Notre-Dame de parisUn dialogue entre passé et présent ou un «Disneyland politiquement correct»?
Ravagée par un incendie en 2019, la cathédrale gothique sera fixée ce jeudi sur son réaménagement intérieur. Un projet qui fait couler beaucoup d’encre.
Du street art et de l’art contemporain voisinant avec des tableaux bibliques? Après plus de deux ans d’attente, la cathédrale Notre-Dame de Paris sera fixée jeudi, dans les grandes lignes, sur son futur aménagement. Les experts français du patrimoine doivent rendre leur avis sur le réaménagement intérieur et liturgique de la cathédrale gothique, partiellement détruite en 2019 par un gigantesque incendie qui avait bouleversé le monde entier.
Le clergé entend lui redonner une nouvelle jeunesse avant sa réouverture prévue en 2024 et a conçu un projet qu’il présentera à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), chargée de rendre un avis. Et comme tout ce qui touche à Notre-Dame, admirée par 12 millions de visiteurs chaque année, la presse étrangère en a fait ses choux gras, allant jusqu’à parler de nouveau «Disneyland politiquement correct» («The Telegraph»).
Car des artistes contemporains comme le père français de l’art urbain Ernest Pignon-Ernest, les artistes Anselm Kiefer ou Louise Bourgeois pourraient y voir leurs œuvres «dialoguer» avec celles de maîtres anciens comme les frères Le Nain ou Charles Le Brun, selon «Le Monde». Une information confirmée à l’AFP «à titre d’exemples» par le Ministère de la culture, qui n’y est «pas du tout opposé».
Lumière à hauteur de visage, bancs à roulettes dotés d’aluminions pour remplacer les chaises séculaires, axe central épuré et phrases bibliques projetées dans plusieurs langues sur les murs, font également partie du projet. «Veiller au respect des lois du patrimoine, à la réversibilité (de certains choix) et au respect du monument historique: voilà ce à quoi doit veiller la CNPA», précise à l’AFP le sénateur Albéric de Montgolfier, président de cette commission. Quant au choix des œuvres d’art, «c’est très subjectif», dit-il.
Il confirme, à l’instar du Ministère de la culture, que «beaucoup de rapprochements» sont intervenus depuis le début du projet, il y a deux ans et demi, entre «des visions qui pouvaient s’opposer», concernant la disposition des œuvres d’art sur le parcours déambulatoire ou l’éclairage.
«Bon côté du drame»
Lorsqu’ils retrouveront Notre-Dame, touristes et fidèles devraient entrer par la grande porte centrale et non plus par les portes latérales, et bénéficier d’un parcours aéré autour d’un axe central totalement revu, allant de la nef au chœur, qui accueille 2400 offices et 150 concerts par an. «Le bon côté de ce drame, c’est qu’on va pouvoir redécouvrir Notre-Dame d’une autre façon», dit le sénateur. Il parle d’une «vision plus épurée» qui «correspond plus à ce qu’elle était à son origine».
Il se félicite d’un «nettoyage en profondeur» des 14 chapelles, déjà très délabrées avant l’incendie, et dont certaines servaient à entreposer du mobilier et du matériel faute de place. Cela permettra, dit-il, de redécouvrir les «Mays», grands tableaux d’autel commandés chaque année à de grands artistes, entre 1630 et 1707, par la corporation des orfèvres qui les offrait à la cathédrale.
Pragmatique, le père Drouin, directeur de l’Institut supérieur de liturgie, se félicite d’avoir trouvé «une solution» pour le stockage du matériel et du mobilier dans la crypte, sous l’édifice, grâce à un «monte-charge». Les vieilles chaises comme les nouveaux bancs pourront ainsi y descendre en fonction des besoins et de l’affluence.
Il souhaite aussi mieux faire comprendre le christianisme à un public qui ne le connaît pas forcément, en projetant sur les murs rénovés «des phrases bibliques ou de tradition spirituelle chrétienne» en plusieurs langues.