AngleterreUne barge pour demandeurs d’asile suscite la colère
Les habitants de Portland, au sud-ouest de l’Angleterre, s’opposent à l’hébergement de 500 demandeurs d’asile sur une barge.
S’il y a une chose sur laquelle les habitants de Portland sont d’accord, c’est leur opposition au projet du gouvernement britannique d’héberger 500 demandeurs d’asile sur une large barge dans le port de leur presqu’île du sud-ouest de l’Angleterre. Sur les hauteurs de cette petite ville de 13’000 habitants, on aperçoit en contrebas «Bibby Stockholm», un long navire de 93 mètres de long sur 27 de large.
Avec ses 222 cabines, il est censé héberger dans les prochains mois jusqu’à 500 demandeurs d’asile. Les premiers devaient arriver mardi avant un report de dernière minute, emblématique des revers successifs rencontrés par le gouvernement conservateur dans sa politique migratoire. Envoyer des demandeurs d’asile dans des barges à quai est l’une des idées très symboliques brandies pour faire des économies dans l’accueil tout en dissuadant les potentiels candidats à l’asile.
Hostilité
À Portland, les riverains rencontrés par l’AFP s’y opposent tous. Mais entre ceux qui évoquent des risques pour la sécurité des habitants de la ville et les autres qui dénoncent une «prison flottante», l’hostilité est palpable. Quand Heather, une habitante de 33 ans engagée dans un groupe antiraciste, montre aux journalistes les kits de bienvenue que son organisation avait préparés pour les demandeurs d’asile, elle se fait insulter par un automobiliste tandis qu’une autre femme brandit une pancarte «Stop the Invasion».
«C’est toujours comme ça», souffle Heather, qui a décidé de rejoindre l’antenne locale de l’organisation Stand Up To Racism car «quand la barge a été annoncée, j’ai été vraiment choquée par toute la haine qui a circulé. Il y avait des gens qui disaient: «Ils vont commettre des crimes», «ils vont violer vos filles», ça m’a vraiment perturbée.»
«Les réfugiés sont devenus un sujet tellement clivant à l’échelle locale et nationale», déplore Richard Hatfield, un habitant de Portland de 53 ans. Lui aussi s’oppose à ce qu’il qualifie de «prison flottante». Le gouvernement utilise les réfugiés «pour nous diviser», dit-il.
Politique anti-migrants
Le gouvernement conservateur, à la peine dans les sondages à un an des législatives, a durci sa rhétorique anti-migrants et promet, en vain pour l’instant, de mettre fin aux traversées illégales dans la Manche. Une nouvelle loi entrée en vigueur en juillet et dénoncée jusqu’à l’ONU interdit désormais aux migrants ayant effectué la périlleuse traversée - ils étaient plus de 45’000 en 2022 et sont déjà près de 15’000 en 2023 - de demander l’asile au Royaume-Uni.
Londres veut aussi réduire la facture de l’hébergement à l’hôtel des demandeurs d’asile, qui s’élève à 2,3 milliards de livres (près de 2,6 milliards de francs) par an, en utilisant des installations comme des bases militaires désaffectées, des barges à quai voire même des tentes achetées pour l’été. Le port de Portland est le seul du pays à avoir accepté d’amarrer une telle barge. D’autres projets similaires ont dû être abandonnés, faute de ports d’attache.
Projet reporté
«Il n’y a eu aucune consultation, aucune considération et aucun consentement», dénonce à l’AFP Alex Bailey, un riverain d’une trentaine d’années, critiquant «un accord secret» entre le port et le gouvernement. Fermement opposé au projet, il a créé avec d’autres un groupe Facebook intitulé «No to the barge» où des internautes partagent sans filtre leur hostilité envers les migrants et le gouvernement.
Les autorités locales ont confirmé tard lundi soir que le projet était finalement reporté, évoquant des «vérifications finales» après des inquiétudes soulevées par les pompiers. Le gouvernement a refusé de donner un nouveau calendrier de mise en service. Le sort du «Bibby Stockholm» illustre bien les difficultés du gouvernement britannique à mettre en pratique ses multiples projets pour remplacer les hôtels.
Dans le nord de l’Angleterre, un projet pour héberger 2000 demandeurs d’asile dans une base militaire désaffectée a lui aussi été reporté la semaine dernière, faute de personnel qualifié pour gérer l’eau, le gaz et l’électricité sur le site. Autre projet controversé à l’arrêt: envoyer les migrants arrivés illégalement, d’où qu’ils viennent, vers le Rwanda. La justice s’y est opposée, mais le gouvernement veut faire appel devant la Cour suprême.
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