France«Violeur de la Sambre»: 20 ans requis contre Dino S.
Le sexagénaire qui est inculpé de viols sur 56 jeunes femmes risque une lourde peine. Durant trente ans, il était resté introuvable avant que des images de vidéosurveillance ne le trahissent.
Pour sanctionner un «désir sexuel sadique» qui a fait pendant trente ans 56 victimes, de viols, agressions sexuelles ou tentatives, le procureur a requis jeudi 20 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Dino S., «le violeur de la Sambre». La peine requise, assortie de deux tiers de sûreté, est le maximum encouru par cet ancien ouvrier de 61 ans, qui comparaît depuis le 10 juin pour 17 viols, 12 tentatives de viol et 27 agressions ou tentatives d’agression sexuelle, dans un rayon de moins de 30 km autour de la Sambre, rivière traversant la frontière franco-belge.
«Nous vous demandons de le condamner pour la totalité des 56 faits», a déclaré l’avocat général Antoine Berthelot, alors que l’accusé n’en reconnaît que 40. «L’extrême dangerosité» de Dino S., «sa faculté à se dissimuler», «commandent que vous prémunissiez la société le plus longtemps possible», a poursuivi Antoine Berthelot, discernant dans le parcours de l’accusé «l’impensable banalité du mal».
Agression par-derrière, strangulation, bâillonnement, utilisation d’un couteau, menaces de mort: selon Antoine Berthelot, le modus operandi de l’accusé signait une «volonté de dominer, de soumettre», provoquant l’excitation sexuelle. Cette «signature» se retrouve dans chacun des 16 faits niés, a-t-il insisté.
Vie des victimes «colonisée»
Resté insaisissable pendant 30 ans, avant son arrestation en 2018 grâce à des images de vidéosurveillance, Dino S. est «inlassablement reparti chasser de la femme, de la fille», avait auparavant lancé l’autre avocate générale, Annelise Cau. Ses victimes «ont toutes été confrontées à l’idée de leur propre mort, imminente», a-t-elle martelé, fustigeant chez l’accusé «un désir sexuel sadique», de «soumettre les victimes dans une position d’avilissement».
Il a «imposé des pénétrations crasseuses» a «des femmes, à des jeunes filles», «des adolescentes: le condamner, a-t-elle dit, c’est redonner un visage à l’homme de la nuit, pour ces victimes», dont «la vie a été totalement envahie, colonisée», par son «surgissement». «La peine maximale qu’il encourt est quoi qu’il arrive trop faible» au regard de la multiplication de ses crimes, a-t-elle jugé.
Elle a prôné «une réflexion collective» sur la préméditation, en matière de crimes sexuels, qui n’a à ce stade «aucune conséquence juridique», ou encore sur la possibilité d’introduire dans le droit une «circonstance aggravante» pour les crimes sériels.
S’il a, au fil des audiences, invoqué un «instinct chasseur, prédateur», Dino S. ne s’est pas réellement expliqué sur son parcours. Impassible la plupart du temps face aux plaignantes, il n’a montré de l’émotion qu’en développant ses propres souffrances.
«Accusation malhonnête»
Faute de résoudre ce «mystère psycho-pathologique», selon les termes d’Antoine Berthelot, les audiences ont mis en lumière le double visage de ce père de famille «Monsieur-Tout-le-Monde», cohabitant dans un «cloisonnement étanche», avec un pervers mû par une «rage narcissique».
«Monsieur S. a un trouble mental» affectant son comportement sexuel, qui n’est pas reconnu comme une pathologie, mais aujourd’hui avec sa psychiatre «il cherche, il chemine», a plaidé l’une de ses avocates, Me Margaux Mathieu. «Il a identifié cette colère, qui nourrissait son passage à l’acte», a-t-elle ajouté. «On essaye de vous faire croire que Monsieur S. ment, ou tord ses déclarations», a-t-elle déploré, critiquant une «malhonnêteté» du parquet général. Elle a aussi fustigé une «enquête bâclée», et des rapprochements opérés «à la louche» entre des faits réels et des dossiers «vides», ne comportant «absolument aucune preuve».
Descriptions physiques erronées, détails «qui ne collent pas au mode opératoire», «déclarations fluctuantes» des plaignantes: elle a repris chacun des faits contestés par l’accusé, notant que des violeurs et agresseurs sexuels, «il y en a plein d’autres». Dino S. «doit être condamné pour les faits qu’il a réellement commis, rien d’autre», a plaidé son autre avocate, Jeanne Peissel. Elle a appelé la cour à l’acquitter pour les faits qu’il réfute, et à requalifier neuf faits, dont des tentatives de viol, en agressions sexuelles.