TerrorismeAu procès du 13-Novembre, Yassine Atar sous l’ombre du grand frère
Petit frère d’Oussama Atar, l’un des commanditaires du 13-Novembre, Yassine Atar a tenté mercredi de prendre ses distances.
Il a vécu le départ de son grand frère pour la Syrie comme un «crachat» sur sa famille. Au procès du 13-Novembre, l’accusé Yassine Atar, petit frère du commanditaire des attentats, a de nouveau tenté de se distinguer de son aîné pour clamer son innocence.
Yassine Atar est debout dans le box des accusés pour la deuxième journée de suite. Il transpire de sa voix et de sa gestuelle une urgence de s’exprimer, et le président de la cour d’assises spéciale doit parfois le recadrer. «Moi, je veux que tout le monde sache tout sur moi. Que tout le monde comprenne qui j’étais, que je suis innocent et de bonne foi», s’excuse le Belge de 35 ans de son débit mitraillette.
Il est notamment jugé pour avoir détenu une clé d’une planque du principal accusé Salah Abdeslam – la question sera abordée plus tard – mais sait surtout que pèse sur lui l’ombre écrasante de son frère, présumé mort en Syrie et jugé par défaut au procès. C’est de leur relation qu’il est question ce jour. Dès ses premiers mots à la cour en septembre, l’accusé avait tenu à se distinguer: «Oussama Atar, c’est Oussama Atar, moi je ne suis pas Oussama Atar».
En 2003 à 19 ans, Oussama Atar est parti étudier en Syrie puis combattre en Irak, avant de se faire arrêter par les troupes américaines. Il passera six ans en prison, notamment dans la tristement célèbre prison d’Abou Ghraïb, avant d’être libéré et de rentrer en Belgique en 2012. Il en repartira un an plus tard, «sans prévenir personne», dit son petit frère, cette fois pour y devenir un haut cadre de l’État islamique.
«J’ai pris ça comme un crachat, d’abord sur ma mère. Pendant un an, on lui a expliqué qu’on avait souffert pendant dix ans, et le mec, il en a rien à foutre. Du jour au lendemain, j’entends qu’il a disparu», s’énerve Yassine Atar. Il assure que leurs relations s’étaient tendues, son grand frère n’approuvant pas son «mode de vie» ou le fait qu’il ait été condamné pour une affaire de stupéfiants.
«Campagne médiatique»
Après ce deuxième départ en septembre 2013, ses contacts avec Oussama Atar sont «inexistants», «comme l’a montré l’enquête», insiste Yassine Atar, qui semble obsédé par son dossier. Dans un SMS envoyé à sa sœur fin 2015, il lui dit qu’ils ne sont pas parlés «depuis deux ans».
Cette dernière a témoigné devant la cour juste avant lui, par visioconférence, pour longuement expliquer les différences entre les deux hommes. Yassine, grand frère «surprotecteur», «bien coiffé, bien habillé, pas du tout dans la religion». Et Oussama, «très renfermé sur lui-même, déjà ado», qui «a gâché notre vie à tous» et qu’elle ne considère plus comme son frère.
La cour veut en savoir plus sur cette année qu’Oussama Atar a passée en Belgique, où il est revenu «rachitique, la peau sur les os», disent ses proches qui avaient organisé une «campagne médiatique» pour réclamer sa libération. La famille pensait qu’il était parti faire de l’humanitaire, et il a été jugé et condamné en Irak pour «entrée illégale sur le territoire, pas pour terrorisme», justifie Yassine Atar.
Lui comme sa sœur assurent que le sujet était «tabou» et qu’Oussama Atar ne leur a rien dit, ce que la cour et le ministère public peinent à croire. «Toute la famille s’est mobilisée pendant 10 ans pour le faire sortir et personne n’a la curiosité d’essayer d’en savoir plus?» demande l’avocat général, sceptique. «Il ne voulait pas en parler», balaie Yassine Atar. «On sait très bien ce qu’il s’est passé à Abu Ghraïb, on l’a vu à la télé. Nous on voulait qu’il se soigne, qu’il refasse sa vie et qu’il passe à autre chose».