Hockey sur glaceChristian Dubé: «J’ai trouvé exagéré tout ce qu’il s’est passé en fin de saison passée»
L’entraîneur québécois est revenu sur la nomination de Gerd Zenhäusern au poste de directeur sportif de Fribourg-Gottéron dès le 1er mars prochain. Il s’est aussi exprimé sur le remue-ménage à l’issue du dernier exercice.
- par
- Chris Geiger Fribourg
Christian Dubé, Fribourg-Gottéron a annoncé le nom de votre successeur au poste de directeur sportif le 20 novembre dernier. Quelle a été votre réaction lorsque le nom de Gerd Zenhäusern a été officialisé?
Je l’ai félicité! Ça fait dix ans qu’on travaille ensemble avec Gerd, à des postes différents. On se connaît en long et en large. On a une bonne collaboration et on s’entend très bien. On est plutôt l’inverse en tant que personne. Je pense que c’est ce qui fait qu’on a une bonne complémentarité. Pour moi, ce choix était le plus facile car je sais ce que j’ai avec Gerd. Je sais qu’il n’y aura pas tant de choses qui vont changer. Je suis content pour lui car c’est un gars très intelligent et une bonne personne. Si l’organisation l’a choisi, c’est parce qu’elle a fait ses devoirs et qu’elle a senti que c’était le meilleur candidat possible.
Il était jusqu’à présent votre assistant, les rôles vont en quelque sorte s’inverser dès le 1er mars. Comment vivez-vous cette situation plutôt cocasse?
Je la prends avec le sourire! Quand je me suis assis avec la direction en fin de saison dernière, je savais que ce serait un scénario probable. Je n’ai aucun problème avec ça. Je suis très à l’aise et très content pour Gerd, mais aussi pour l’organisation. Gerd a appris sur le tas depuis deux ans en tant que directeur sportif assistant. Il sait comment je fonctionne, ce que je fais de bien et de moins bien. À lui désormais d’imposer sa manière. Lorsque j’ai choisi de rester coach, je savais que quelqu’un allait arriver au poste de directeur sportif. Il fallait l’accepter.
Avez-vous peur que votre bonne relation puisse changer voire se détériorer avec ce changement?
Du tout. Nos papas ont joué ensemble à Sierre lorsqu’on était jeunes (ndlr: en 1984-1985). Je connais Gerd depuis toujours. Il y a certes eu une coupure lorsque je suis parti en Amérique du Nord, mais Gerd est un ami. Probablement qu’un jour il devra décider de me garder ou pas comme coach. J’espère qu’on a encore quelques années avant qu’il doive me foutre dehors (rires). Mais ça fait partie du job. Ça ne changera en rien notre relation.
Hormis l’organigramme, qu’est-ce qui va concrètement changer?
Désormais, c’est Gerd qui prend les décisions. Jusqu’à présent, c’est moi qui avait le dernier mot sur tout. À lui de voir s’il veut me demander des conseils pour l’engagement ou la prolongation de joueurs. S’il me le demande, je lui donnerai volontiers mon avis. Mais à la fin, ce sera lui le boss. Il devra prendre et assumer ses propres décisions (rires).
En tant qu’entraîneur, vous n’êtes pas automatiquement intégré dans les discussions?
Chaque directeur sportif est différent. Personnellement, je demandais toujours l’avis de mon coach. Je l’ai fait avec Gerd, avec Larry Hurras ou avec Mark French. J’estime qu’on a besoin de joueurs qui vont dans la lignée et la philosophie du coach. J’imagine qu’il va me demander mon avis, mais on a tous une manière de procéder différente.
Depuis l’annonce il y a trois semaines, avez-vous pu évoquer votre future collaboration?
Oui, Gerd est tranquillement en train de prendre en charge les décisions. Il est de plus en plus impliqué et présent. Il est préférable qu’il prenne dès à présent les décisions pour les transferts. On a quelques contrats de joueurs à négocier. Je pense que c’est à Gerd de prendre la décision s’il veut prolonger ou non les joueurs en question car il doit mettre sa patte sur l’équipe. On est en train de procéder au changement de pouvoir (sourire).
Comparativement à la saison dernière, et à l’exception de l’arrivée de Pat Emond, les mêmes personnes demeurent en place. Êtes-vous satisfait de ce résultat?
Une analyse à l’interne a été effectuée à la fin de la saison dernière. Il en est ressorti qu’on était l’une des équipes avec le moins de staff au niveau du coaching. On avait besoin d’un troisième coach. C’est pourquoi on est allé chercher Pat, qui était le bon profil pour nous. Tout le monde criait un peu au scandale qu’on n’a pas fait les play-off la saison dernière. Mais il faut être honnête: on n’a pas changé beaucoup de choses. La perte de Reto Berra pour les trois quarts de la saison a été sous-estimée par les gens. Celle de Marcus Sörensen aussi. L’analyse a été faite, mais au final on n’était passé qu’à un point de la 6e place.
Ces (non-) décisions et les résultats actuels prouvent que vous ne faisiez pas si mal votre job…
Seuls quelques petits trucs font que tu finis 4e ou 9e. Dans cette Ligue, ça se joue à des riens. Je ne pense pas que la manière de faire des coaches était fausse. On n’a pas changé grand-chose cette année et ça fonctionne. Pourquoi? Peut-être que les gars ont poussé un peu plus au début. Pat a aussi amené quelques petits ajustements. Mais à la fin, on a une équipe en santé depuis le début de la saison. Au sein du staff, on savait qu’il n’y avait pas grand-chose à changer et qu’on était une bonne équipe.
Pensez-vous qu’il y a eu un trop fort emballement au sein du club après la déception de la saison dernière?
J’ai trouvé exagéré tout ce qu’il s’est passé en fin de saison passée, mais ça fait partie de l’environnement fribourgeois. On sortait d’une super bonne saison, où on était allés en demi-finales des play-off. Ce résultat a aussi montré que la Ligue est tellement serrée que tu ne peux pas penser être dans le top 4 chaque année. Pratiquement toutes les équipes n’y arrivent pas. Genève aussi avait raté les play-off en 2021-2022. Le job des médias est de poser des questions. À Fribourg, le milieu est très chaud et très émotif. À la fin, il n’y a pas grand-chose qui s’est passé car il n’y avait pas grand-chose à changer. On a intégré Pat et effectué quelques ajustements à l’interne dans notre manière de faire. Ça montre qu’on n’avait pas tout faux.
Cette analyse n’a débouché sur aucun changement majeur et donne l’impression que vous vous êtes personnellement renforcé…
Il faut être clair: si on avait mal commencé la présente saison, il y aurait certainement eu de gros changements. Mais ça n’a pas été le cas. Tout le monde est entré dans la nouvelle saison de manière très positive. Ça m’a fait penser à la saison 2020-2021, quand on avait perdu en quarts de finale contre Ge/Servette. On n’avait vraiment pas bien joué et ça s’était mal fini, alors qu’on avait fini 3e de la saison régulière. Il y avait eu une grosse analyse. Les gars s’étaient regardés dans le miroir et n’étaient pas satisfaits, comme cet été.
Dans l’affaire, vous avez quand même perdu votre casquette de directeur sportif. Avec le recul, cette décision n’était-elle pas prématurée?
(Rires) On peut analyser de long en large. Plein de gens m’ont demandé les raisons de ce changement étant donné que ça marche depuis le début de la saison. On l’a fait car l’organisation pensait que c’était la bonne chose à faire, que c’était un lourd poids pour une personne d’avoir ces deux casquettes. La décision a été prise, je suis très à l’aise avec celle-ci et je ne regarde pas en arrière. Gerd est là et ça va me permettre de souffler un peu plus. Je me rappelle aussi dans quel état j’étais en avril dernier et à quel point j’en avais marre. Quand tu es dans une telle situation, tu trouves que c’est injuste de passer si proche des play-off. Mais c’est le sport.
Votre choix de privilégier le poste d’entraîneur à celui de directeur sportif était plutôt osé au niveau de la sécurité de l’emploi…
Je suis un gars qui prend ses décisions au feeling. J’aurais pu choisir la facilité, rester directeur sportif et signer un contrat de quatre ou cinq ans. Mais j’aime être au contact de la glace, coacher mes joueurs, les challenger et me faire challenger. J’ai toujours vécu avec cette émotion et cette pression. J’adore la pression, c’est ce qui me fait vivre. J’ai simplement pris la décision par rapport au poste qui me convient le plus. J’aime être dans le feu de l’action.