Football: Guillaume Faivre: «Ma modestie et mon travail ont été récompensés»

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FootballGuillaume Faivre: «Ma modestie et mon travail ont été récompensés»

Le gardien neuchâtelois de Young Boys va tirer sa révérence dimanche, à 35 ans. L’esprit apaisé et avec la satisfaction d’avoir pleinement profité de sa carrière.

Brice Cheneval
par
Brice Cheneval
Guillaume Faivre s’apprête à tirer un trait sur une carrière exemplaire.

Guillaume Faivre s’apprête à tirer un trait sur une carrière exemplaire.

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Comment vivez-vous ces derniers jours dans la peau d’un footballeur professionnel?

J’en profite un maximum. C’est un bon sentiment, vraiment. Je ressens de la joie parce que je ne me voyais pas refaire une saison, en sachant ce que ça implique et le rôle que j’ai dans l’équipe (ndlr: il a été relégué troisième gardien après l’arrivée d’Anthony Racioppi en janvier). J’ai fait ce que je devais faire, je peux partir avec un sentiment très positif. D’autres choses se tournent vers moi maintenant, je me réjouis de les découvrir, ainsi qu’un autre rythme.

Voilà un mois et demi que vous avez annoncé votre décision d’arrêter. Sur le coup il y a l’excitation de la saison, les messages de soutien, peut-être aussi du soulagement. Maintenant que vous vous apprêtez à affronter la réalité, ne ressentez-vous pas une forme de vertige?

Pas du tout. Je n’ai pas de regret ni la crainte d’avoir précipité ma fin de carrière. Ça ne fait pas non plus deux mois qu’on en discute avec ma femme. Je me réjouis d’être dimanche (ndlr: YB recevra Grasshopper pour le dernier match de la saison) pour vivre des émotions. Ça va être un moment extrêmement fort, j’en suis persuadé. D’un autre côté, je me réjouis aussi d’avoir de nouveaux défis, tant sur le plan personnel que privé, d’avoir plus de temps à consacrer à ma famille. Je pars sereinement. Il faut du changement dans la vie, cela fait du bien.

Outre la volonté de profiter davantage de vos proches, vous justifiez, dans une interview à ArcInfo, votre décision par la satisfaction de vous retirer à YB et un genou douloureux. C’est un ensemble de choses, mais à quel moment avez-vous été convaincu de dire stop?

Il y a eu plusieurs signaux. Ça s’est fait en douceur. Au mois de janvier, j’étais encore deuxième gardien quand Anthony Racioppi est arrivé et mon rôle a changé. Depuis le retour de blessure de David von Ballmoos, en mars, je n’ai plus été convoqué. C’était un premier signal. J’ai également reçu des intérêts de l’extérieur pour préparer mon après-carrière. J’ai senti, là aussi, que c’était le bon moment. J’étais conscient depuis un petit moment qu’il s’agissait certainement de ma dernière saison, sans l’avoir affiché à tout le monde. Ça fait du bien de pouvoir enfin le dire et de pouvoir se projeter vers le futur, d’avoir ce sentiment de liberté. Footballeur professionnel, c’est beaucoup de contraintes et j’ai vécu cela pendant 15 ans.

Étiez-vous aussi, tout simplement, moins passionné par le jeu?

Non, ça, c’est resté intact. Je le ressens encore ces jours-ci à l’entraînement. Je vais tout donner jusqu’au dernier jour. Cette faim n’a jamais disparu. Et j’ai eu la chance d’apprécier toujours plus mon métier, parce que ça devenait de plus en plus dur de durer. Mais il faut savoir laisser la place aux autres.

Si on avait raconté votre carrière au jeune enfant de La Chaux-du-Milieu que vous étiez, comment aurait-il réagi?

Je n’y aurais peut-être pas cru, même si au fond j’en ai toujours rêvé. En tout cas pas de finir en beauté comme ça, de pouvoir autant profiter des dernières années. Surtout au niveau de la longévité, en fait: jamais je n’aurais pensé durer aussi longtemps dans ce milieu.

«Jamais je n’aurais pensé durer aussi longtemps dans ce milieu»

Guillaume Faivre, gardien de Young Boys

Vous avez vécu de grands moments: la découverte du monde pro avec votre club de cœur, la finale de la Coupe de Suisse avec Thoune, près de 30 matches de Coupe d’Europe dont un déplacement à Old Trafford en Ligue des champions… Quel souvenir vous marque le plus?

C’est difficile à dire. Les émotions, c’est notre gagne-pain en tant que footballeur. Le premier match de Super League (ndlr: le 10 mai 2008, une victoire 2-0 avec Xamax à Lucerne) était quelque chose de très spécial, je me souviens d’avoir vécu une journée juste magique. La finale de Coupe (ndlr: perdue contre Bâle le 19 mai 2019), avec une montée d’émotion assez folle lors de l’entrée sur le terrain à l’échauffement, c’était aussi très très fort. Et j’espère que dimanche, je pourrai vivre encore un de ces tout bons moments qui restent inoubliables.

Avant YB, vous n’aviez connu que de modestes clubs. Vous avez souvent souligné qu’il s’agissait de l’apothéose de votre parcours. Que retenez-vous de ces deux années?

Ma modestie et mon travail ont été récompensés. Je savais la chance que j’avais d’être dans un tel club et je crois l’avoir montré chaque jour, que ce soit à l’entraînement, dans les vestiaires ou en match. Pas un instant je me suis dit qu’en ayant signé à YB, je pouvais lâcher prise et profiter. C’est tout le contraire. J’ai montré mon application dès le premier jour. Le club a beaucoup reçu de ma part, au quotidien. C’est cette raison qui a fait qu’on m’a gâté. On m’a montré une grande reconnaissance et j’en ai pleinement profité. On a reconnu le travail que j’ai fourni pendant deux ans.

Qu’est-ce qui vous a frappé dans la découverte d’un club de cette envergure?

Le vestiaire. À Thoune, par exemple, on a toujours eu une équipe jeune, avec un cadre. À YB, j’ai eu l’impression d’entrer dans un vestiaire d’hommes, de personnalités, qu’il faut savoir gérer et c’est la difficulté dans ces grandes équipes. Il y avait aussi, d’un coup, plus de liberté. On faisait confiance à chaque joueur et chacun savait ce qu’il avait à faire pour aider l’équipe.

Que vous ont appris ces deux années sur votre métier?

À savoir comment m’intégrer dans un tel groupe. Dès le départ, et c’est ce qui m’a aussi marqué, j’ai pu exprimer mon opinion, mes idées, et elles étaient prises en compte. Ça m’a donné beaucoup de confiance en moi. J’ai appris qu’en étant soi-même, les choses arrivent positivement. Finalement, mon métier m’a beaucoup appris sur moi-même.

En tant que gardien, vous avez traversé l’une des époques où le poste a le plus évolué. Comment avez-vous vécu cette transformation?

C’est sûr que je ne joue plus de la même manière aujourd’hui qu’à Xamax. C’est un long chemin, que j’ai effectué avec l’aide de mes entraîneurs spécifiques et de mes concurrents. J’ai toujours trouvé chouette de pouvoir changer d’environnement, découvrir d’autres mentalités, d’autres visions, d’autres méthodes. À Thoune, j’ai fait un immense travail sur mon jeu au pied avec Patrick Bettoni. On doit s’adapter en permanence.

Vous assurez ne pas nourrir de regrets. Est-ce qu’il y a des choses, en revanche, que vous auriez aimé faire différemment ou des objectifs non satisfaits?

Non, ma carrière me convient parfaitement. Les choses sont arrivées comme elles devaient arriver. Je crois avoir fait ma place. Je n’ai pas seulement attendu, j’ai fait en sorte d’ouvrir certaines portes, comme YB. J’ai été récompensé de certaines prises d’initiative personnelles. Le foot m’a construit en tant qu’homme donc je ne peux pas être frustré. Si j’ai une grande déception en revanche, c’est la descente en Challenge League avec Thoune (ndlr: en 2020). Ça a été douloureux pour tout un club et pour moi.

«Le foot m’a construit en tant qu’homme donc je ne peux pas être frustré»

Guillaume Faivre, gardien de Young Boys

Quelle suite allez-vous donner à votre vie?

Pour l’instant, j’ai quelques projets personnels un peu vagues. Un cheminement se fait dans la tête, sans qu’il y ait d’idées claires. Je vais déjà prendre le temps de me poser deux mois, de partir en vacances avec ma famille. Ensuite, il sera temps de reprendre une activité professionnelle. En fonction du temps qu’il me restera, on verra comment je peux faire évoluer ces projets personnels. Mais ce sera dans un futur à moyen-long terme.

Est-ce qu’on vous verra sur la pelouse du Wankdorf dimanche?

Ça se pourrait et je l’espère fortement mais pour l’instant, je n’ai aucune garantie.

La carrière de Guillaume Faivre en bref

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