Une découverte romande pourrait soigner une grave maladie de l’oeil

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En comprenant un mécanisme provoquant une affection qui peut conduire à la cécité, des chercheurs genevois et lausannois laissent augurer d’une thérapie.

La maladie débute par une perte de vision nocturne, puis un champ de vision rétréci et aboutit à la cécité vers 40 ans.

La maladie débute par une perte de vision nocturne, puis un champ de vision rétréci et aboutit à la cécité vers 40 ans.

Hôpital ophtalmique Jules Gonin

La rétinite pigmentaire est la maladie rétinienne héréditaire la plus répandue chez l’être humain, touchant une sur 4000 dans le monde. L’apparition des premiers symptômes survient en général entre l’âge de 10 et 20 ans avec une perte de la vision nocturne. Par la suite, le champ visuel se rétrécit en une «vision tunnel» pour aboutir finalement à une cécité vers l’âge de 40 ans.

Cette maladie est caractérisée par une dégénérescence des cellules sensibles à la lumière, les photorécepteurs. Ces cellules neuronales spécialisées de la rétine sont responsables de la conversion de la lumière en signal nerveux. Un cil connecte les pigments sensibles à la lumière, qui sont sur le segment externe de la cellule, à la machinerie métabolique interne qui fait fonctionner la cellule.

Mutation de quatre protéines

Des mutations dans les gènes de quatre protéines localisées au niveau de ce cil connecteur sont toutes associées à des pathologies rétiniennes présentant des dégénérescences de photorécepteurs. Ces quatre protéines avaient été identifiées par le laboratoire de Paul Guichard et Virginie Hamel du Département de biologie moléculaire et cellulaire de la Faculté des sciences de l’Université de Genève (UNIGE). Il les avait localisées au niveau des centrioles, des structures cylindriques formées de microtubules et présentes dans toutes les cellules animales. «Dans le centriole, ces protéines assurent la cohésion des différents microtubules en agissant comme une fermeture éclair. Nous nous sommes demandé si elles ne jouaient pas le même rôle dans les structures tubulaires des cils connecteurs», explique Virginie Hamel, dernière auteure de l’étude qui paraît ce 16 juin dans la revue «PLOS Biology».

Grâce à des techniques de microscopie à expansion, qui permettent de gonfler les cellules sans les déformer, les scientifiques ont pu observer les tissus rétiniens avec une résolution jusqu’alors jamais atteinte. Les biologistes se sont concentrés sur la structure de cils connecteurs provenant de souris et qui présentaient (ou non) une mutation dans le gène d’une des quatre protéines mentionnées. Ces observations ont été menées à différents stades de vie.

«En l’absence de la mutation, nous avons constaté que ces protéines assurent, tout comme nous l’avions précédemment vu dans les centrioles, la cohésion entre les microtubules en formant une fermeture éclair qui se referme au fur et à mesure du développement», explique Olivier Mercey, chercheur au Département de biologie moléculaire et cellulaire et premier auteur de l’étude.

En revanche, lorsque le gène de cette protéine est muté, bien que la structure des microtubules apparaisse normale dans les premiers jours, ils deviennent progressivement de moins en moins solidaires entre eux. À l’âge adulte, les souris concernées présentent finalement des microtubules qui ne sont plus du tout «zippés» les uns aux autres et qui finissent par s’effondrer, conduisant à la mort cellulaire des photorécepteurs.

Tenter de restaurer le «zip moléculaire»

Ces travaux, soutenus par le Conseil européen de la recherche (ERC) et la Fondation Pro Visu, ont conduit à une meilleure compréhension au niveau moléculaire et structural de la rétinite pigmentaire qui permet d’envisager des traitements thérapeutiques agissant avant la dégénérescence des cellules. «En injectant la protéine chez les patients souffrant de certaines rétinites pigmentaires, on peut supposer que le zip moléculaire puisse être rétabli pour garantir l’intégrité structurale des microtubules des cils connecteurs, évitant ainsi la mort des cellules photoréceptrices. Nous évaluons cette approche en collaboration avec nos collègues de l’Université de Lausanne (UNIL) et de l’Hôpital Ophtalmique Jules-Gonin, Yvan Arsenijevic et Corinne Kostic», conclut Paul Guichard, co-dernier auteur de l’étude.

(comm/M.P.)

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