Retraites en FranceBorne hausse le ton face à un projet de loi qui vise à faire abroger la réforme
À l’Assemble nationale, la Première ministre française a attaqué mardi les oppositions qui se rangeraient derrière un texte du groupe indépendant Liot, qualifié d’«anticonstitutionnel».
Le feu vert accordé mardi à l’examen par l’Assemblée nationale d’un texte d’abrogation de la retraite à 64 ans est loin d’avoir clos le vif débat sur sa validité aux yeux du camp présidentiel, déterminé à «faire bloc» pour empêcher un vote dans l’hémicycle.
«On ne ment pas aux Français»
La proposition de loi qui met le Palais-Bourbon en ébullition, portée par le groupe indépendant Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires), doit être examinée mercredi en commission des Affaires sociales, avant d’arriver le 8 juin en séance. Malgré de faibles chances d’aboutir sur le plan législatif, elle maintient la flamme des opposants à la réforme promulguée mi-avril, face à un gouvernement inquiet du message politique qu’enverrait son éventuelle adoption.
«On ne ment pas aux Français en portant, avec la plus grande démagogie, un texte dont chacun sait ici, pertinemment, qu’il serait censuré par le Conseil constitutionnel», a lancé mardi la Première ministre, Elisabeth Borne, devant les députés lors de la séance des questions d’actualité au gouvernement. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est aussi montée au créneau: «Il ne doit pas y avoir de débat sur cet article qui est clairement inconstitutionnel», a-t-elle dit sur France 2, en référence à la mesure d’abrogation au cœur du texte soutenu par la gauche, le RN et certains députés LR.
«Les droits des oppositions»
Pas de quoi infléchir la position de l’Insoumis Eric Coquerel, qui a annoncé sans surprise mardi avoir «décidé de rendre recevable la proposition de loi». Il livrait devant la presse sa décision, après avoir été saisi en tant que président de la commission des Finances par des élus de la majorité l’appelant à faire barrage au nom de la Constitution. Entouré de plusieurs élus de la coalition de gauche Nupes, Eric Coquerel s’est défendu de toute «logique partisane». Il a justifié sa décision en faisant valoir «les droits des oppositions» et la «souplesse» traditionnelle du filtre de la recevabilité financière pour les propositions de loi.
C’est une «atteinte grave à nos institutions», ont riposté les présidents des groupes de la majorité (Renaissance, MoDem, Horizons), dénonçant une décision «politicienne». Ce texte est «incontestablement irrecevable», a renchéri le rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance), tandis que le député Modem Bruno Millienne a qualifié Eric Coquerel de «plus mauvais président de la commission des Finances qu’ont ait eu».
«Nous ferons bloc demain»
Au cœur de ces joutes, l’article 40 de la Constitution. Il dispose que les initiatives des parlementaires ne sont pas recevables si elles entraînent un alourdissement des charges publiques. Or le texte de Liot coûte «plus de 20 milliards», martèle le camp présidentiel. «Nous ferons bloc demain (mercredi) en commission», a promis la cheffe de file des députés macronistes, Aurore Bergé.
Le camp présidentiel garde des atouts dans sa manche pour tenter d’empêcher un vote. Il espère réussir à supprimer, mercredi, l’article d’abrogation des 64 ans en commission, ce qui obligerait le groupe Liot à réintroduire sa mesure par un amendement avant le 8 juin. Un scénario qui autoriserait la présidente de l’Assemblée nationale à brandir elle-même le couperet de la recevabilité financière. La majorité taxe le texte d’abrogation d’«arnaque», car même adopté par l’Assemblée nationale, il n’aurait «aucune chance» d'aller au bout de son parcours parlementaire. Mais un tel vote serait un «séisme politique», fait valoir le chef de file de Liot, Bertrand Pancher.