Hockey sur glaceComment Chris McSorley va-t-il être accueilli?
L’ex-coach, directeur sportif et propriétaire de GE Servette est de retour aux Vernets ce samedi avec Lugano (19h45). Si le club ne va pas lui dérouler le tapis rouge, les fans se demandent toujours s’ils vont lui réserver une surprise.
- par
- Christian Maillard
Il avait l’habitude de dire que jouer contre Ge/Servette c’est comme aller chez le dentiste, personne n’aime ça mais chacun doit y passer à un moment donné! Une fois que le bus du HC Lugano aura franchi, ce samedi, le pont de la Versoix, il est bien possible que Chris McSorley repense à sa célèbre sortie et sa réputation. L’Ontarien, qui a passé plus de 20 ans à mettre sa main sur le cœur en chantant le «Cé qu’è lainô», risque bien d’être envahi de papillons dans son estomac, comme l’acteur avant d’entrer en scène.
Celui qui a métamorphosé le hockey à Genève, qui a été coach, directeur sportif et actionnaire majoritaire des Aigles, s’attend forcément à vivre une soirée particulière alors qu’il va s’installer sur le banc d’à côté, celui des visiteurs. «Il est certain que ce sera plus une partie spéciale pour lui que pour nous», reconnaît Patrick Emond, l’un de ses anciens assistants qui lui a succédé à la bande. C’est quelqu’un avec lequel j’ai toujours nourri de bonnes relations et que je respecte beaucoup.» Tout le monde à Genève est tombé un jour sous le charme de ce Canadien qui aurait pu vendre des frigos au Groenland.
Reste qu’une fois le coup d’envoi donné, comme c’est le cas pour Louis Matte et son frère René, on oublie tout. L’Ontarien va se retrouver dans la chaise du dentiste. «Une fois que la rencontre aura commencé, ce sera un adversaire comme un autre qui va tout faire pour que son équipe gagne, mais nous aussi», sourit Arnaud Jacquemet, qui l’a côtoyé durant six ans. Il se souvient de tout ou presque.
«J’étais arrivé sur la pointe des pieds, se remémore celui qui avait débarqué en 2013 de Langnau. J’ai eu des moments difficiles avec lui, comme de nombreux autres joueurs qu’il ne voulait plus. Mais j’ai également connu de belles choses. C’est lui qui m’a notamment reculé en défense. Cette décision m’a permis de prolonger ma carrière. Avec tout ce qu’il a fait pour le hockey dans cette ville, il devrait être bien accueilli.» Mais est-il toujours le Messie?
Certains se réjouissent dans tous les cas de le revoir derrière le banc. Supporter des Aigles, Laurent Bolay espère, lui, que les gens n’auront pas oublié tout le bonheur qu’il a offert aux amoureux de hockey. «Je ne sais pas comment il va être reçu, mais je pense qu’on va tout de même l’applaudir. Il est comme il est, mais moi je l’appréciais bien, Chris McSorley.»
Fan des Grenat de longue date, Yves Clerc est plus nuancé. «Je suis très partagé, renchérit ce Genevois. S’il a sauvé le club et fait de Ge/Servette ce qu’il est devenu, l’évolution avec les problèmes liés à son gros contrat (ndlr: il réclame 7,6 millions d’indemnités après son licenciement) pourrait mettre en péril l’avenir du GSHC. Comme je ne fais pas partie du comité, il est difficile de juger, mais si je l’appréciais bien quand je le croisais avant ou après les matches, cet épisode sombre fait de lui un personnage à double face. J’ai lu aussi un article où Eliot Antonietti explique comment il a été mobbé par lui. Pour tout dire, je me pose plein de questions sur cet entraîneur de Lugano qui s’investit aussi à Sierre…»
Si le club ne lui déroulera pas le tapis rouge, on ignore encore si le kop va lui préparer un tifo de bienvenue. «Il y aura peut-être quelque chose, mais ce ne sera pas forcément un grand accueil à bras ouvert, précise-t-on du côté des irréductibles grenats. Pour l’instant, la question fait débat, on est mitigé. On décidera peut-être à la dernière minute.»
Dans le kop, on s’interroge toujours sur ce personnage qu’on a tant aimé au début, qui a laissé de beaux souvenirs derrière lui, mais pas seulement. «Il a laissé de sacrées traces, qu’elles soient positives ou négatives, poursuit notre interlocuteur. On reconnaît qu’il a fait beaucoup de choses pour Genève, mais il en est aussi un peu le fossoyeur, malheureusement pour lui.»
Dans les gradins, depuis, on se pose beaucoup de questions. «Il est clair que cela n’enlève rien à ce qu’il a fait avant, c’est lui qui a amené le hockey à Genève, mais Hugh Quennec aussi a fait de bonnes choses en amenant de l’argent. Alors oui, il a commis des erreurs en étant mal entouré, mais il aurait lui aussi mérité une ovation aussi grande que McSorley.»
C’est son avis. Et celui d’une partie du public, qui se réjouit de revoir «Jésus Chris» ce samedi soir (19h45), même si cette fois, c’est lui qui se trouvera sur la chaise du dentiste.