Assassin ou meurtrier?Le caïd de la Vallée a tué pour 500 g d’herbe
En novembre 2018 à Yverdon, un dealer de 21 ans est mort en défendant sa came. L’auteur du tir fatal et deux complices comparaîtront dès jeudi.
![Evelyne Emeri](https://media.lematin.ch/4/image/2023/10/26/c3c9a11b-7dc8-4487-adea-937803c6103e.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C0%2C1776%2C1799&fp-x=0.5&fp-y=0.500277932184547&crop=focalpoint&s=41455c522f4857632201eb1762794cca)
![Le Tribunal criminel d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois siégera à la salle d’audience cantonale à Renens dès jeudi 6 janvier. Le procès est prévu sur quatre jours. Le Tribunal criminel d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois siégera à la salle d’audience cantonale à Renens dès jeudi 6 janvier. Le procès est prévu sur quatre jours.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/cc65157e-8f2a-4f02-ac39-f3b9fa03cefb.png?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1367&fp-x=0.5&fp-y=0.5003657644476956&s=f55615e660d7efb6b49e7f0313836d91)
Le Tribunal criminel d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois siégera à la salle d’audience cantonale à Renens dès jeudi 6 janvier. Le procès est prévu sur quatre jours.
lematin.ch – Maxime SchmidC’est ainsi que les habitants du coin et les initiés le surnomment: le caïd de la Vallée (de Joux) ou le caïd des Bioux. Ce petit village, pied dans l’eau, qui se serait bien passé de faire la une des médias. Au soir du 17 novembre 2018 précisément, un de ses habitants de 19 ans pointait son arme sur un dealer de 21 ans pour le contraindre à lui donner 500 g de marijuana sans le rétribuer. Et tirait. La transaction devait avoir lieu vers 22h dans le parc des Quatre-Marronniers à Yverdon. S’est-elle transformée en guet-apens ou est-ce un accident? Quoi qu’il en soit, elle a fini en bain de sang. L’auteur du tir mortel et ses jeunes sous-fifres ont filé, abandonnant Goran* dans un état désespéré. Des promeneurs ont donné l’alerte peu après. La victime est décédée au CHUV quelques heures plus tard.
Il aurait tout planifié
Ressortissant espagnol, Diego*, 22 ans aujourd’hui, est né à Lausanne et a grandi ici. Ce samedi noir, le trafiquant aurait tout planifié. L’accusation soutenue par le procureur Bernard Dénéréaz en est convaincue. Lui et Goran, réfugié kurde de Syrie établi à Yverdon, s’étaient rencontrés au printemps 2018 par le biais d’une connaissance commune. Courant 2018, l’étudiant kurde s’était livré à de la vente de marijuana et de haschich. Et pensait conclure la négociation convenue avec le caïd. Il n’en aurait jamais été question. Le boss de la bande avait enfilé un survêtement au-dessus de ses habits, sachant qu’il s’approcherait de Goran pour lui dérober sa marchandise. Un complice devait faire exploser des pétards pour couvrir les éventuels coups de feu d’intimidation.
Trois armes
Le magistrat soutient également que Diego est passé chercher un pistolet chez Romain*, un des coprévenus: un Sig Sauer P210 acquis sans autorisation, tout comme précédemment un Smith & Weeson et un pistolet à lapins. Arrivé au parc d’Yverdon, l’Espagnol, accompagné par le troisième coaccusé Mirjan* et des petites mains, a aperçu sa future proie et aurait tenté de lui arracher son sac qui contenait les 500 g de drogue. Goran se serait défendu. Le meneur lui aurait alors montré son arme et aurait tiré trois ou quatre fois en l’air. Le jeune dealer n’aurait pas cédé et l’aurait même provoqué en lui disant qu’il n’avait pas peur de mourir. C’est là que tout aurait basculé. Le caïd de la Vallée aurait alors visé la tête du dealer et appuyé sur la détente.
ADN sur le Sig
Les agresseurs ont ensuite filé en voiture, caché l’arme et le survêtement, puis jeté au lac le téléphone du chef de bande. Le lendemain, ce dernier et Mirjan sont allés rechercher le Sig et les habits à Yverdon avant de les confier à Romain pour qu’il s’en débarrasse définitivement. S’il s’est exécuté pour les vêtements, il a dissimulé l’arme qui a été retrouvée par les enquêteurs avec son ADN. Diego et son bras droit Mirjan ont été interpellés rapidement par les forces de l’ordre. Ils sont en détention préventive, respectivement depuis le 21 novembre 2018 et le 22 novembre 2018.
Fin stratège
Trois prévenus, accusés des pires infractions du Code pénal suisse: l’assassinat (ndlr. 10 ans ferme au minimum) et le meurtre (ndlr. 5 ans ferme au minimum), ou la complicité s’agissant des deux coaccusés. Sur le devant de la scène surtout, un fin stratège impliqué dans un vaste trafic de haschich entre la vallée de Joux et Yverdon et parfaitement structuré pour ses 19 ans de l’époque. L’individu, déjà connu des services de police avant sa majorité, dealait. Mais pas que. Il menaçait ses fournisseurs avec des armes de poing, tirait en l’air, parfois dans leur direction, pour les apeurer et leur voler leur marchandise. L’acte d’accusation du Ministère public est clair sur ce point. Et retient deux autres épisodes similaires aux Bioux et à Bretonnières notamment, toujours dans le Nord vaudois. Qui auraient aussi pu tuer.
Fournisseurs floués
Avec l’aide de ses deux acolytes vaudois, Mirjan (24 ans/détenu) et Romain (21/libre), le malfrat (22/détenu) avait tissé un réseau impressionnant comprenant une quinzaine de jeunes, majeurs et mineurs, déférés séparément, pour certains déjà jugés. Toujours selon le procureur Dénéréaz, ceux-ci servaient de rabatteurs à Diego pour dénicher des fournisseurs qu’il abusait au moment de l’échange de produits stupéfiants. Si les infractions retenues s’étendent de 2016 à novembre 2018, les allégations du Parquet démontrent que dès l’automne 2017 les délits s’accumulent et s’aggravent concernant le plus acculé du trio. Entre mai et novembre 2018, il aurait acquis entre 20 et 28 kg de haschich à 2800 francs l’unité (de 56 000 à 78 400 francs), s’adonnant ainsi à un important trafic.
Palmarès édifiant
En sus de l’assassinat et du meurtre, l’acte d’accusation répertorie la longue liste de son palmarès délictueux: Diego cumule le trafic et la consommation de stups, une dizaine de dommages à la propriété, des brigandages qualifiés, des vols, des violations de domicile, l’achat illicite de trois armes, une agression et des lésions corporelles simples, des tentatives d’assassinat, de meurtre et de lésions corporelles graves… Une douzaine de lésés – des privés, les CFF, Travys, un home – ont déposé des plaintes pénales. Mirjan et Romain vont, quant à eux, devoir répondre, en particulier: de complicité d’assassinat, de complicité de meurtre, d’infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et sur les armes, ainsi que d’entrave à l’action pénale.
*Prénoms d’emprunt