Commentaire - Guerre en Ukraine: quand tout le monde est le nazi de l’autre

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CommentaireGuerre en Ukraine: quand tout le monde est le nazi de l’autre

L’idéal serait finalement de «dénazifier» le langage en supprimant toutes les références à la 2e guerre mondiale.

Eric Felley
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Eric Felley
Vladimir Poutine veut démilitariser et «dénazifier» l’Ukraine.

Vladimir Poutine veut démilitariser et «dénazifier» l’Ukraine.

AFP

Dans la guerre lancée par la Russie de Vladimir Poutine contre sa voisine l’Ukraine, il existe une légitimation que l’on n’avait pas vu venir avec autant d’ampleur: la référence constante dans le discours russe aux «nazis». L’armée russe veut «dénazifier» l’Ukraine, ce qui rend légitime une opération militaire de nettoyage. Ce qui rend légitime aussi la démesure qui l’accompagne en termes de victimes civiles et de réfugiés.

En 2014, lors des événements de la place Maïdan à Kiev, on a vu se former des milices ukrainiennes revendiquant l’idéologie néonazie, qui ont constitué au fil du temps le régiment d’Azov, devenu l’illustration et la preuve pour les Russes que l’Ukraine est infestée de nazis. Il s’est construit un récit qui a conditionné les esprits à abandonner tout état d’âme. Un bon nazi est un nazi mort, même si on ne sait plus trop à quoi il ressemble.

Il faut être pire qu’eux

Du point de vue occidental, on ne considère évidemment pas les Ukrainiens comme un peuple de néonazis, hormis les milices d’Azov, dont a parlé plus haut, qui constitue effectivement un problème. À l’origine de cette guerre en Ukraine, on trouve des ultranationalistes de part et d’autre, qui entraînent dans la terreur des millions de gens qui n’aspiraient qu’à vivre en paix. Si le discours politique est miné par cette abstraction qu’est le destin d’un peuple face une agression «nazie», la catastrophe n’est pas loin. Surtout, quand il apparaît que pour battre des nazis, il faut être encore pire qu’eux.

Ce qui est paradoxal autour de cette question, c’est que dans les pays occidentaux, les franges à l’extrême droite de la société (donc les plus proches supposées d’une idéologie nazie) ont toujours eu de l’admiration pour Vladimir Poutine, mais celui-ci serait justement parti en guerre contre eux! C’est à n’y plus rien comprendre. Après les massacres et autres exactions recensées sur des civils, c’est au tour des autorités ukrainiennes de parler des soldats russes en termes de «nazis» ou de «fascistes». D’où l’on peut conclure qu’il y a des nazis partout et qu’ils ne s’aiment pas entre eux.

Dénazifier le langage

Parfois, on aimerait pouvoir «dénazifier» ou «défasciser» le langage pour ne plus avoir ces références, qui sont comme des poisons mortels pour la paix des ménages et des peuples. Il y a une quinzaine d’années en Valais, un journaliste proche du PLR avait comparé un politicien connu de l’UDC à Hitler. Il avait été condamné jusqu’au Tribunal fédéral. Les juges avaient rappelé qu’il était attentatoire à l’honneur «le fait d’assimiler une personne à un parti politique que l’histoire a rendu méprisable ou de suggérer qu’elle a de la sympathie pour le régime nazi». Voilà une jurisprudence helvétique qui devrait inspirer les belligérants du Donbass… Mais il ne faut pas rêver.

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