PérouLa présidente exclut de démissionner, le pape appelle au calme
La présidente Dina Boluarte reste à la tête du Pérou ébranlé par des manifestations meurtrières le 7 décembre, tandis que le pape François appelle à la fin de violences.
«Les mesures que nous avons prises fonctionnent (…) La violence des personnes qui ont manifesté dans les rues diminue», a dit le Premier ministre Pedro Angulo dimanche à la télévision. Les manifestants exigent la libération de Pedro Castillo, la démission de Dina Boluarte, la dissolution du Parlement et des élections générales immédiates. Les protestations les plus intenses ont eu lieu dans la région andine du sud du Pérou, frappée par la pauvreté, où les revendications d’ordre social n’ont pas été satisfaites depuis longtemps.
«Que résoudrait ma démission? Nous allons rester ici, fermes, jusqu’à ce que le Congrès se décide à avancer les élections (…) Je demande que l’on reconsidère le vote» de vendredi, quand le Parlement s’est prononcé contre l’avancement des élections générales de 2026 à 2023, avait plaidé Dina Boluarte samedi.
Le blocage est notamment dû à une partie du Congrès pro-Castillo, qui souhaite que l’ex-président fasse partie d’une Assemblée constituante chargée de rédiger la nouvelle Constitution péruvienne. Ce qui n’a pas fait l’unanimité. La proposition d’organiser les élections plus tôt, soutenue par 83% de la population péruvienne, sera à nouveau soumise au vote du Parlement mardi, dans l’espoir de calmer la grogne populaire.
Dans un message télévisé, l’ancienne vice-présidente de Pedro Castillo jusqu’à la destitution de ce dernier a déploré ces mouvements qui ont viré à l’affrontement faisant au moins 20 morts et 646 blessés, dont des mineurs. Certains décès sont liés à des heurts avec des militaires, autorisés à intervenir pour maintenir la sécurité intérieure dans le cadre de l’instauration de l’état d’urgence pour une durée de 30 jours.
«Crise politique et sociale»
«Ce n’est que par le calme et un dialogue sincère et ouvert que nous pourrons travailler (…). Comment pouvons-nous nous battre entre Péruviens, gâcher nos institutions, bloquer les routes?» a lancé l’ancienne vice-présidente de Pedro Castillo.
La présidente, issue du même Parti radical de gauche que Pedro Castillo, a expliqué que si les forces armées descendaient dans la rue, «c’était pour protéger» les citoyens «parce que la situation devenait incontrôlable». Elle a dénoncé la présence de «groupes violents» organisés. La présidente a toutefois précisé qu’elle avait dialogué avec le chef des Forces armées et qu’une enquête sur les civils morts lors des affrontements serait ouverte, puis portée devant la juridiction militaire. Elle a également dit que le bureau du procureur s’était saisi du dossier.
Avec l’objectif de mieux gérer cette crise, Dina Boluarte a aussi annoncé dimanche à la télévision qu’elle opérerait plusieurs changements dans son gouvernement mardi, dont celui de Premier ministre, en privilégiant l’expérience politique.
Le pape François a prié dimanche lors de son Angélus place Saint-Pierre au Vatican «pour que cesse la violence dans le pays et qu’on emprunte le chemin du dialogue afin de surmonter la crise politique et sociale qui frappe la population»
Dina Boluarte, originaire d’Apurimac, l’une des zones de conflit, a prononcé une partie de son message en quechua, une langue parlée par une importante partie andine du pays. Les manifestations ont éclaté après que Pedro Castillo a tenté de dissoudre le Parlement le 7 décembre et de gouverner par décret. Ancien enseignant de gauche issu d’un milieu rural et modeste, il a été arrêté alors qu’il tentait de rejoindre l’ambassade du Mexique pour demander l’asile.
Initialement, Pedro Castillo avait été incarcéré pour sept jours, mais la justice a décidé jeudi qu’il resterait en prison pendant 18 mois, jusqu’en juin 2024, afin d’être inculpé de rébellion. Il encourt une peine de dix ans de prison, selon le procureur Alcides Diaz, chargé du dossier.
200 touristes évacués
Quelque 200 touristes bloqués dans la célèbre région du Machu Picchu en raison des manifestations ont pu être évacués samedi, a constaté l’AFP. À bord d’un train, ils sont parvenus près de la ville de Piscacucho, dans la région de Cuzco (sud), où un énorme rocher bloquait le passage. De là, les touristes – dont des Nord-Américains et des Européens – ont marché environ deux kilomètres pour embarquer dans des bus en direction de la ville de Cuzco, qui a un aéroport international.
Le maire du village proche du Machu Picchu, Darwin Baca, avait déclaré à l’AFP que «5000 touristes» étaient bloqués à Cuzco. L’aéroport de la ville a rouvert vendredi après-midi.