StatistiquesUSA: les armes causent plus de décès précoces que les accidents
Selon une recherche, les blessures par balle sont désormais les principales responsables des décès violents, dépassant depuis peu la voiture.
![Michel Pralong](https://media.lematin.ch/4/image/2024/01/11/ee8c66ba-d9f8-4545-a733-0ee9fe5534f2.png?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C19%2C1104%2C621&fp-x=0.5027173913043478&fp-y=0.41488020176544765&crop=focalpoint&s=4a5cf81557e60798f8117d477cb937c7)
![Près de la moitié des décès par armes à feu concernent des suicides d’hommes blancs. Près de la moitié des décès par armes à feu concernent des suicides d’hommes blancs.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/8106b030-d23d-4688-9a65-82a4695105ae.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1367&fp-x=0.62158203125&fp-y=0.5120702267739575&s=a5f4d8d77d4930d2e7d23cc34893a2a4)
Près de la moitié des décès par armes à feu concernent des suicides d’hommes blancs.
Getty Images/iStockphotoLes États-Unis sont le pays qui compte le plus d’armes à feu. Et de loin. Les Américains possèdent plus de la moitié des armes civiles du monde. On en recensait, légalement enregistrées, plus de 393 millions en 2018, pour une population de 329 millions d’habitants. Forcément, cela implique un nombre considérable de décès par arme à feu. Mais durant la majeure partie du XXe siècle, la principale cause de décès violent dans le pays était l’automobile, même si ces chiffres se sont mis à diminuer d’année en année depuis les années 1950. Tandis que ceux causés par des armes augmentaient. Des chercheurs, dirigés par le Dr Joshua Klein, du Westchester Medical Center à Valhalla, New York, ont voulu savoir si les courbes allaient se croiser ou si elles l’avaient déjà fait.
Pour cela, ils ont étudié les statistiques annuelles qui détaillent les causes des décès et l’âge des victimes dans le pays, sur une période comprise entre 2009 et 2018. Ils n’ont pas juste comparé le nombre de victimes de la voiture à celui des tués par armes. Ils ont regardé combien d’années avaient été ainsi perdues suivant la cause du décès. Cela a l’avantage de donner une indication sur quel est le principal risque de mourir suivant l’âge. Ils se sont basés sur une espérance de vie moyenne de 80 ans, à laquelle ils ont soustrait l’âge de la victime.
Plus de suicides que d’homicides
Sur les 10 ans en question, les deux chiffres sont très proches, les années perdues potentielles dans des accidents de voiture se montant à 12,9 millions tandis que celles des armes à feu étaient de 12,6 millions. Mais la courbe s’est inversée dès 2017, avec 1,44 million d’années pour les armes à feu contre 1,37 million pour les accidents, relève ZME Science. Une différence de 70 000 ans qui s’est encore accrue pour atteindre 83 000 ans en 2018. La tendance devrait se confirmer ces dernières années, puisque entre 2009 et 2018, les décès par arme ont augmenté de 0,72% par an tandis que ceux par accident baissaient de 0,07% par an.
Les décès par arme à feu sont davantage dus à des suicides (18 735 en 2009 pour monter jusqu’à 24 432 en 2018) qu’à des homicides (11 493 en 2009 et 13 958 en 2018). Les décès par armes à feu causés par la police ou d’autres représentants des forces de l’ordre sont restés relativement constants, selon l’étude publiée dans «BMJ Journals», passant de 333 en 2009 à 539 en 2018. Pour cette dernière année, cela représentait 22 702 années de vie perdues.
Les blancs se suicident, les noirs se font tuer
En 2018, 85,4% des victimes d’armes à feu étaient des hommes. 49,3% des 38 929 décès par armes étaient dus à des suicides d’hommes blancs et 18,3% à des homicides d’hommes noirs. Au cours des 10 ans, les hommes blancs avaient un total de 4,95 millions d’années perdues par suicide contre 1,7 million par homicide. C’est l’inverse chez les hommes noirs avec 3,2 millions d’années perdues en raison d’homicides contre 400 000 à cause d’un suicide. Ces différences se retrouvent entre femmes noires et blanches.
Bien que le nombre total de décès dans la population masculine noire dus à des homicides par arme à feu était significativement inférieur au nombre total de suicides d’hommes blancs au cours de ces 10 ans, le jeune âge de ces victimes noires augmentait le total d’années perdues. Pour chaque décès, en moyenne, les homicides d’hommes noirs représentaient 50,5 ans d’années perdues, contre 29,1 années pour les suicides d’hommes blancs. Le plus grand nombre de suicides chez les hommes blancs se retrouve en effet dans le groupe des 65 ans et plus.
Les auteurs rappellent que ceux qui défendent le droit de porter des armes aux États-Unis expliquent que c’est pour pouvoir se défendre contre des agresseurs et que cela peut, certes, entraîner un petit nombre de décès évitables. «Cependant, nos données révèlent que l’accès aux armes à feu qui en résulte provoque en fait un grand nombre de décès dus aux suicides par arme à feu chez ces mêmes personnes demandant l’accès aux armes. Pour être efficaces, les efforts de prévention du suicide devraient inclure la limitation de l’accès à toutes les méthodes de suicide, y compris les armes à feu, pour les populations à risque». Tout comme, disent-ils, il faudrait attribuer davantage de ressources pour lutter contre les homicides d’hommes noirs.