Conseil national5,3 milliards pour les autoroutes: «C’est climaticide!»
L’écologiste genevoise Isabelle Pasquier-Eichenberger a monté les tours contre les projets d’élargissement des autoroutes. Mais la majorité bourgeoise a voté en bloc pour élargir sept tronçons, dont celui de Nyon.
- par
- Eric Felley
Membre de la Commission des transports et des télécommunications (CTT) du Conseil national, la Verte genevoise Isabelle Pasquier-Eichenberger (V/GE) a eu une journée très chargée mardi en plénum. Lors de la discussion sur les 5,2 milliards de crédits d’engagement visant à élargir certaines portions d’autoroutes, dont celle de Vengeron-Coppet-Nyon, elle a perdu tous ses combats contre les bouchons.
«Qui sème des routes…»
Ce débat du National portait, d’une part, sur un crédit d’entretien de 8,8 milliards de francs pour la période 2024-2027 et, de l’autre, sur un crédit d’aménagement de 5,2 milliards pour sept projets, dont celui de l’arc lémanique (911 millions) qui a été ajouté à la dernière minute par la CTT. C’est principalement le deuxième crédit qui était combattu par les écologistes, les socialistes, avec l’appui des Vert’libéraux. Comme l’a rappelé Florence Benzikofer (V/BL): «Quiconque sème des routes, récolte du trafic.» Pour les écologistes, la route s’oppose à l’environnement, au paysage, aux terres cultivables, à la qualité de vie et aux efforts faits pour le climat.
Isabelle Pasquier-Eichenberger a rappelé que le trafic routier était responsable de 37% des émissions de CO2 en Suisse: «Nos voitures pèsent en moyenne 1780 kilos, mais elles ne transportent que 1,5 personne, et même que 1,2 personne sur l’autoroute. Il est donc absurde de proposer de répondre aux embouteillages dus aux pics d’affluence, liés aux horaires ou aux départs en vacances, par une augmentation des capacités. C’est tout sauf efficace et rationnel.»
Modifier nos habitudes
La Genevoise veut bien admettre: «La surcharge du réseau des routes nationales est, certes, un vrai enjeu, mais la réponse ne peut pas être, en 2023, d’élargir les autoroutes. Les experts sont formels: développer les capacités routières ne fait qu’accroître la demande, donc augmenter le trafic.» Elle rappelle l’objectif de réduction «de 64% des gaz à effet de serre dans nos déplacements, comme le prévoient le Conseil fédéral et le parlement. Il faudra modifier nos habitudes de déplacement en faisant mieux et moins.» Selon elle, cette politique est tout simplement «climaticide!»
Un moyen indispensable
En face, les partis bourgeois – UDC, PLR et Centre – ont fait bloc contre les propositions de la gauche verte ou rose. Pour eux, la voiture individuelle a encore un bel avenir dans ce pays, comme l’a fait observer Marco Romano (C/TI): «La circulation va encore augmenter lors des quinze prochaines années. Le recours à la voiture privée pour aller travailler est un moyen indispensable pour de nombreux citoyens de ce pays.» Christian Wasserfallen (PLR/BE) a rappelé que la Suisse romande avait développé le train avec la ligne reliant la Suisse à Annemasse et qu’il était temps de «rétablir l’équilibre» avec la route en soutenant le projet de l’arc lémanique. Il conteste la fatalité de l’augmentation du trafic en élargissant des goulets d’étranglement: «Des pics de trafic peuvent être contrôlés avec des aménagements appropriés sans que le nombre de voitures augmente.»
40’000 heures de bouchons en 2022
Le conseiller fédéral Albert Rösti, chargé des Transports, a fait un plaidoyer pour une bonne complémentarité entre les transports publics, le rail et le transport individuel, la route. Il a mis en perspective les 5,2 milliards prévus pour ces sept projets d’aménagement routier avec les 6,4 milliards de francs prévus pour le rail. Il a insisté sur le fait que, dès 2040, le réseau sera saturé et a cité le chiffre diffusé le jour même par l’Office fédéral des routes: il y a eu près de 40’000 heures de bouchons en 2022, un record. Pour lui, la prospérité économique de la Suisse passe par des infrastructures adaptées: «La mobilité professionnelle et touristique exige ces investissements.» Quant à la protection du climat, la progression des voitures électriques s’en chargera.
Référendum possible
Le trio UDC-PLR-Centre a assuré le succès de la majorité sur toutes les décisions stratégiques pour ces investissements routiers. Le dossier passe au Conseil des États. Les milieux de la mobilité douce ont la possibilité de lancer un référendum contre les sept projets d’aménagement.