FootballUn policier jugé pour avoir éborgné un supporter corse
Le procès d’un agent, accusé d’avoir provoqué une blessure irréversible à un supporter lors de heurts en marge d’un match en 2016, commence cette semaine à Reims.
Des échauffourées, un coup de matraque, un œil perdu: le procès d’un policier accusé d’avoir éborgné un supporter bastiais après un match de Ligue 1 en 2016 à Reims débute mardi devant les assises.
Jugé pour «violences avec usage ou menace d’une arme suivies de mutilation ou infirmité permanente», le policier, âgé de 50 ans, encourt 15 ans de réclusion criminelle. Il avait tenté de contester son renvoi aux assises de la Marne devant la Cour d’appel de Reims, puis la Cour de cassation. En vain.
Les faits remontent au 13 février 2016: le SC Bastia vient de signer sa première victoire en déplacement à Reims lors de la 26e journée. Il est 21 h 50, les responsables sécurité du stade – cités dans la procédure – remarquent une trentaine de supporters bastiais «particulièrement énervés» dans les travées visiteurs.
À l’issue du match, un groupe de supporters corses rejoint le centre-ville. Le match n’est pas classé à risque par les autorités, mais des heurts éclatent avec les policiers. Parmi les Bastiais, Maxime Beux, 22 ans à l’époque, donne un coup de pied dans la voiture du policier mis en cause. Celui-ci le rattrape et lui envoie, selon lui, un coup de bâton télescopique pour «le stopper dans sa course».
L’accusé, membre de la BAC (brigade anticriminalité) rémoise, explique alors que le jeune homme a chuté et que sa tête a «heurté le haut d’un potelet métallique», provoquant sa blessure à l’œil.
«Abracadabrantesque»
«Abracadabrantesque!» tranche l’avocat de la victime, Me Benjamin Genuini. «L’enquête a permis de démontrer que cette blessure ne pouvait être due ni à une chute sur un poteau, ni à un tir de flash-ball», affirme l’avocat à l’AFP. Il cite deux expertises médicales, selon lesquelles «la blessure coïncide avec un coup de matraque télescopique», qui a entraîné la perte fonctionnelle irréversible de l’œil gauche. L’enquête de l’IGPN parvient aux mêmes conclusions.
Un proche de la victime, témoin de la scène, racontera lui aux enquêteurs avoir vu son ami recevoir un coup de matraque au niveau de la tête et aussitôt «crier de douleur». Malgré une blessure saignante à l’œil, Maxime Beux est menotté, transporté au commissariat et placé en garde à vue. «Entre le moment où il est blessé et le moment où il est pris en charge par les secours, il s’est passé 1 h 10», déplore son avocat.
Le policier – dont l’avocat, Me Nicolas Brazy, n’a pas donné suite aux sollicitations de l’AFP – porte plainte pour «outrage et rébellion», mais le supporter ne sera jamais poursuivi. Quatre jours après le match, une information judiciaire est ouverte contre X du chef de violences volontaires. Maxime Beux, «défiguré», selon son avocat, est entendu comme partie civile.
«Impact violent à l’œil gauche»
Il relate alors aux enquêteurs «les tensions croissantes» entre policiers et supporters bastiais, dès l’arrivée au stade, puis après le match dans le centre-ville. Et confirme avoir reçu «un impact violent à l’œil gauche», sans pouvoir en déterminer l’origine, puis s’être «écroulé». Une ITT de 45 jours lui a été délivrée.
Confronté aux expertises, le policier, originaire de Reims, finit par reconnaître que la blessure à l’œil a été causée par le coup de matraque, mais dit avoir agi «en exécution d’un ordre». Chargé de patrouiller en centre-ville, il était chargé «d’interpeller les personnes troublant l’ordre public».
«Un usage disproportionné de la force» a «été démontré par l’enquête», réplique Me Genuini, un «coup de pied à une voiture» ne constituant pas une infraction, d’autant qu’il n’est pas établi que Maxime Beux – qui a depuis terminé son master en gestion – faisait partie «des supporters les plus virulents».
Au total ce soir-là, huit supporters bastiais ont été placés en garde à vue pour outrage et rébellion. Sept d’entre eux ont été condamnés en appel en 2017 à des peines allant jusqu’à 1000 euros d’amende.
À la suite de cet événement, des incidents avaient éclaté en Corse entre les forces de l’ordre et les manifestants. Des milliers de Corses avaient aussi défilé à Bastia derrière une banderole «Ghjustizia per Maxime» («Justice pour Maxime»).
Verdict vendredi.