (Okafor) et Ruben (Vargas), il y a des qualités à exploiter et nous voulons essayer ces choses-là, d’autant plus que nous sommes en année de Coupe du monde.» Le mot-clé n’a pas été prononcé, mais ceux utilisés racontent assez fidèlement une idée: celle de la verticalité.

Embolo résiste à la défense tchèque et lance Widmer: il est un pion essentiel dans l’expression de la verticalité suisse.

Embolo résiste à la défense tchèque et lance Widmer: il est un pion essentiel dans l’expression de la verticalité suisse.

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L’équipe de Suisse de Murat Yakin veut s’inscrire dans cette évolution. Elle n’est pas tout à fait nouvelle, mais elle est accentuée. Cela a été travaillé durant la semaine de stage à Bad Ragaz. La direction que la Suisse veut se donner est principalement celle-ci. Dite plus précisément, c’est la volonté de pratiquer un jeu plus direct, avec un chemin vers le but tracé de manière très axiale. Décryptage de ces intentions qui, même si elles n’ont que peut porter leurs fruits à Prague jeudi, ont au moins permis de déceler une partie du plan de Yakin.

Relais et appels complémentaires

Au Sinobo Stadium, il n’a en fait fallu que d’une grosse soixantaine de secondes pour que le plan soit déroulé une première fois. La première occasion de Ruben Vargas, qui a permis à Tomas Vaclik de se mettre en condition avant sa soirée pleine, s’inscrit dans cette tendance. Un ballon vers l’avant de Granit Xhaka vers Noah Okafor, lequel se mettait dans le sens du jeu pour servir Vargas. Pas encore parfaitement rodé pour prendre à revers la défense tchèque, mais cela illustrait le schéma préférentiel: celui du relais.

Le concept est essentiel. La verticalité, la Suisse a choisi de l’exploiter en deux temps. Avec un décrochage à l’intérieur du jeu sur lequel s’appuyer, puis des courses en profondeur pour trouver la solution. Autrement dit, pas de long ballon envoyé directement dans la course d’un attaquant. Cette idée a un sens: celui d’optimiser la réussite du mouvement, en créant les conditions pour mettre en difficulté l’adversaire.

C’est en misant sur des appels complémentaires que la sélection nationale s’est créé ses meilleures opportunités: un décrochage qui fixe la défense, pendant que des espaces s’ouvrent dans le dos de cette dernière. Dans ce cadre-là, l’utilisation de Vargas, Okafor, Embolo et même celle de Djibril Sow étaient légitimes. Ce dernier, malgré son profil plutôt équilibrant est aussi capable de se projeter dans l’espace lorsque celui-ci s’ouvre. Le milieu de l’Eintracht Francfort n’a ainsi pas hésité à faire ces courses-là dans le bon timing. Soit une fois qu’un relais était trouvé entre les lignes.

Embolo, joueur-cible par nature

Dans cette configuration, un relais prédéfini s’impose de lui-même: Breel Embolo. Il y a plusieurs manières de l’expliquer: déjà, l’envergure qu’il a prise depuis un ou deux ans se répercute dans l’envie qu’il a de contribuer à l’avancement du jeu. Et puis, lorsqu’on lui associe des profils comme Okafor, Vargas ou encore Shaqiri, il est l’homme sur lequel s’appuyer. Question de préférences de jeu: Embolo s’exprime moins dans la profondeur et les combinaisons dans des espaces réduits.

En revanche, il est une cible qui ne se dérobe pas, ou très peu. Une fois qu’il est en position, ses coéquipiers peuvent le toucher. Capable, souvent, de garder un ballon, il doit ensuite trouver la bonne manière de l’exploiter: déviation en profondeur, contrôle et orientation, ou prise de balle pour se mettre dans le sens du jeu. En revanche, on lui trouve moins de remises face à lui: question de technique (son talon d’Achille) et de schéma. L’équipe de Suisse attend du relais qu’il poursuive l’action en une, deux voire trois touches de balle.

Son apport est pertinent. Parce que les ballons que le Bâlois demande le sont entre le milieu et la défense adverse, et pas plus bas. Il n’y a alors plus que la dernière ligne à attaquer. À condition de pouvoir enchaîner. Puisque souvent présent dans l’axe jeudi, Embolo a parfois été gêné par la densité du 3-4-3 tchèque, lequel se transformait en 5-4-1 en bloc bas. Ce qui traduit la nécessité de faire varier les filières avec ballon.

Une verticalité à nuancer

Sans doute pertinent, le choix de Yakin d’accorder beaucoup d’importance à la verticalité axiale n’a au final permis de ne marquer aucun but, même si les plus grosses opportunités sont venues de là. À Prague, le principe de jeu a porté ses fruits sur un certain nombre de phases de jeu: les transitions offensives, la construction basse face à un pressing adverse haut (Sommer a parfois directement touché Embolo) et lorsqu’il a été possible d’agir face à un bloc médian en manque de compacité.

En revanche, lorsque les Tchèques ont eu le temps de se replier et que la Suisse a dû trouver la solution face à un bloc bas, tout est devenu plus compliqué, malgré une possession de balle de plus de 60%. Parce que la densité axiale était renforcée et que les appels complémentaires permettaient d’exploiter moins d’espace derrière la défense. Et l’équipe nationale, de par sa configuration en début de match (le 4-4-2 avec Sow et Vargas positionnés très intérieur) avait fait ce choix d’exister par le cœur du jeu.

Les côtés ont en revanche été quelque peu délaissés. Le choix de la verticalité a en effet pu conduire à une dévalorisation de la largeur. Et surtout de la possibilité d’être vertical également depuis les ailes, et pas uniquement à travers le couloir axial. Or, c’est en créant un surnombre sur le côté gauche, avec une certaine complémentarité dans les appels, que l’égalisation d’Okafor est arrivée. Pour la Suisse de Yakin, il y a la nécessité d’étoffer la palette en phase offensive. Même si le Portugal et l’Espagne pourraient être plus conciliants en termes d’espaces accordés.

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