Jamaïque: Négociations sur l’exploitation controversée des fonds marins

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JamaïqueNégociations sur l’exploitation controversée des fonds marins

L’Autorité internationale des fonds marins et ses 167 États membres sont réunis à Kingston pour discuter de l’extraction minière sous-marine.

L’ONG Greenpeace a dépêché à Kingston son navire Arctic Sunrise, arborant une bannière «Stop à l’exploitation minière sous-marine».

L’ONG Greenpeace a dépêché à Kingston son navire Arctic Sunrise, arborant une bannière «Stop à l’exploitation minière sous-marine».

AFP

Moins de deux semaines après l’accord historique pour protéger la haute mer, les négociations sur l’extraction minière sous-marine ont repris jeudi en Jamaïque, sous la pression des ONG qui espèrent que cette industrie controversée ne voie jamais le jour.

«Quels gouvernements voudraient saper la réussite de ce traité en donnant un feu vert à l’exploitation minière sous-marine si rapidement après ce succès historique?» a lancé dans un communiqué Sebastian Losada, de l’ONG Greenpeace qui a dépêché à Kingston son navire Arctic Sunrise arborant une bannière «Stop à l’exploitation minière sous-marine».

Le 4 mars, les États membres de l’ONU se sont enfin mis d’accord sur le premier traité international de protection de toute la partie des océans qui n’appartient à aucun État. Mais si ce futur traité sur la haute mer inclut en principe le plancher océanique, c’est l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) et ses 167 États membres qui ont aujourd’hui la main sur ce «patrimoine commun de l’humanité», en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Nauru chamboule tout

L’AIFM, basée à Kingston, a pour l’instant octroyé une trentaine de contrats d’exploration à des centres de recherche et des entreprises, dans des zones bien délimitées, potentiellement riches en minerais. Et l’exploitation industrielle du nickel, cobalt ou cuivre n’est pas censée commencer avant l’adoption d’un code minier en discussions depuis près de dix ans.

Mais Nauru, petit État insulaire du Pacifique, a lancé un pavé dans la mare en déclenchant en juin 2021 une clause permettant de réclamer l’adoption de ces règles d’ici à deux ans. Dans le cas contraire, à l’expiration de cette période dans quelques mois, le gouvernement pourra solliciter un contrat d’exploitation pour Nori (Nauru Ocean Resources), filiale du canadien The Metals Company qu’il sponsorise. Demande que l’AIFM pourra ou non accepter.

Dans tous les cas, avec les «étapes majeures» que sont l’accord international conclu en décembre pour protéger 30% de la planète d’ici 2030 et le futur traité sur la haute mer, «la pression est désormais sur le Conseil de l’AIFM pour parvenir à un résultat», a déclaré le secrétaire général de l’AIFM Michael Lodge à l’ouverture jeudi de plus de deux semaines de négociations.

«Gardiens» de l’océan

S’il a assuré que le code minier est «bien avancé», plusieurs observateurs ont indiqué à l’AFP douter d’un accord d’ici l’assemblée de l’AIFM en juillet, mettant en avant les sujets compliqués sur la table, des modalités de l’évaluation des impacts environnementaux à la question sensible d’un partage des bénéfices.

Mais si certains veulent s’assurer que le futur code minier soit suffisamment solide pour ne pas trop perturber cet environnement profond encore très peu connu, d’autres estiment que le manque de connaissance de ces écosystèmes et les impacts de l’extraction nécessitent tout bonnement un moratoire, idée soutenue par une douzaine d’États dont la France ou le Chili.

ONG et scientifiques pointent du doigt la destruction directe d’habitats et d’espèces peut-être encore inconnues mais potentiellement majeures pour la chaîne alimentaire, le risque de perturber la capacité de l’océan à absorber le carbone émis par les activités humaines, les «panaches» de sédiments recrachés dans la colonne d’eau ou le bruit affectant la capacité de communiquer d’espèces comme les baleines.

Être «Mana Tiaki»

«L’accord sur le traité sur la haute mer prouve l’engagement de pays à travers le monde pour protéger et donner la priorité à la santé de notre océan», a commenté dans un communiqué Duncan Currie, du groupement d’ONG Deep Sea Conservation Coalition. «Il est essentiel que les mêmes pays portent cette ambition dans d’autres forums, y compris l’AIFM, et soutiennent un moratoire sur l’exploration minière sous-marine», a-t-il ajouté.

«Nos ancêtres nous ont appris la valeur d’être Mana Tiaki, les gardiens de nos ressources naturelles pour les générations futures», a insisté de son côté Alanna Matamaru Smith, de l’ONG des îles Cook Te Ipukarea Society, venue à bord de l’Arctic Sunrise. «Être ici, et soulever nos inquiétudes en tant que délégation autochtone du Pacifique est une occasion qui n’avait que trop tardé», a-t-elle ajouté.

(AFP)

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