Sud-ouest de la FranceFace à l’avancée de l’océan, des petites villes prennent du recul
Pour lutter contre la «fonte» des plages, Biscarrosse et d’autres localités de la côte Aquitaine ou basque n’hésitent pas à démonter des bâtiments pour les reconstruire plus loin.
À la mi-octobre, sur la plage de Biscarrosse, dans le sud-ouest de la France, les restaurants en bois et les vigies des maîtres-nageurs se transforment en tas de poutres et de planches soigneusement empilées, un démontage obligatoire car ici, la dune est en danger.
«On a parfois l’impression que le législateur avance moins vite que l’érosion.»
La station balnéaire, comme celle de Lacanau ou d’autres sur le littoral atlantique, est prête à battre en retraite et faire reculer les bâtiments menacés par l’érosion marine – phénomène naturel enclenché depuis des siècles –, mais réclame des outils juridiques et financiers. Giflée par les vagues et les vents de l’Atlantique, la plage de Biscarrosse (16’000 habitants) est grignotée, chaque année, de deux mètres en moyenne, jusqu’à cinq en cas de fortes tempêtes.
Entre 50 et 70 mètres d’ici à 2050?
Selon les chercheurs de l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine, l’érosion pourrait faire reculer le littoral sableux du golfe de Gascogne de 50 mètres d’ici à la moitié du siècle, auxquels pourraient potentiellement s’ajouter 20 mètres de repli supplémentaire, en raison du changement climatique.
Sur la dune, au sommet de la plage centrale, seules trois bâtisses «en dur» - deux villas découpées en une vingtaine d’appartements et un hôtel haut de gamme - construites au début du XXe siècle subsistent après le démontage automnal. La commune landaise cherche à les racheter pour les reconstruire plus loin, dans les terres, au grand dam de certains propriétaires.
Hôtel «enraciné»
Le Grand Hôtel de la Plage est «enraciné sur 14 mètres de profondeur» depuis sa remise à neuf, en 2013, se défend Alexandre Michel, directeur de cet établissement quatre étoiles. «Il n’y a pas de risque que ça s’effondre. En 2045, on sera encore là!» Vincent Bawedin, géographe et ingénieur chargé de la gestion du trait de côte à Biscarrosse, estime au contraire que ces bâtiments pourraient s’écrouler en «cinq à dix ans», en cas de puissantes tempêtes hivernales.
Selon le Groupement d’intérêt public Littoral, principal acteur des stratégies locales de gestion de l’érosion, sans aucun ouvrage de protection ou politique active de préservation, près de 6500 logements et commerces côtiers sont menacés d’effondrement d’ici 2050, du Médoc au Pays basque.
Priorité aux élus en cas de vente
Mais pour réussir le pari de la «relocalisation», les communes réclament des outils juridiques et financiers à l’État. Car «on a parfois l’impression que le législateur avance moins vite que l’érosion», se désole Vincent Bawedin.
Néanmoins, la nouvelle Loi climat et résilience, promulguée cet été, permet désormais aux élus locaux d’avoir la priorité sur un logement en cas de mise en vente dans les zones menacées. Des mesures pour faire baisser le coût à supporter devraient aussi être prises dans les mois à venir, indique Stéphanie Dupuy-Lyon, à la tête de la Direction de l’aménagement du logement et de la nature au Ministère de la transition écologique. Ainsi, plus la menace de l’érosion «se rapprochera» d’un bâtiment, «moins sa valeur sera importante».
Des blocs de pierres ou du sable
Mais qui dit acquisition ou expropriation dit paiement. Pour Laurent Peyrondet, maire de Lacanau, qui évalue à 400 millions d’euros la valeur des biens menacés sur son territoire, les communes n’ont «clairement pas les moyens» d’engager «seules» les rachats nécessaires. Comme d’autres élus du littoral, il réclame à l’État la création d’un mécanisme de financement, en suggérant des ponctions sur les assurances.
«Les communes n’ont clairement pas les moyens» d’engager seules les rachats nécessaires.»
Sa ville de 5000 habitants, pionnière dès 2012 des stratégies de repli, a finalement opté pour la construction d’un enrochement de blocs de pierres, qui devrait fixer la dune sur un kilomètre jusqu’en 2050, avant d’enclencher «le scénario de relocalisation». Actuellement cofinancée par les collectivités, l’État et les fonds européens, cette protection en dur coûtera, à terme, «plus de 30 millions d’euros», soit l’équivalent du budget annuel de la commune.
Une solution écartée par Biscarrosse, car «les points durs» bloquent «le transfert de sédiments» et creusent encore plus la plage de part et d’autre des ouvrages, dit Vincent Bawedin. En attendant, sa ville recharge chaque hiver sa dune fragilisée avec du sable acheminé par des camions, depuis une plage sauvage à proximité.