FranceQuatre Iraniens condamnés pour un naufrage meurtrier dans la Manche
Des peines de prison ont été prononcées vendredi contre quatre Iraniens jugés pour leur rôle dans un naufrage dans la Manche, où sept migrants avaient péri en octobre 2020.
Le procès s’est tenu en l’absence d’un des prévenus, pilote du bateau, le seul à avoir été laissé libre sous contrôle judiciaire. Condamné à deux ans de prison, il avait affirmé aux enquêteurs avoir payé son passage 2500 euros (2500 francs), mais était soupçonné d’avoir négocié un passage gratuit ou à prix réduit.
Les prévenus comparaissaient pour homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui et aide au séjour irrégulier en bande organisée. La procureure, Amélie Le Sant, a pointé «l’absence totale d’humanité de ce réseau», qui a placé la vie de migrants dans les mains d’un pilote inexpérimenté, par gros temps, les a menacés pour qu’ils montent à bord, puis a continué d’organiser des traversées après le drame.
Rauf R., accusé notamment d’avoir convoyé le bateau vers la côte, et désigné par des rescapés comme le chef le jour du drame, a reçu la plus lourde peine, de neuf ans. Devant la cour il a nié toute implication, assurant n’être jamais venu en France.
Mostafa K., condamné à sept ans, a reconnu avoir participé à l’organisation de traversées illégales, affirmant avoir agi en échange d’une promesse de passeurs à le faire traverser gratuitement. «Il faut demander à leur passeur, c’est pas moi», a-t-il répondu à la présidente qui l’interrogeait notamment sur l’absence de gilets de sauvetage à bord du bateau naufragé.
Lourdes amendes
Conçu pour quatre ou cinq passagers, le petit bateau de pêche avait chaviré, au large de Gravelines sur le littoral nord de la France, avec 22 personnes à bord. Une famille kurde iranienne s’était retrouvée piégée dans la cabine. Les parents et leurs trois enfants, une fillette de huit ans, un garçon de six et un bébé de 18 mois s’étaient noyés. Le corps du plus jeune avait été retrouvé des semaines plus tard sur la côte norvégienne. Deux autres hommes avaient également disparu en mer.
Hoshiar K., condamné à cinq ans, a lui aussi nié toute implication, malgré la présence avérée de sa voiture et de son téléphone sur la plage du drame.
Une interdiction définitive du territoire français, requise par la procureure, a aussi été imposée aux quatre prévenus, également condamnés à des amendes de 20’000 à 70’000 euros. La procureure avait requis des peines de deux à dix ans d’emprisonnement et des amendes jusqu’à 100’000 euros.
Les traversées migratoires sur de petites embarcations se sont démultipliées depuis 2018 et le verrouillage du port de Calais et du tunnel sous le Manche. En 2022, plus de 45’000 personnes ont ainsi rejoint les côtes anglaises. Le bilan humain est lourd: dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, au moins 27 migrants ont péri. Le 14 décembre 2022, quatre autres se sont noyés.