BAISSE DE NATALITE EN SUISSEEt si on touchait l’AVS en fonction du nombre d’enfants?
La Suisse affiche une baisse record de la natalité et compte toujours plus de personnes sans enfant. D’où une pression accrue sur l’AVS, au point que des spécialistes exigent que la rente vieillesse soit fixée en fonction du nombre d'enfants.
Aujourd’hui, ne pas être parent n’est plus stigmatisé. Et, note Jeannine Hess, sociologue zurichoise, interviewée par la NZZ am Sonntag: «Autrefois, il fallait se décider consciemment à ne pas avoir d'enfants. Aujourd'hui, on décide plutôt consciemment d’avoir un enfant». Une évolution que montrent clairement les données non encore publiées du Panel suisse de ménages (PSM) de l'Université de Lausanne: aujourd’hui une femme sur quatre (25%) n’a pas d’enfant. Il y a 20 ans, elles n’étaient que 17%.
En parallèle, le taux de natalité en Suisse a baissé, au niveau historique de 1,39 enfant par femme en 2022. Jusqu’en 2050, les prévisions démographiques de la Confédération tablent sur un taux de 1,62. Un scénario «optimiste » qui implique qu’il ne resterait plus que deux personnes actives pour un retraité. Aujourd’hui, ce sont encore 3,1 personnes qui financent une rente AVS. «Si le taux de natalité se maintient à un niveau aussi bas, cela conduira à une nette aggravation des difficultés de financement de notre système social. Un système incluant, outre l'AVS, l'assurance-maladie ainsi que les soins», avertit Veronica Weisser, experte en prévoyance chez UBS.
Système «plus juste et durable»
Pour y remédier, des économistes proposent de lier le montant de la rente AVS au nombre d'enfants des personnes assurées. Pour Wolfram Kägi docteur en droit au bureau de conseil bâlois BSS, «une rente dépendant du nombre d'enfants n'apporte pas seulement plus de justice, mais améliore aussi la durabilité financière de l'AVS». De son avis, notre système «souffre d'un défaut de construction: il ignore le fait que sans enfants, il n'y aura plus de rentes futures». Il note aussi que, si le montant de la rente était lié au nombre d'enfants, il serait possible de compenser, au moins partiellement, le surcroît de dépenses des parents.
On ne paie pas sa propre rente AVS
Wolfram Kägi du bureau de conseil bâlois BSS rappelle que, contrairement à une croyance répandue, ce n’est pas la personne active qui gagne elle-même sa rente AVS en payant ses cotisations salariales. Celles-ci reviennent en effet à nos parents en contrepartie du fait qu'ils nous ont élevés. Il note que bien des gens ne réalisent pas que l'AVS est constituée de deux contrats de générations: «Le débat public traite le plus souvent de la question comment financer les rentes de nos parents. En même temps, nous occultons la façon dont la deuxième prestation, centrale pour l'AVS, à savoir l'éducation des enfants, est honorée.»
Veronica Weisser, économiste d'UBS, précise pour sa part: «Notre législation ne tient pas compte de la deuxième prestation et déséquilibre ainsi notre prévoyance vieillesse». C’est ainsi que l'introduction des systèmes d’assurances sociales aurait contribué à la disparition progressive de la conscience sociale de la valeur des enfants, selon elle.
Un enfant coûte 1000 à 1600 francs par mois à Zurich
Les parents bénéficient certes de déductions fiscales et d'allocations familiales et leurs enfants peuvent aller gratuitement à l’école, cofinancée par les impôts des personnes sans enfants. Mais cela ne suffit de loin pas à compenser leurs désavantages financiers. Le canton de Zurich chiffre ainsi les dépenses pour un enfant entre 1000 et 1600 francs par mois selon l'âge. Leur charge est bien plus importante encore en temps dont la valeur est difficilement mesurable. Les parents doivent ainsi réduire leur temps de travail et renoncer éventuellement à des opportunités de carrière. Selon l'UBS, qui a calculé le montant de revenus que cela représente sur l'ensemble d'une vie professionnelle, un couple moyen avec deux enfants est, à l'âge de la retraite et compte tenu des avantages et des suppléments, dans une situation inférieure d'un bon million de francs à celle du couple équivalent sans enfants.