Commentaire: Emmanuel Macron, le plus suisse des présidents

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CommentaireEmmanuel Macron, le plus suisse des présidents

Avec sa réélection probable ce dimanche, le président sortant, tantôt à gauche, tantôt à droite, est comme un couteau suisse. En France il a changé un paradigme: le travail est plus important que le repos.

Eric Felley
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Eric Felley
En septembre 2018, le courant avait passé entre les présidents Emmanuel Macron et Alain Berset lors d’une rencontre à l’Élysée.

En septembre 2018, le courant avait passé entre les présidents Emmanuel Macron et Alain Berset lors d’une rencontre à l’Élysée.

AFP

Lors du premier tour de l’élection présidentielle le 10 avril dernier, Emmanuel Macron a obtenu 45,7% des voix parmi les 134’000 électeurs français vivants en Suisse, soit bien plus que son résultat national de 27,8%. Assez loin derrière, Jean-Luc Mélenchon est arrivé deuxième avec 18,%. Quant à Marine Le Pen, elle n’a fait que 7,1%. On pourrait extrapoler que si les Suisses, en particulier en Suisse romande, avaient voté, le résultat n’aurait pas été très différent.

«L’Europe des Nations»

Dans cette présidentielle 2022, on le pressentait dès le départ, Emmanuel Macron est le seul qui a vraiment une carrure de président et il sera très probablement réélu ce dimanche pour un second mandat. On peut se demander si pour la Suisse, c’est une bonne chose, ou si Marine Le Pen aurait été plus conciliante avec nos intérêts. Cette dernière veut affaiblir l’Union européenne et plaide pour un retour à une «Europe des Nations», dans laquelle une certaine Suisse se sentirait plus à l’aise. Mais seule l’UDC pourrait vraiment y trouver son compte.

Cette Europe des Nations risque fort de dériver vers une Europe des nationalismes, avec les tensions et les conflits que cela peut susciter. La guerre en Ukraine nous rappelle à quel point le nationalisme, comme point de repère des peuples, peut devenir un poison dévastateur et funeste pour les populations civiles. Aujourd’hui, la Suisse en paie également le prix avec un afflux de bientôt 40’000 réfugiés depuis le début de l’invasion russe. Et ce n’est pas fini.

Un paysage qui a fondamentalement changé

Chez nos voisins, cette deuxième finale entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen se déroule dans un paysage politique qui a fondamentalement changé. La politique française a longtemps été marquée par un antagonisme gauche-droite représenté par les socialistes d’un côté et les Républicains de l’autre. Ces deux partis historiques se sont effondrés. Un peu comme si en Suisse, le PS et le PLR disparaissaient de la scène politique en une dizaine d’années. C’est un scénario difficilement imaginable…

Une synthèse Lüscher-Maillard

Emmanuel Macron a intégré des valeurs de gauche et de droite avec sa formule «en même temps», alternant la responsabilité étatique et la responsabilité individuelle. En Suisse, il serait comme une synthèse entre Christian Lüscher et Pierre-Yves Maillard. Au fil des ans, il s’est toutefois nettement «droitisé», faisant preuve d’un pragmatisme économique helvético-compatible. Il est surtout très suisse dans la valeur qu’il accorde au travail, alors que les Français ont toujours accordé une valeur plus importante au repos. Il a fait baisser le chômage en appliquant le principe que «le travail paie plus que l’inactivité».

Il enrichit le débat politique

Durant son quinquennat, il a aussi fait baisser les impôts de 50 milliards d’euros, fait baisser les cotisations sociales, réduit l’impôt sur la fortune et voilà qu’il plaide pour augmenter l’âge de la retraite à 65 ans pour toutes et tous. Il y a chez lui l’image d’un président «manager», qui répond aux attentes d’une élite contemporaine et innovante. En même temps, il est un des moteurs d’une Union européenne pacifiée et revendique une culture profondément humaniste. C’est un personnage complexe qui, bien plus que ses prédécesseurs, enrichit aussi constamment le débat politique en Suisse par ses prises de position.

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