FootballAnnecy veut jouer la promotion à 13’511 sur le terrain
Le club haut-savoyard a une occasion unique, vendredi soir, de retrouver le foot pro. Et de faire oublier la triste aventure d’Evian Thonon Gaillard, vécue dans ce même stade.


La «Pontaise haut-savoyarde».
DROn se croirait un peu à la Pontaise, quand le Lausanne-Sport y jouait encore. Le Parc des Sports du chef-lieu de la Haute-Savoie est entouré d’une piste cendrée, ouvert aux quatre vents, il y a des athlètes qui s’y entraînent la semaine, le WiFi de la billetterie ne va pas jusqu’à toutes les entrées prévues pour le dernier match de championnat qui se disputera à guichets fermés et il a ce petit côté désuet qui le rend sympathique. C’est là que 13’500 spectateurs en folie espéreront pousser les leurs jusqu’à la promotion en Ligue 2 ce vendredi soir, face à Sedan.
Si, lors de la dernière journée de National, le FC Annecy gagne contre Sedan ou fait au moins aussi bien que le FC Villefranche Beaujolais face à Bourg-Péronnas, il retrouvera les rangs professionnels du football français. Un niveau, la Ligue 2 (Division 2 à l’époque), qu’il avait quitté par la très petite porte il y a 29 ans, après une relégation qui a entraîné sa liquidation judiciaire. Depuis, il a vivoté dans les ligues inférieures, avant de connaître un improbable sursaut depuis 7 ans, qui a vu l’équipe haut-savoyarde passer de la Division d’Honneur en 2015 à la 2e place du National après 33 journées cette semaine!

L’expérimenté défenseur Ahmed Kashi.
DRDu football professionnel dans le coin, les Genevois et les Vaudois s’en souviennent. Ils se rappellent l’«épopée» d’Evian Thonon Gaillard, un club fabriqué à partir de pas grand-chose par Danone et qui avait attiré des actionnaires comme Zinédine Zidane et Bixente Lizarazu, deux personnes qui n’ont sans doute jamais su placer la Haute-Savoie sur une carte. L’ETG était monté jusqu’en L1 et avait espéré jouer au Stade de Genève, avant de se rabattre sur Annecy. Il a même disputé une finale de Coupe de France, avant d’être relégué et liquidé, pour réapparaître ensuite sous le nom de Thonon Évian Grand Genève Football Club. Il évolue aujourd’hui en National 3, le 5e niveau dans l’Hexagone.
Sur place, à Annecy, c’est l’effervescence. Après avoir manqué la montée directe le 6 mai à Bourg-Péronnas (défaite 3-0 dans le derby), la billetterie a été prise d’assaut. Le lundi suivant, plus de 4500 tickets ont trouvé preneurs en l’espace de quelques heures. Le Parc des Sports affichera complet, ce qui ne manque pas de poser des problèmes logistiques sur place. Pas assez de places de parking, des bénévoles à chercher à la pelle, des food-trucks à convier pour que les spectateurs ne meurent pas de soif… Mais il faut dire que le club n’était pas du tout prêt à vivre tout ça, lui qui évoluait encore en Division d’honneur (D6) en 2015 et qui n’a de loin pas un encadrement digne de l’antichambre de l’élite.

«J’espère qu’on jouera à 13’511 contre 11. Il ne faut pas que les spectateurs viennent en se disant qu’il y aura peut-être quelque chose à vivre à la fin. Il faut qu’ils fassent partie de la soirée!»
«C’est un événement extraordinaire qui se présente à nous, confirme l’entraîneur Laurent Guyot. Mais il faut aussi remettre cette histoire dans son contexte: on n’était pas du tout programmés pour ça. On a fait presque toute la saison dans les deux premiers et on se retrouve à jouer une finale… On va la jouer chez nous, devant un Parc des Sports à guichets fermés. J’espère qu’on jouera à 13’511 contre 11. Il ne faut pas que les spectateurs viennent en se disant qu’il y aura peut-être quelque chose à vivre à la fin. Il faut qu’ils fassent partie de la soirée! J’ai vécu la finale de Coupe de France le week-end dernier à Paris et 50% de la victoire de Nantes (ndlr: 1-0 contre Nice) s’est jouée en tribunes!»
«Pour mettre le feu à une ville d’habitude bien gentille, propre et tranquille, le club annécien pourra compter sur une flopée de jeunes. Mercredi, ils étaient quelques-uns à aller chercher leur précieux sésame près du «club house» de l’équipe haut-savoyarde. Le FC Annecy a aussi affrété des bus, qui iront de Rumilly à Annemasse, afin d’aller ramasser près de 2000 milles juniors qui n’ont, pour beaucoup, jamais vu de football professionnel au cours de leur jeune existence. Ils verront sous leurs yeux une flopée d’éléments revanchards, pas franchement venus là avec une telle ambition.

La file au club-house (enfin, dedans…).
DR«Si on monte, notre club changerait de monde, sourit Ahmed Kashi, défenseur de 33 ans qui a joué à Charlton et Metz. Il y a des garçons dans le groupe qui avaient le rêve de percer, qui n’ont pas été gardés après leur passage en centre de formation et qui n’ont pas réussi à devenir pro. Là, une occasion unique se présente et il faut la saisir! Certains n’ont jamais une telle deuxième chance dans la vie… J’espère que les gens vont nous pousser. J’ai joué en Angleterre et le public peut vraiment faire office de 12e homme. Des fois, à l’extérieur, le stade pouvait me faire peur!» Cette fois, il devrait pousser dans le dos des Annéciens, même si les locaux, à l’image de leurs homologues lémaniques, ont tendance à ne se mobiliser que lors des grands événements.
On sent toutefois que cette aventure est un peu moins factice que celle de l’ETG, un club monté de toutes pièces et SDF (sans domicile fixe) qui avait fini au SDF (Stade de France). Le FC Annecy a certes été mis en liquidation dans le passé, mais il existe tout de même depuis 1927, soit 80 ans avant Evian Thonon Gaillard. «Je vous laisse la responsabilité de ces propos. D’autant plus que je suis ami avec Pascal Dupraz (l’entraîneur de l’ETG à l’époque et qui risque de croiser Annecy avec Saint-Étienne la saison prochaine), se marre Guyot. Moi, je ressens un vrai engouement, même si je ne suis là que depuis le début de saison. Ce n’est pas un hasard si on arrive à remplir ce stade en moins d’une semaine.»