Attentats de ParisAu procès du 13-Novembre, ultimes voix des victimes d’une nuit de terreur
Absents à l’audience, des survivants se sont fait entendre via l’entremise de leurs avocats mardi, qui ont évoqué «ces parties civiles invisibles, silencieuses».
Il y a les assidues et les absentes, celles qui n’ont pas «voulu déranger» et les «niées». Après neuf mois d’audience, les voix des parties civiles ont résonné une ultime fois mardi au procès des attentats du 13-Novembre par l’entremise de leurs avocats.
«Silence assourdissant»
Il s’agit, pour les 25 derniers «porte-parole» de ces familles endeuillées et de ces rescapés des pires attaques de l’après-guerre, de dire encore les blessures indélébiles d’une nuit d’horreur avant que l’accusation ne se lève à partir de mercredi pour prendre ses réquisitions.
Pour ces ultimes paroles au nom d’une diversité de parties civiles – plus de 2500 sont constituées – il aura été beaucoup question de silence dans les plaidoiries de leurs avocats. Ce «silence assourdissant» qui, le 13 novembre 2015, a frappé Paris et Saint-Denis, un «silence imposé par les rafales, les bruits secs» de Kalachnikov, rappelle Me Nathalie Senyk. Ce silence aussi que se sont imposé d’elles-mêmes de nombreuses parties civiles «qui n’ont jamais osé passer la porte de la salle d’audience, par appréhension peut-être», souligne Me Célia Nourredine.
Pour d’autres, «s’intéresser de loin» c’était «maintenir une distance de sécurité», relève Me Zoé Royaux. Fatou et Lucille font «partie de ces parties civiles invisibles, silencieuses» qui n’ont pas témoigné au procès, la première car «elle ne voulait pas s’imposer de vivre ce cauchemar», la seconde par «peur d’ennuyer la cour», indique leur avocate Me Isabelle Guttadauro. De manière inédite, 400 parties civiles ont déposé leurs souffrances à la barre de la cour d’assises au début et à la fin de cette audience-fleuve.
«Masse infinie»
Cette somme de témoignages «est la stricte réalité des attentats et c’est une bonne chose d’y faire face», pointe Me Guttadauro. A sa suite, Me Claire Josserand-Schmidt tient à citer les prénoms des 37 personnes qu’elle représente, Jean-Pierre, Evelyne, Johanna... pour ne pas qu’on se souvienne d’elles «comme une masse infinie de douleur».
«Ils étaient venus chercher dans ce procès une écoute attentive et une place, légitime, qui est la leur. Et ils ont trouvé les deux», note-t-elle. «Ils étaient venus aussi avec cette lancinante question: «pourquoi?» C’est inévitable de chercher à comprendre face à ce carnage inepte. Ils ont besoin de rationalité», poursuit Me Josserand-Schmidt. «Interroger Salah Abdeslam», le seul membre encore en vie des commandos jihadistes qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés, «c’est essayer d’appréhender ce qui l’anime quand il accepte de porter une ceinture explosive», assure-t-elle.
Et face au «mutisme de certains» accusés, «la parole laconique d’autres», il y a pour les parties civiles «une nouvelle injonction: faire le deuil de ce qu’il y avait à savoir», souffle Me Josserand-Schmidt. Ce silence aura été forcé pour certaines victimes étrangères non francophones qui ont eu le «sentiment d’être exclues de leur propre procès», déplore Me Clémence Witt.
Une dernière fois, un «silence profond» gagnera la salle d’audience le 29 juin, à l’heure où la cour d’assises rendra son verdict, lance Me Aurélie Cerceaux aux magistrats professionnels.