«Enfin remis totalement à la nature»

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Jura«Enfin remis totalement à la nature»

Les citoyens de Bonfol ont enterré un projet de mémorial incluant un gigantesque mur en béton, vestige d’une décharge dépolluée. L’ancien ministre Pierre Kohler applaudit.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
Le mur sera détruit et la nature reprendra ses droits dans la clairière interdite d’accès d’ici là.

Le mur sera détruit et la nature reprendra ses droits dans la clairière interdite d’accès d’ici là.

lematin.ch/Vincent Donzé

Ni l’architecte tessinois Mario Botta, ni l’artiste jurassien Augustin Rebetez ne pourront s’appuyer sur un gigantesque mur pour réaliser un mémorial sur le site d’une ancienne décharge, à Bonfol (JU). Vestige d’une énorme halle déconstruite en 2016, après l’excavation des déchets de la chimie bâloise, ce mur sera abattu. «Le site sera enfin remis totalement à la nature», réagit l’ancien ministre jurassien Pierre Kohler.

Après l’échec d’un projet formulé par Mario Botta, trop cher à réaliser avec sa tour panoramique, l’artiste Augustin Rebetez, l’entrepreneur Gauthier Corbat et l’architecte Sylvain Dubail proposaient de s’appuyer sur le mur pour réaliser une «tanière magique» sous un toit incliné.

Mur de Jérusalem

Mercredi soir, l’ancien ministre François Lachat, président de Visarte Jura et citoyen d’honneur de Bonfol, a vanté les mérites du projet «Refuge» devant l’assemblée communale. «On ne veut pas de ton mur de Jérusalem», a lancé un citoyen à l’issue de son intervention.

«Le Quotidien Jurassien» a relevé une autre réflexion exprimée à l’assemblée: «Quel intérêt y a-t-il à nous souvenir de cette décharge et de son mur?» a demandé un citoyen favorable à… une place de pique-nique. «L’exploit de Bonfol a été de se faire payer une fois pour accueillir les déchets et une seconde fois pour les enlever», a ajouté cet intervenant.

Verdict de l’assemblée: 17 oui et 43 non. «La décision est claire et sans appel», constate l’ancien ministre de l’Environnement Pierre Kohler, qui s’est engagé contre le maintien du mur avec l’ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage, Philippe Roch. Et Pierre Kohler de manier l’ironie: «Le projet prévoyait des hébergements insolites, selon ses concepteurs. C’est vrai de dormir sur une ancienne décharge, ça fait rêver…».

Dans des fours

De 1961 à 1976, la chimie bâloise a exploité ce site choisi pour l’étanchéité de son argile, utilisé pour la fabrication de tuiles et de pots. À l’initiative de Pierre Kohler, alors ministre de l’Environnement, elle a payé 480 millions pour évacuer et éliminer dans des fours allemands et belges 193’000 tonnes de déchets toxiques et de terres contaminées. Une opération qui a duré 16 ans.

Le mur sera détruit aux frais de la chimie bâloise. Et après? «Cette renaissance devrait être marquée par un geste artistique, mais à l’intérieur du village de Bonfol», estime Pierre Kohler, fondateur du musée de l’art optique à Porrentruy. Il s’agit pour lui d’attirer des touristes à Bonfol «pour son activité historique de poterie et ses merveilleux étangs».

En bordure

Si le site a été remblayé en 2018 et remis en état en 2019, conformément aux demandes des autorités cantonales, certains secteurs en bordure de l’ancienne décharge ont fait l’objet d’investigations supplémentaires. Résultat publié ce matin: un assainissement complémentaire de trois zones sableuses est nécessaire. «Une réalisation des travaux est prévue en 2023», indiquent les autorités cantonales.

«Ces zones sableuses sont isolées de la surface sous plusieurs mètres d’argile et aucun impact n’est aujourd’hui constaté sur les eaux souterraines et les eaux de surface», rassure l’Office de l’environnement.

L’assainissement complémentaire doit permettre de protéger les eaux de la pollution.

L’assainissement complémentaire doit permettre de protéger les eaux de la pollution.

bci Betriebs-AG

Deux campagnes de forages et de sondages à la pelle mécanique ont permis d’obtenir les connaissances nécessaires quant à la répartition des polluants et leurs quantités. «Afin de maintenir cet état stable, les eaux qui proviennent de ces zones sableuses sont actuellement captées et traitées de manière continue», détaille l’Office jurassien de l’environnement.

Avec l’arrêt de leur captage, les eaux contaminées pourraient atteindre après un certain temps les eaux de surfaces et les polluer. Les seules variantes envisageables pour décontaminer ces zones sableuses sont le traitement thermique sur place ou l’excavation avec élimination dans des fours adaptés.

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