FranceMireille Knoll a été «massacrée» parce que juive, assure son fils aux assises
Au 5e jour du procès de l’octogénaire tuée en 2018, Alain Knoll a raconté le «malaise» qu’il a ressenti en rencontrant le futur meurtrier de sa mère dans son appartement.
Il ne fait aucun doute pour Alain Knoll que sa mère Mireille a été «massacrée» à 85 ans parce qu’elle était juive, comme il en a témoigné mardi au cinquième jour du procès du meurtre de la vieille dame malade, poignardée onze fois.
«Si j’avais su ce qui se passerait…»
Ce 23 mars 2018, Alain Knoll vient voir sa mère et lui prépare le déjeuner. A son arrivée dans le hall, il tombe à sa «surprise» sur Yacine M. qui «l’attend».
L’homme, dont la mère habite dans le même immeuble modeste de l’est parisien que Mireille, lui explique qu’il «vient de sortir de prison». Il a en fait été libéré en novembre 2017 après une condamnation pour agression sexuelle sur mineure, des faits qui s’étaient déroulés dans l’appartement même de Mme Knoll. A ce titre il lui est interdit de fréquenter cet immeuble du XIe arrondissement, élément que M. Knoll ignore.
Alain Knoll lui ouvre la porte, note que sa mère semble «contente» de voir Yacine M., le fil de la voisine, qui lui rend de menus services depuis qu’il est gamin.
Mais rapidement Alain Knoll, comme il le raconte à la barre, ressent un «malaise» à voir cet homme «pas agressif» mais «sans gêne» qui prend un verre et se sert du Porto.
Le fils doit partir pour des rendez-vous, laissant M. M. avec sa mère qui «ne voyait nulle part le mal».
«Elle ne s’attendait pas que celui qu’elle protégeait depuis des années devienne son bourreau», dit-il, droit à la barre malgré l’émotion.
Ses mots se font hésitants, ses silences lourds dans la petite salle des assises de Paris. Puis il finit par lâcher: «si j’avais su ce qui se passerait, je l’aurais fait partir... ce sentiment de... je n’ai pas été à la hauteur, je n’ai pas pu la protéger».
Il a apporté un portrait au fusain de sa mère pour montrer «la beauté de son visage». Loin des photos insupportables diffusées au procès, qui montraient son corps retrouvé par les pompiers «à moitié carbonisé», alors qu’»elle n'avait plus de visage, plus de nez, plus de joues".
Les deux accusés n’avaient alors pas jeté un oeil aux clichés, malgré les invectives de la famille Knoll.
«Rumination antisémite»
Yacine M., 32 ans, et Alex C., 25 ans, deux jeunes à l’enfance cabossée et coutumiers des mensonges, se sont rencontrés en détention.
Ils sont accusés du meurtre de Mireille Knoll, avec les circonstances aggravantes du fait de la vulnérabilité de la victime, atteinte de la maladie de Parkinson et ne pouvant que très difficilement se déplacer seule, et de son appartenance à la communauté juive.
Ce drame, survenu un an après le meurtre de Sarah Halimi, une sexagénaire juive jetée de son balcon, avait provoqué une vive émotion et relancé le débat sur un «nouvel antisémitisme».
«Pourquoi qualifier ce crime d’antisémite?», interroge mardi Charles Consigny, l’un des avocats de M. M., si ce n’est que le parquet a retenu cette qualification?
Au début «on ne voyait pas l’aspect antisémite avec mon frère», explique Alain Knoll, «nous pensions à un crime crapuleux». Mais au vu de «la violence des coups de couteau», traduction évidente d’une «haine pure», «j’en conclus qu’ils se sont payé une «youpine» et qu’ils l’ont massacrée», tranche-t-il, maîtrisant sa colère.
Il cite aussi, pour la première fois, des bribes de conversation qu’il dit avoir entendues ce 23 mars entre sa mère et M. M.. Elles concernent l’extrême droite et des «Juifs qui sont des privilégiés», assure-t-il.
Mais l’avocat de M. M. lui rappelle qu’il a été entendu le jour des faits et le lendemain par les enquêteurs et ne les a pas mentionnées: «à aucun moment vous n’indiquez cette discussion», lui lance fermement Fabrice de Korodi Katona, qui dénonce une «rumination antisémite» attribuée à son client.