Guerre en UkraineLa centrale de Zaporijjia, «base militaire russe» depuis un an, se «dégrade»
Après un an d’occupation, le grand site nucléaire ne produit plus d’électricité et sert aux Russes pour stocker du matériel, des munitions et du personnel, sachant que les Ukrainiens «ne tireront pas».
Dès le 4 mars 2022, neuf jours après le début de son invasion, l’armée russe a occupé cette centrale nucléaire du sud de l’Ukraine. «Pendant cette année d’occupation, ils ont transformé la plus grande centrale nucléaire d’Europe en base militaire», indique le maire d’Energodar (ville ou se situe la centrale) Dmytro Orlov, selon qui les Russes savent «que l’armée ukrainienne ne tirera pas» sur le site, pour éviter un incident.
Les Russes utilisent la centrale comme «bouclier nucléaire pour placer du matériel militaire, des munitions et du personnel», souligne l’homme de 37 ans. Selon ses informations, au moins 1000 militaires russes se trouvent actuellement sur le site de la centrale et à Energodar, dont la population est, selon lui, passée de 53’000 à «environ 15’000» en un an.
«La plupart des troupes d’occupation sont basées à la centrale, car elles s’y sentent en sécurité», soutient le maire, qui vit depuis avril 2022 à Zaporijjia, la capitale régionale, située à 120 kilomètres d’Energodar, mais qui dit maintenir des contacts réguliers avec les habitants restés sur place.
Connectée au réseau ukrainien
Le nombre d’employés de la centrale a par ailleurs chuté de 11’000, avant l’invasion, à 6500 actuellement, a indiqué l’opérateur nucléaire ukrainien, Energoatom. Des milliers de professionnels sont partis vers les territoires contrôlés par Kiev et, parmi ceux qui sont restés, environ 2600 ont accepté de «collaborer avec l’agresseur» russe, selon Energoatom.
La centrale, qui produisait auparavant 20% de l’électricité ukrainienne, a continué à fonctionner les premiers mois de l’invasion, malgré des périodes de bombardements, avant d’être mise à l’arrêt en septembre. Depuis, aucun de ses six réacteurs, datant de l’époque soviétique, ne génère de courant, mais l’installation reste connectée au système énergétique ukrainien et consomme de l’électricité produite par celui-ci, pour ses propres besoins.
«L’équipement se dégrade»
D’après Energoatom, «les Russes sont incapables de redémarrer ne serait-ce qu’un réacteur, car les lignes à haute tension sont endommagées». Si Moscou a envoyé des spécialistes du nucléaire à la centrale, «leurs compétences ne suffisent pas pour organiser un vrai travail». Et la mise à l’arrêt de la centrale entraîne par ailleurs «une dégradation graduelle de tous ses systèmes et de son équipement», prévient l’opérateur nucléaire ukrainien. Le groupe s’inquiète aussi d’un «risque d’incident nucléaire» en cas de rupture de la dernière ligne électrique reliant la centrale au système énergétique ukrainien.
Dans une note publiée mercredi, le centre d’analyse américain Institute for the study of war a estimé que Moscou pourrait «tenter de dissuader une éventuelle contre-offensive ukrainienne» dans le sud du pays «en intensifiant les menaces contre la centrale de Zaporijjia». L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a déployé, en septembre, des observateurs dans la centrale et tente de négocier sa démilitarisation, mais le processus ne semble guère avancer.
«Le fait qu’ils soient là est déjà un plus»
Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, a annoncé, jeudi, sur Twitter, qu’une nouvelle rotation d’experts avait été complétée, accompagnant son message d’une vidéo montrant des observateurs portant casques et gilets pare-balles, contournant à pied un pont détruit pour rejoindre la centrale. «Le fait qu’ils soient là est déjà un plus», estime Dmytro Orlov, qui dit placer beaucoup d’espoirs dans les négociations de l’AIEA avec Moscou: «Pour des raisons évidentes, personne ne démilitarisera ni ne mettra fin à l’occupation de la plus grande centrale nucléaire d’Europe par des moyens militaires.»