FootballGenève, la ville qui n’aime pas assez Servette
Le club «grenat» aurait mérité plus qu’une affluence misérable pour voir le chef-d’œuvre de Rodelin contre Saint-Gall (1-0). Moins de 5000 spectateurs pour une reprise, c’est une honte.
- par
- Nicolas Jacquier Genève
Alain Geiger a probablement raison lorsqu’il estime que Servette «ne sera pas champion de Suisse cette année». C’est ce que le coach de la Praille a affirmé avant le lever de rideau de la saison 2022-2023 et le Valaisan n’a pas dû changer d’avis après les trois points récoltés contre Saint-Gall.
Trois points obtenus grâce à une inspiration géniale de Ronny Rodelin, dont le coup d’œil autant que la précision du geste (un lob à l’instinct de plus de 40 mètres), ont suffi pour traduire une entame de match parfaite. Un but qui, reconnaissons-le et sans rien enlever au mérite de son auteur, doit aussi beaucoup à l’étourderie d’un Zigi égaré à la hauteur de ses seize mètres.
Sans doute Rodelin lui-même, autant que ses coéquipiers, dans un registre qu’on leur connaissait moins (celui de la résistance active et d’une solidarité payante), auraient-ils mérité d’entamer leur championnat devant des tribunes mieux garnies. Or Servette a effectué sa rentrée des classes devant 4872 spectateurs. C’est une honte pour une ville comme Genève, traduisant là l’apparent désintérêt de sa population pour son club de football.
Une quasi-indifférence
Certes, les fans «grenat», notamment regroupés parmi les ultras, étaient présents en nombre et on les a entendus mais quid des autres? De tous ceux qui, au bureau, au café, en famille ou au bord du lac, parlent supposément du Servette à longueur d’année, mais rechignent à se déplacer au stade? L’aiment-ils vraiment? Une reprise, ce n’est pas un truc anodin, il s’agit d’en être, non? À Genève, il y a toujours quelque chose - les vacances, la canicule, l’horaire, etc. - pour justifier la démission du public. On n’est pas loin d’une nouvelle Genferei dont se repaissent tant nos amis alémaniques.
S’apparentant à une forme de rejet, cette désaffection, qui touche également d’autres clubs latins (on pense en premier lieu à Lugano), n’a fait qu’accentuer le décalage avec les deux matches de la veille, disputés eux à guichets fermés. 31’120 spectateurs ont assisté à la leçon d’YB contre Zurich, fessant le champion 4-0, alors que la Schützenwiese affichait complet (8400 personnes) pour saluer le retour des Lions dans l’élite helvétique - 1-1 contre Bâle. C’est bien connu qu’à Berne et à Winterthour, personne ne prend de vacances à la mi-juillet!
Pendant ce temps, Servette, hormis le cercle des initiés, a entamé sa saison dans une quasi-indifférence. On sait le public genevois événementiel. Comme Alain Geiger, il attend l’arrivée d’un gros transfert qui ne viendra jamais. Le coach a certainement raison: ce Servette-là, davantage de transition que de tradition, ne succédera pas au FC Zurich en mai 2023. Mais il peut piquer des points à tout le monde; et peut-être beaucoup.
Les trois enseignements
Il n’y a pas que le beau jeu dans la vie «grenat». Servette n’a ni séduit ni vraiment convaincu mais il a su gagner en s’appuyant sur d’autres qualités ce qui représente aussi en soi un gage de progression. Moins de panache, plus de transpiration et de sueur, un Servette flamboyant peut en cacher un autre, plus travailleur. Cela n’est pas forcément ce que l’on aime mais cela peut marcher une fois ou l’autre. Trouver des solutions de remplacement, s’y accrocher avec détermination, ne doit toutefois pas occulter l’essence même du jeu genevois à moyen terme.
Si elle est avant tout collective, cette victoire du courage est aussi celle d’Alain Geiger, que l’on a vu brandir un poing rageur au coup de sifflet final. Dans le match l’opposant à Peter Zeidler envers lequel le coach de la Praille pouvait nourrir un complexe, le Valaisan a quelque peu réduit l’écart. En 14 confrontations directes, on en est à 9 victoires du technicien allemand contre désormais 3 succès estampillés Geiger et 2 nuls. L’écart demeure important mais le mécanisme d’une «remontada» a été au moins enclenché.
Servette doit s’habituer à composer sans Kastriot Imeri. En attendant son départ à l’étranger, l’homme est toujours là sans être là (pas convoqué). Le joyau de la Praille a un prix sur lequel son club n’entendrait pas transiger. Voilà qui explique pourquoi tout cela traîne un peu.
Des mots sur les maux
Quand un joueur se présente en conférence de presse d’avant-match, tout le monde sait d’avance ce qui va généralement en ressortir: rien, sinon pas grand-chose. Tant les propos débités sont convenus, déjà rabâchés des milliers de fois. Discours de l’inutilité pour faire passer le temps.
Dans cet exercice habituellement soporifique, Servette aurait pourtant dû se méfier avec Gaël Clichy, imprudemment envoyé vendredi dernier devant les micros. Parce que le Français, qui n’est pas réputé pour garder sa langue dans sa poche, avait des choses à dire. Qu’il ne s’est pas gêné d’exprimer, évoquant ce qui ne fonctionnait pas encore assez bien à ses yeux au sein même du SFC… Après avoir dégoupillé, chacun en prenant pour son grade, Clichy a le plus normalement du monde retrouvé sa place dans le couloir gauche alors même qu’il n’avait disputé aucun match de préparation. Il est des sensations qui ne se perdent pas.
Les Servettiens qui nous ont plu:
Ronny Rodelin, pour quelques secondes d’éternité qui en font déjà un candidat au but de l’année à l’international (Prix Puskás), et Timothé Cognat, parce qu’il a sans cesse relancé la machine, sans jamais se départir de ce qu’il est. Sinon, personne n’est sorti du lot, mais tous méritent d’être cités collectivement, malgré leurs failles individuelles. Après plus d’une année d’absence, on a particulièrement apprécié l’entrée ébouriffante du revenant Fofana.
Le moins bon:
Il n’était pas là (cf. plus haut). On attendait aussi davantage d’un Saint-Gall dominateur (68% de possession) mais demeuré inefficace (16 tirs à 8).
En minutes, le temps qu’il a fallu pour qu’un joueur du Servette se présente devant la presse écrite et les radios alors que les Saint-Gallois, ayant entamé leur défilé bien auparavant, étaient sur le point d’en terminer avec leurs obligations médiatiques. À ce niveau d’organisation, ce n’est plus une zone mixte, c’est une zone vide. La Swiss Football League a édicté un protocole assez précis en la matière. Il serait bon que Servette s’en inspire.
L’avenir en une question
Servette n’ayant plus gagné à Bâle depuis le 25 octobre 1998 (2-0, doublé de Durix), la malédiction du Parc Saint-Jacques - que cela soit l’ancien Joggeli ou le nouveau - va-t-elle enfin prendre fin dimanche prochain?
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