Procès Benalla - Les violences de Benalla étaient «illégitimes», dit la police des polices

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Procès BenallaLes violences de Benalla étaient «illégitimes», dit la police des polices

L’ancienne cheffe de l’IGPN a qualifié, mardi à la barre, de «disproportionné» l’usage de la force par l’ex-garde du corps de Macron, jugé pour avoir brutalisé des civils le 1er mai 2018.

L’ex-garde du corps d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, est jugé depuis le 13 septembre pour avoir brutalisé un couple de civils en marge des manifestations du 1er mai 2018, alors qu’il assistait à l’événement comme observateur.

L’ex-garde du corps d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, est jugé depuis le 13 septembre pour avoir brutalisé un couple de civils en marge des manifestations du 1er mai 2018, alors qu’il assistait à l’événement comme observateur.

AFP

En mai 2018, la «police des polices» n’avait pas jugé «disproportionné» le comportement d’Alexandre Benalla lors des manifestations du 1er-Mai. Mais l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pensait alors qu’il était policier, a insisté mardi au tribunal son ex-patronne, parlant de «violences illégitimes».

À l’issue d’une longue journée de défilés émaillés d’affrontements, une vidéo est mise en ligne immédiatement: on y voit deux hommes en civil, au milieu de CRS en uniforme, appréhender violemment un couple sur une place du Quartier latin.

C’est sur ces images que le chargé de mission de l’Élysée, venu assister au défilé en tant qu’observateur, sera identifié deux mois et demi plus tard par le journal «Le Monde». Avant cela, pour le grand public, il n’y a «pas de doute» que les deux hommes «sont des policiers», souligne la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez.

Un internaute croit avoir affaire à des violences policières

C’est d’ailleurs sur la plateforme de la «police des polices» que la vidéo est signalée le 3 mai à 12 h 13 par un internaute, qui y voit des «violences policières».

Dans une «fiche technique», les agents de l’IGPN notent alors que deux «effectifs en civil» réalisent des «gestes techniques assez mal maîtrisés», mais «pas de violence illégitime», rapporte la présidente. Et donc en reste là.

Depuis le début de son procès le 13 septembre, Alexandre Benalla et son coprévenu Vincent Crase, ancien employé d’En Marche!, soutiennent immuablement qu’ils ont «interpellé» des «agresseurs de policiers» lors de cette journée de Fête du travail.

Leur défense a donc décidé de citer l’ancienne cheffe de l’IPGN, Marie-France Monéger, qui se présente à la barre à la neuvième journée d’audience.

Pris pour des policiers en civil

«Au moment du visionnage, nous n’avons que les indications de l’internaute, qui n’a pas été témoin direct, explique cette femme de 64 ans, courts cheveux gris et voix posée. Donc, comme on fait toujours, on met le signalement de côté.»

«La règle, c’est la conservation pendant un an», dans «l’attente d’éléments nouveaux», poursuit-elle. «Mais personne ne pouvait imaginer que ces nouveaux éléments, ce serait que les intervenants n’étaient pas policiers.»

Qu’a-t-elle vu sur cette vidéo?, lui demande un avocat des parties civiles. «Une intervention qui laisse un goût d’inachevé, non-professionnelle, mais au moment où on la regarde, il n’y a pas de quoi considérer que les policiers aient outrepassé leurs droits et commis des violences illégitimes. Encore une fois, s’il s’agit de policiers», insiste Marie-France Monéger, aujourd’hui retraitée.

Il n’y aura ensuite plus aucun signalement à l’IGPN jusqu’au 18 juillet. Pourtant, de nombreuses personnes étaient informées «dès le 2 mai» de l’intervention d’Alexandre Benalla, au sein de la préfecture de police et au cabinet de l’Élysée: cela n’aurait-il pas mérité un signalement?, demande la présidente.

«Il est évident qu’il aurait été probablement plus utile d’être informé avant. Il y a dans ce dossier à la fois des infractions et des manquements», répond Marie-France Monéger, qui ajoute que «la saisine de l’IGPN semblait logique».

«Il n’était nul besoin que d’autres s’en mêlent»

L’avocate d’Alexandre Benalla la questionne aussi sur cette «absence massive d’article 40» – la disposition du Code de procédure pénale imposant à une autorité ayant connaissance d’un crime ou d’un délit de le signaler à la justice.

L’ancienne commissaire choisit soigneusement ses mots. «Dans ma pratique professionnelle, j’ai toujours préféré utiliser plus l’article 40 que moins, dit-elle. Après, la manière dont ça a été perçu par cette liste de personnes… je peux difficilement parler pour elles. De mon point de vue, et seulement de mon point de vue, l’usage de la force était illégitime.»

«De quel texte de loi vous tirez ce constat aussi affirmatif?» se pique Me Jacqueline Laffont, dont la défense est assise sur l’article 73 du code de procédure pénal, qui autorise dans certaines conditions un citoyen à appréhender l’auteur d’une infraction flagrante.

«D’abord, sur celui que les services de sécurité ont le monopole de l’utilisation de la force», répond la témoin. Elle ajoute: l’article 73 «ne s’applique pas lorsqu’il y a déjà des policiers sur place» et, le 1er mai 2018, «ils étaient en nombre suffisant. Il n’était nul besoin que d’autres s’en mêlent, si vous permettez l’expression». «C’est la vision du parquet», constate l’avocate.

Les réquisitions sont attendues jeudi soir ou vendredi matin.

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