FootballUne identité, du jeu et de l’amour
L’équipe de Suisse M21 a souffert, mais montré un beau visage, vendredi soir, à la Tuilière. Elle ressemble à son sélectionneur et à son public.


Il y a quelques semaines, alors que la succession de Vladimir Petkovic était encore ouverte, je me demandais dans mon coin: «Et si l’ASF avait la solution à l’interne?» C’est vrai, quoi. Mauro Lustrinelli a fait du bon travail avec ses jeunes, la Suisse est un pays formateur, les espoirs grandissent… Et qui les connaît mieux que le Tessinois? Et qui connaît le plus les arcanes de la Fédération et aurait été à même de reprendre une qualification en cours de route? Et bien deux mois plus tard, je n’a pas changé d’avis. Mauro Lustrinelli aurait été un bon candidat.
D’accord, l’ancien Thounois d’aujourd’hui 45 ans n’a pas le CV le plus glorieux. Il n’a entraîné que 13 matches en Super League, OK. Mais le bonhomme a quand même joué un match d'Europa League, six de Champions League et même douze de la regrettée Coupe Intertoto! Lustrinelli porte la croix blanche sur son cœur quasiment sans interruption depuis mars 2015 (assistant des M21, coach des M16, avant de devenir le No 1 des espoirs). En plus, il a connu 12 sélections en tant que joueur.

Le coach incite ses joueurs à attaquer.
Urs Lindt/freshfocusPour l’avoir vu évoluer à Lausanne ces derniers jours, le champion de République tchèque en 2007 avec le Slavia Prague est inspirant. Sur le terrain, à l’entraînement, il pousse les siens en français, en allemand, puis dans un mix des deux. Il court, explique, crie, rigole, prend les joueurs dans ses bras. Mais ce que veut surtout le Tessinois, c’est que les siens ne lâchent rien. Aillent de l’avant. Pressent. Se battent sur tous les ballons. Et vendredi, contre des Pays-Bas supérieurs techniquement, c’est ce qu’ils ont fait.
Ca a failli le faire et la Suisse n’est pas passée très loin d’un très gros coup, qui lui aurait ouvert en grand les portes du Championnat d’Europe M21, qui se disputera en 2023 en Géorgie et en Roumanie. Elle a mené 2-0, elle aurait pu repasser l’épaule en fin de partie si Dan Ndoye ou Felix Mambimbi avaient été un brin plus réalistes… Bref, les Rougets ont régaté avec un des pays formateurs les plus en vue de la planète football et c’est en bonne partie grâce à l’enthousiasme et la prise de risque tactique de leur sélectionneur.
Mon vœu pieux du mois d’août 2021 de voir Lustrinelli prendre la tête des grands ne ressemblait de toute façon pas à la politique de l’ASF, le Tessinois n’était certainement pas le candidat le plus sexy pour les sponsors et sans doute pas assez Alémanique pour certains médias d’outre-Sarine. Mais quand on est la Suisse et qu’on n’a pas de pétrole, on a le droit d’avoir des idées. Des idées dans le jeu, des idées dans le management des hommes. Et ça, Lustrinelli en a plein!
Et puis quel bonheur de voir cette équipe de Suisse avoir enfin son lot de Romands talentueux… Des Genevois comme s'il en pleuvait (Amdouni, Jankewitz, Imeri, Omeragic), des Vaudois à la pelle (Husic, Okoh, Bares, Ndoye) et un Fribourgeois pour la route (Mambimbi)... Et encore, on va bientôt naturaliser welche le portier du SLO Justin Hammel, j’en suis sûr! De quoi persuader les nombreux enfants venus au stade vendredi qu’ils ont leur chance dans ce sport.

Car en prime - et même si de nombreux billets sont allés gratuitement à des moins de 16 ans - la Tuilière a montré qu’elle pouvait être un bel écrin pour des matches internationaux. Ils ont été plus de 7000 à la garnir, soit le deuxième total de la jeune histoire de l’enceinte. Jusqu’ici, 4632 spectateurs avaient été comptés en ouverture de saison contre St-Gall (1-2), ils étaient 5635 à la mi-août contre le FC Bâle (2-2), 12'150 pour la réception de Sion (1-1) et l'opération plein stade réussie le 12 septembre, ainsi que 4875 lors de la rouste infligée par YB (0-6) dix jours plus tard.
Avec la foule qui sera présente à la Praille samedi soir, après une semaine où Sommer, Shaqiri et compagnie ont passé plus de temps à faire des selfies qu’à s’entraîner, la preuve est définitivement faite que l’ASF doit franchir la Sarine plus régulièrement. Que ce soit avec les «A», mais aussi les filles et les espoirs.
Ils et elles y seront tou·te·s chaleureusement reçu·e·s, comme on dit en 2021.