Ski alpinPatrice Morisod: «Promis, je ne triche pas!»
Expert du ski masculin depuis bientôt dix ans à la TV, l’ex-coach suisse a été élu «meilleur consultant de la RTS» par les internautes du matin.ch. Le Valaisan livre le secret de sa précision dans les écarts annoncés entre skieurs.
- par
- Sylvain Bolt
Vous avez été plus de 4’000 internautes du matin.ch à participer au sondage du «grand match des consultants de la RTS» lancé vendredi. Arrêté après environ 24 heures de vote, le sondage réunissant 17 experts de sports diffusés par la chaîne nationale publique a rendu son verdict: Patrice Morisod est votre consultant préféré!
L’expert du ski masculin sur la RTS a obtenu 15% des voix. Le ski est à l’honneur, puisque l’ancien coach de Didier Cuche et Didier Défago devance d’une poignée de votes Hugues Ansermoz (14%), qui co-commente certaines des courses féminines sur la RTS. Sur la troisième marche du podium, on retrouve Johan Djourou (12%), qui livre son expertiste lors des matchs de l’équipe de Suisse de football avec le journaliste David Lemos.
Patrice Morisod, vous êtes le meilleur consultant sport de la RTS pour les internautes du matin.ch. Quelle est votre réaction à ce titre symbolique?
Je suis assez fier et honoré! Je trouve que c'est positif pour le ski alpin surtout, qui est un sport très suivi en Romandie et en Suisse de manière générale. Les consultants sont au service des commentateurs, donc c’est aussi quelque chose de sympa pour John Nicolet et Romain Roseng, qui font vivre le ski sur la RTS. Je suis étonné que le ski soit autant plébiscité (ndlr: Hugues Ansermoz, consultant du ski féminin sur la RTS, est deuxième du sondage) mais ça me fait énormément plaisir! Nous avons aussi la chance que le ski, contrairement à d’autres sports comme le football ou le hockey sur glace, soit encore largement diffusé sur les chaînes nationales publiques suisses. Après, j’estime que plein de consultants sont meilleurs que moi, par exemple Luc Domenjoz, expert de la F1 sur la RTS, qui est la personne ayant le plus de connaissances de son sport…
Comment définiriez-vous la «patte» ou plutôt «l’oeil» de Patrice Morisod?
J'essaie vraiment de m'appuyer sur mes connaissances des plus de 25 ans que j'ai passés comme entraîneur en Coupe du monde: 20 ans en Suisse et 6 en France. C’est l’avantage que j’ai. En réalité, je connais pratiquement toutes les pistes de la Coupe du monde par coeur. Je les ai analysées des milliers de fois avec les athlètes que j’ai coaché, comme Didier Défago, Didier Cuche, ou d’autres. Cela m’a permis d’apprendre quelles lignes adopter sur les différents tracés du circuit. Du coup, mon but est de faire comprendre au grand public pourquoi tel athlète est plus rapide qu’un autre. J’essaie de rendre compréhensible ces écarts qui sont infimes, qui se comptent en centièmes de seconde. En m’appuyant sur mon expérience mais aussi sur les moyens d’analyse amenés par la FIS, comme les vitesses instantanées.
Vous ne vous trompez quasi jamais et vous annoncez souvent les écarts au centième près. Avouez-le Patrice, vous trichez parfois?
Non, promis, on n'a pas les moyens de tricher (il rigole)! Cette question m’est souvent posée. Mais contrairement au téléspectateur qui regarde la course de ski à la maison et peut suivre le «live» de la FIS avec une vingtaine de secondes d’avance, nous commentons les images du «vrai» direct. Je ne dirais pas que je me trompe jamais, mais mon expérience en Coupe du monde m’aide énormément à comprendre où il faut passer pour aller plus vite. Et quelle faute coûte combien de centièmes. C’est plus compliqué lorsqu’une piste est nouvelle, comme celle des JO de Pékin en 2022. Là, j’ai dû regarder au moins 100 fois chaque vidéo pour analyser comment aborder les passages-clés.
Et ça vous plaît, de vous avaler des heures de vidéo?
J’adore ça (il rigole)! C’est quelque chose qui m’a toujours intéressé: cette analyse des lignes et ce côté mathématique avec les vitesses instantanées. Savoir qu’à ce passage, si tu arrives à 120 ou 125 km/h, ça peut te faire gagner deux, trois, quatre, ou cinq dixièmes. Suivant la ligne que tu choisis aussi.
L’incrustation des écarts en temps réel, instaurée dernièrement par la FIS lors des retransmissions de ski, doit être votre pire ennemi, non?
Oui, c’est un peu ça. Je trouve surtout que ça dénature un peu le sport. ça ne me dérange pas d’avoir ces écarts mais pas du départ à l’arrivée. ça tue le suspense et surtout je trouve que cette barre verte et rouge, à droite de l’écran, attire trop l'œil. On perd l’athlète de vue, avec ce chronomètre super précis grâce au GPS. A mon avis, on devrait amener cette technologie que sur certains passages.
Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans ce rôle de consultant?
J’adore cette complicité qu’on développe avec le commentateur, mais aussi avec les athlètes quand on est sur les pistes. On échange énormément, on reçoit plein de renseignements d’eux mais aussi des entraîneurs. J’ai un immense plaisir à côtoyer cet univers qui me plaît. Mais j’aime aussi énormément partager cette passion du ski avec les téléspectateurs et avec le public souvent très nombreux au bord des pistes de ski, notamment celles qui se déroulent en Suisse. Les résultats prodigieux du ski suisse de ces dernières années a relancé un engouement incroyable!
Racontez-nous une anecdote en tant que consultant ski sur la RTS…
J’ai débuté comme consultant lorsque j’ai quitté l’équipe de France, donc en 2015. Et vous savez quoi? Je suis arrivé en retard lors de mon premier commentaire en cabine à Genève…(il se marre). Il y avait de gros bouchons sur la route et j’ai débarqué alors que le dossard numéro 7 s’élançait…Donc j’ai très mal commencé mon rôle de consultant à la RTS…
Qu’est-ce qui a changé dans votre rôle en près d’une décennie?
Le rôle est toujours le même, avec peut-être encore plus de moyens pour comprendre et faire vivre le ski. Les images, par exemple, ont vraiment évolué. La qualité est meilleure. Surtout quand la SSR produit les images, je trouve qu’on perçoit de mieux en mieux la pente ou les difficultés de la piste. Les prises de vues avec le drone rendent ce sport encore plus spectaculaire à la télévision. Mais il y a encore vraiment du potentiel pour montrer la réalité d’une piste de Coupe du monde.
Regardez-vous d’autres sports en tant que téléspectateur?
Malheureusement, oui (il sourit). A la maison, je regarde tous les sports ou presque. Ce n’est pas toujours facile pour ceux qui vivent avec moi. J’adore par exemple écouter Luc Domenjoz, l’expert de Formule 1 sur la RTS. Ses connaissances sont incroyables. Mais aussi le curling, je suis tous les matchs grâce à l’expertise de l’excellent consultant (ndlr: Patrik Lörtscher) qui m’a fait découvrir et aimer ce sport que je ne connaissais pas du tout.
Les Mondiaux de ski 2027 auront lieu dans votre canton du Valais, à Crans-Montana. Les téléspectateurs peuvent-ils se réjouir de vous entendre au commentaire des épreuves?
J’espère. J’espère vraiment être encore là. Mais ces décisions appartiennent à la RTS, si elle souhaite continuer à travailler avec moi ou peut-être gentiment rajeunir le cadre des experts. Je devrai choisir entre un rôle de chef de piste des Mondiaux de Crans-Montana et celui de consultant pour la RTS. Mais mon choix est clair: priorité au commentaire! J’adore ça, j’espère pouvoir vivre cet évènement dans ce rôle. C’est aussi moins pénible d’être en cabine que sur la piste.