FootballYoung Boys est-il «eurocompatible»?
L’approche bernoise ne semble pas fonctionner en Coupe d’Europe, comme l’a démontré la défaite 1-0 contre l’Atalanta Bergame mercredi. Hors de nos frontières, YB n’est plus le même.
- par
- Valentin Schnorhk Bergame
Question de timing. Il y a des débats qui nécessitent un contexte pour être lancés. On ne les comprendrait pas autrement. Tiens, aurait-on pu émettre des doutes il y a quinze jours, lorsque Young Boys venait de battre Manchester United? Non, ça ne le faisait pas. Il y avait bien sûr une heure passée en supériorité numérique, mais le petit Suisse s’était payé le ManU de Cristiano Ronaldo. Il vaut mieux garder les questions qui fâchent pour plus tard.
Mais après ce mercredi, le moment est mieux choisi. YB n’a perdu que 1-0 sur la pelouse de l’Atalanta Bergame, mais sa prestation d’ensemble permet l’une ou l’autre interrogation. Et en Coupe d’Europe, qu’il s’agisse de la Ligue des champions ou de l’Europa League, il y a cette sempiternelle question qui revient avec les Bernois: YB est-il «eurocompatible»? Autrement dit, est-il fait pour performer en Europe? Depuis qu’il règne sur le football suisse, ses prestations marquantes sur la scène continentale demeurent relativement rares: l’élimination du Bayer Leverkusen l’an dernier en 16es de finale de l’Europa League est l’unique à pouvoir véritablement être valorisée.
Comment s’expliquer que la meilleure équipe helvétique, intouchable et injouable lorsqu’elle se produit à l’intérieur de nos frontières, semble incapable de transposer son style en Europe? La question se situe là et pas forcément ailleurs: l’approche bernoise est tellement identifiable, tellement marquée, qu’on ne lui demande pas de la changer. Simplement qu’elle soit l’artisane de certains succès également en compétitions européennes.
Simplement trop faible?
Il y a plusieurs hypothèses qui peuvent se dégager. La première est peut-être la plus évidente, mais aussi la plus facile. Le football suisse étant ce qu’il est, ne serait-il pas plus simple de constater l’écart de niveau avec les autres championnats? Parce que le fait qu’YB soit largement dominé – pour ne pas dire étouffé – par le troisième de la dernière Serie A n’est pas vraiment surprenant. La formation de David Wagner n’a pas été au niveau mercredi, à l’image de certains joueurs comme les latéraux Silvan Hefti et Ulisses Garcia, trop rarement justes dans leurs prises de décision.
Il semble clair que tant d’un point de vue individuel que collectif que YB n’avait pas les armes. En témoigne un plan de jeu trop vite oublié: «Nous avions pour idée de fermer l’axe en étant agressifs et nous avons cherché à le faire, mais ce n’était clairement pas simple», expliquait l’entraîneur allemand des Bernois. Un peu à ses dépens, mais aussi de par ses choix (la sortie d’Elia pour Rieder, avec Aebischer placé à droite, juste avant le but), Young Boys a plutôt défendu en reculant, en tentant tant bien que mal de ne pas descendre plus bas que sa surface. Logiquement, tout cela a fini par craquer.
Manque d’adaptation?
L’explication peut se tenir. Mais elle laisse la place pour en chercher d’autres. Notamment sur le football que pratique YB, au niveau suisse du moins. À savoir un jeu où la dimension athlétique fait partie intégrante de l’approche: les principes éprouvés ces dernières années mettent en exergue une équipe capable d’imposer sa force athlétique, en remportant les seconds ballons, en enchaînant les courses, en récupérant le plus rapidement possible les ballons perdus. Les hommes de la capitale ont l’installation chez l’adversaire dans la peau et c’est par ce biais qu’ils finissent par prendre le dessus sur leurs adversaires.
Mais lorsqu’on leur résiste, lorsqu’on est capable de faire aussi bien, voire mieux, qu’eux, alors tout devient plus compliqué. Cela arrive de manière ponctuelle en Super League. Mais c’est beaucoup plus récurrent en Coupe d’Europe. «Young Boys est d’habitude une équipe très offensive», a fait remarquer un Gian Piero Gasperini surpris après le match. Manière pour l’entraîneur de l’Atalanta de signaler que ses hommes ont assez facilement pris la mesure de la rencontre et des champions de Suisse. Les Bergamasques ont en fait joué le match comme YB est habitué à le faire en championnat: en utilisant la technique de l’étouffement.
À ce jeu-là, les autres font donc mieux. Et il convient de se demander si YB ne ferait pas mieux de trouver une autre approche qui convienne à ses qualités, mais qu’il peut également appliquer en Europe. Car un club suisse peut-il vraiment être le même qu’il affronte un compatriote ou une formation qui compte sur tout le continent? À son époque, le Bâle de Murat Yakin, par exemple, n’était pas le plus séduisant. Mais son conservatisme et son réalisme étaient autrement plus pertinents lorsqu’il s’agissait de taper Manchester, Chelsea ou Tottenham.
Une fragilité dissimulée?
Bref, il y a des questions qui se posent sur Young Boys. Ou une analyse à réajuster. Elle est peut-être le fruit d’un compromis, qui donne lieu à une troisième hypothèse: celle d’une équipe qui a assurément des forces, mais qui lui permettent de cacher ses faiblesses en championnat. Autrement dit, sa dimension physique est la meilleure manière de faire oublier une défense pas forcément habile pour défendre sa propre surface (encore moins en l’absence de Zesiger). En aimant jouer haut, YB épargne son arrière-garde, et il le fait très bien. À devoir se tenir à quinze mètres de son but, Sandro Lauper a par exemple fini par trahir sa fragilité à Bergame.
Ce ne sont là que des hypothèses. Chacun choisira celle qui lui sied le mieux. Il ne s’agit de toute façon pas de tirer des conclusions, après seulement deux journées de Ligue des champions. Mais simplement le besoin de relativiser un premier match remporté à 11 contre 10. Peut-être que ceux à venir contre Villarreal permettront de dégager l’analyse la plus appropriée au sujet de ce YB. Ou peut-être que, d’ici là, David Wagner saura trouver la bonne manière d’adapter son équipe à la question européenne.